Pour Sarkozy, "Républicains" copie les néoconservateurs US les plus féroces

mercredi 28 octobre 2015.
 

Le grand ami de la dynastie républicaine des Bush

par Pierre Serna, directeur 
de l’Institut d’histoire de 
la Révolution française, professeur 
à Paris-I Panthéon- Sorbonne

Je me demande bien pourquoi les collègues universitaires, les spécialistes de la politique, les sociologues des partis s’étonnent tant de la volonté de capture du mot «  républicain  » par le camp de l’ancien président de la République. Même Marcel Gauchet y est allé de sa feinte ou cynique incantation à demander un adjectif après République, comme si la droite n’avait pas kidnappé depuis longtemps des symboles forts, issus de la Révolution française, censés représenter le peuple en colère, en révolte, en arme, libre et émancipé, à commencer par le bonnet phrygien comme emblème de feu le RPR de Jacques Chirac. Ainsi, ou bien on prend la posture scandalisé  : il n’a pas le droit moralement de faire cela… quoi  ? accaparer le mot République  ! Comme si la République en soi, se suffisait… la République peut être celle de Bonaparte, par exemple, et, pourquoi ne pas l’écrire, celle de mai 1958 et de son quasi-coup d’État, sans parler de certains articles de notre Constitution, dont le fameux 16 qui donne tous les pouvoirs au président en cas de crise  ! Ou bien on prend la posture critique, tant pis pour la République, la bourgeoise s’est vendue tant de fois, la faussement égalitaire est à bout de souffle et ne sert plus qu’à la reproduction des élites entre elles  ! Les deux positions sont des impasses et le piège tendu fonctionne…

En effet, ces deux prises de position après le coup de bluff de Nicolas Sarkozy confondent République et démocratie, impossibles pourtant à penser en forme de synonymie, à moins de courir de graves dangers et de faire semblant d’ignorer qu’une république peut être autoritaire et qu’une démocratie, manipulée par le plébiscite, peut être pire. Pourtant, la Révolution et tout le XIXe siècle, et une grande partie de la gauche au XXe siècle, ont voulu et pensé une République démocratique, c’est-à-dire un régime de souveraineté du peuple – des citoyens mus par un espoir d’idéal – inscrit dans un horizon à atteindre  : liberté, égalité fraternité jamais conquises, à désirer tout le temps, à édifier à chaque instant par le vivre-ensemble, le pouvoir être différent et le vouloir jouir des mêmes droits, à chaque moment de la vie civile, civique et privée.

Est-ce ce modèle français de République démocratique que revendique Nicolas Sarkozy  ? Pas du tout et, une fois de plus, le débat mené de façon franco-française appauvrit la réflexion et rate la cible authentique  : le président des «  Républicains  » envoie pourtant un message on ne peut plus clair. Il n’a pas de grande culture de la République démocratique de Robespierre, de Danton aussi, de Quinet, de Jaurès, de Péguy, de Jean Zay, de Germaine Tillion. En revanche, il est, reste et demeure fasciné par le modèle américain et son ultralibéralisme des plus violents par la casse sociale qu’il provoque. Le message devient plus clair  : «  Républicains  », cela veut dire copier le parti des néoconservateurs les plus féroces qui soient de l’autre côté de l’Atlantique et, du même coup, vouloir forcer ses opposants à devenir les démocrates, aussi peu représentatifs d’une gauche républicaine et démocratique que le sont les partisans de Barack Obama ou de madame Clinton.

Nicolas Sarkozy ne veut pas accaparer la République comme on l’entend de ci et de là. Il veut simplement tourner la page de la République démocratique telle qu’elle s’est construite en France, avec ses luttes sociales, son éducation civique et civile, son instruction pour tous, son refus des communautarismes sectaires et son égalité comme objectif à réaliser pour construire la citoyenneté. Ce n’est pas tomber dans une américanophobie stérile que de pointer ce que masque le jeu autour du mot «  républicain  ». C’est plutôt tenter de dévoiler la part de cynisme de Nicolas Sarkozy à vouloir brouiller les cartes, par sa fascination des faucons américains et de leur république agressive et ploutocratique. Par pitié, ne jouons pas son jeu  : ce n’est pas de l’histoire de France qu’il s’agit dans cette histoire de manipulation du mot «  république  », mais du refus à exprimer clairement de concevoir son avenir dans sa transformation en une petite Amérique, la succursale du clan Bush, les amis de vacances de Nicolas Sarkozy, ses protecteurs républicains.


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