Revenu de base : la Finlande, fer de lance européen ?

samedi 8 août 2015.
 

Première européenne. Arrivée au pouvoir en avril dernier, la coalition de centre-droit finlandaise a annoncé, début juillet, vouloir tenter l’expérience d’un revenu de base inconditionnel. Le débat sur son montant, sa mise en œuvre et son financement doit avoir lieu. Il s’annonce ardu. Certains parlementaires demandent que le revenu soit attribué sous condition (de recherche de travail notamment), d’autres s’opposent totalement à l’idée. En attendant, le Premier ministre centriste Juha Sipilä a mandaté un think tank pour réfléchir à la question. Celui-ci propose de mener une expérience sur deux ans avec huit mille individus âgés de 18 à 62 ans. Ils pourraient recevoir une somme comprise entre 400 et 700 euros mensuels, un montant soutenu par les Verts et l’Alliance de gauche même si certains parlementaires libéraux ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils trouvaient la somme insuffisante et préconisent 850 à 1000 euros. Le Premier ministre devra convaincre la majorité du Parlement s’il entend mener à bien l’expérience.

La Finlande peut s’appuyer sur de nombreux exemples Quoique peu connues, les expériences à travers le monde ne manquent pas. De même que les résultats positifs en termes économiques, de progrès social ou de réalisation de soi. En 2011, un projet pilote de dix-huit mois étendu à six mille personnes, citadins comme habitants des campagnes, riches comme pauvres, s’est déroulé en Inde. Les adultes recevaient entre 200 et 300 roupies (entre trois et quatre euros) mensuelles et les enfants la moitié. Une somme conséquente en regard des subventions alimentaires et programmes de lutte contre le chômage dont les plus démunis bénéficient peu, en raison de la corruption omniprésente. Soutenu par l’Unicef et par la Self-Employed Women’s Association (SEWA), ce projet a donné lieu à des retombées encourageantes pour les plus pauvres avant tout. De nombreux ménages ont utilisé leur argent pour améliorer l’hygiène de leur logement. Beaucoup se sont dirigés vers les marchés de produits frais, au lieu de poursuivre leurs achats dans les magasins de rationnement. Des progrès significatifs en termes de santé, notamment chez les enfants, ont été enregistrés. Autre observation : avec un confort matériel et un accès aux transports accrus, les familles ont pu se permettre d’offrir de meilleures conditions d’apprentissage à leurs enfants. Parallèlement, les adultes ont abandonné les travaux forcés dont dépendait leur subsistance, tout en augmentant leur temps de travail indépendant (commerce ou agriculture, par exemple). Finalement, possédant des liquidités, les ménages sont parvenus à freiner leur endettement et à ne plus recourir aux services des prêteurs. Une expérience similaire s’est tenue à Otjivero, un petit village pauvre de Namibie comptant mille habitants. Entre 2008 et 2009, sous l’impulsion de l’évêque luthérien Zephania Kameeta, désormais Ministre namibien de la lutte contre la pauvreté, l’expérience d’un revenu inconditionnel a sorti le village de la précarité, augmentant sensiblement le niveau et la qualité de vie de ses habitants. Plus qu’une expérience, l’Alaska possède, elle, un véritable revenu de base depuis les années 1980. Les Alaskiens empochent, en complément des prestations sociales existantes, une partie des dividendes rapportés par l’extraction et le commerce du pétrole de la région. L’Alaska Permanent Fund Dividend varie, selon les années, entre 800 et 1800 dollars annuels. Un pic à plus de 3200 dollars a été enregistré en 2008. Bien que calqué sur le modèle d’une allocation universelle, ce dividende ne couvre pas totalement les besoins vitaux. Il peut dès lors être qualifié d’aide sociale supplémentaire, toutefois très bénéfique pour les régions rurales qui souffrent du chômage.

L’engouement européen En Europe, l’idée d’un revenu universel fait son chemin : les partis verts anglais et gallois l’ont inscrit dans leur programme. Le parti d’opposition irlandais Fianna Fail a récemment fait de même avec une proposition concrète à 230 euros par semaine. A Utrecht, aux Pays-bas, un projet pilote est sur le point de démarrer, alors que trente autres municipalités du pays souhaitent également entamer des expériences similaires. En Espagne, le parti Podemos défend l’idée d’une allocation universelle dans son programme. Une initiative en faveur du revenu de base avait d’ailleurs été lancée en 2014, sans parvenir à recueillir suffisamment de signatures.

Le problème du financement Les projets pilotes, limités dans le temps et en nombre de bénéficiaires, n’ont pas de peine à être financés (par les autorités, associations, organisations non-gouvernementales et même par le financement participatif). C’est plutôt la mise en œuvre à l’échelle d’un Etat tout entier qui pose problème. L’idée d’allocation universelle provoque systématiquement des levées de boucliers en raison des incertitudes planant sur son financement et le risque pointé du doigt, par les syndicats notamment, de baisses des salaires ou de maintien de pans entiers de la population à l’écart du marché de l’emploi. Pour y parvenir, ses partisans proposent de combiner plusieurs mesures : supprimer les prestations sociales (par exemple rentes AVS/AI, allocations perte de gain, assurances chômage, allocations familiales, bourses d’études, etc.) jusqu’à concurrence du montant du revenu de base, relever la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le montant des impôts ou encore introduire une taxe sur le coût écologique ou sur les transactions financières. Ralph Kundig, président du Basic Income Earth Network (BIEN)-Suisse, estime que tous les pays du monde ont la capacité théorique de convertir leur produit intérieur brut en revenu de base, même si les méthodes de financement dépendent de l’organisation économique et fiscale de chaque pays.


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