Grèce : Dans les grands complexes touristiques évolue un trafic régulier « d’esclaves »

mercredi 29 juillet 2015.
 

Le 27 juin 2015, selon le président de la Confédération des entreprises touristiques grecques (SETE), Andreas Andreadis, l’industrie touristique subit « l’attaque la plus folle qu’on puisse imaginer. Cela équivaut à la condamnation à mort du tourisme grec. » (Le Monde, 27 juin 2015) Les créanciers de la Grèce dictaient une augmentation de la TVA pour toute la branche de 6,5% à 23%. Selon A. Andreadis : « Avec une TVA à 23%, la Grèce ne sera plus compétitive. » Il invoque les avantages comparatifs, en termes de TVA, de la Turquie (8%), de Chypre (9%), de la France, de l’Italie et de l’Espagne (10%). Et à l’instar de tous les débats sur la compétitivité comparative, le porte-parole du tourisme grec affirme que 200’000 emplois seront détruits.

Le tourisme est, dans le capitalisme grec, fortement marqué par les services, un secteur fort important : 25 millions de touristes prévus en 2015, soit 1 million de plus qu’en 2014, année record. Les mois de juillet, août et septembre concentrent quelque 60% des arrivées. L’ensemble de la branche emploie environ 700’000 personnes, dont une large majorité de salarié·e·s. La hausse de la TVA, incluse finalement dans les accords du 13 juillet, a fait la une de la presse internationale. Par contre, moins d’articles ont été consacrés à la baisse des salaires dans ce secteur, très forte dès 2012, et aux conditions de travail. L’attaque des employeurs à l’occasion du deuxième mémorandum de 2012 avait suscité, en juin, un appel à la grève motivé de la sorte : « Les employeurs utilisent ouvertement l’avalanche de mesures [liées au mémorandum] qui écrasent les droits sociaux et humains des travailleurs et exiger ainsi avec violence leur soumission. »

Selon une enquête effectuée en juillet 2014, la hausse du nombre de salariés n’ayant pas de couverture sociale, dans l’hôtellerie, la restauration et les bars, est apparue « foudroyante ». « Dans diverses îles des Cyclades, les employés logent dans des caves, travaillent sans assurances et les licenciements sont aussi courants que le changement de personnel. » (Protothema, 17 juillet 2014) Les employés disposant d’une qualification sont engagés comme « travailleurs non qualifiés » avec un salaire brut mensuel de 580 euros. Le miracle grec du tourisme n’est pas partagé par tous.

Malgré le chômage interne qui est un bras de levier pour l’abaissement des salaires, un secteur de l’industrie touristique fait appel à une main-d’œuvre immigrée. Et pas seulement dans la blanchisserie pour les hôtels. L’article publié ci-dessous représente la pointe de l’iceberg. Comme le souligne l’auteur, le silence des médias grecs et internationaux est quasi total sur les tréfonds de l’industrie touristique, certes placée sous la surveillance du Code d’éthique (sic) de la World Tourism Organisation dont l’article 2 affirme : « Le tourisme comme véhicule pour l’épanouissement individuel et collectif ». L’article 9 est consacré aux « droits des travailleurs et entrepreneurs de l’industrie du tourisme ». Un code adopté par la SETE. (Rédaction A l’Encontre)

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Une jeune fille ukrainienne, qui a travaillé ces deux derniers mois dans un hôtel de Laganas [station sur une île touristique réputée, desservie par l’aéroport international de Zakynthos], est morte par épuisement. La surcharge de travail a porté atteinte à sa santé, son corps ne supportait plus ce poids, d’autant plus qu’elle souffrait d’asthme. Du jour où elle a commencé à travailler, les journées de 12-13 heures se succédaient, sans un seul jour de congé, jusqu’à ce qu’elle s’effondre. Malheureusement, elle a rendu son dernier souffle à l’hôpital. Elle y a été présentée… comme une apprentie.

Voici le côté obscur de la « success story » du tourisme, a indiqué le président de la Fédération des travailleurs de l’alimentation et du tourisme, Panagiotis Prountzos, parlant sur la radio Rouge (105,5) avec Spiros Gerardis, à l’occasion de la mort de la jeune travailleuse. « Il y a un vrai commerce régulier “d’esclaves”, organisé par des firmes de travail intérimaire qui cherchent des “stagiaires”, venant souvent des pays de l’ancien “bloc de l’Est”. » P. Prountzos a souligné que le salaire moyen se situe généralement à hauteur de 300 euros par mois.

« Seulement la souffrance peut exprimer nos sentiments à propos de la mort de la femme de chambre dans un hôtel de Zakynthos », déclare dans un communiqué la section SYRIZA du secteur du tourisme. Il indique que « la jeune immigrante en provenance de l’Ukraine a été qualifiée d’« apprentie » par le réseau de trafiquants d’esclaves pour les employeurs des grandes chaînes hôtelières grecques ».

La doctrine néolibérale de la flexibilité du travail, afin de l’adapter aux besoins du marché, montre ici son vrai visage : réduire des coûts de production et intensifier le travail jusqu’à ce que les salarié·e·s soient épuisés, « exterminés » physiquement. Il se trouve, indique la section de SYRIZA, que les armées d’« apprentis » et de « stagiaires » des programmes d’aide (au moyen de bons – voucher) mis en place pour « l’intégration » de jeunes dans le « monde du travail » constituent la base réelle pour la « compétitivité des produits grecs » [ce système a été mis en place lors du mémorandum de 2012 et concernait initialement quelque 45’000 jeunes].

Il est caractéristique que dans le même temps les partenaires dits sociaux qui sont bavards et plus particulièrement diserts sur d’autres questions (par exemple, les privatisations) n’ont pas écrit le moindre mot à propos de la mort de la jeune fille. Un silence similaire a été conservé par les médias traditionnels, car ils sont seulement concernés par le tourisme et ne veulent pas intimider l’opinion publique.

De plus, souligne la section de SYRIZA, le mot d’ordre “un emploi stable et digne” acquiert plus de sens que jamais. Dans le même temps, elle appelle à « un renforcement des mécanismes de contrôle, afin de garantir les règles ayant trait à la santé et la sécurité pour les salarié·e·s, et à l’abolition des lois anti-ouvrières et des formes de travail flexibles de suite ». La section Tourisme de SYRIZA exige de commencer « immédiatement la procédure d’enquête sur l’accident et de traduire en justice les responsables de ce tragique accident et tous ceux croient pouvoir choisir quelles règles ils respectent et lesquelles ils ne respecteront pas ». (Publié sur le site de META – courant syndical animé entre autres par des activistes de Syriza – le 24 juillet 2015. Traduction A l’Encontre)


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