Check Point sur Seine

lundi 12 octobre 2015.
 

J’ai défait ma valise pendant que mes amis Eric Coquerel et Danielle Simonnet imposaient un débat sur la pitoyable opération « Tel Aviv plage ». Je fais miens leurs arguments pondérés. Je n’y ajoute rien. La direction politique effective du Parti de Gauche a fait son travail de façon magistrale. Le rôle de déclencheur a été bien accompli par l’intervention de Danielle Simonnet, notre unique conseillère de Paris par ailleurs co-coordinatrice du Parti de Gauche. Mais je veux marquer d’une pierre blanche ce que j’observe à cette occasion.

Un grand changement se voit dans l’opinion sur le thème. Je le note en constatant l’absolue impuissance des habituels manieurs pervers du rayon paralysant : l’accusation d’antisémitisme assénée à tort et à travers, à tous propos et hors de propos, sur tout le monde et n’importe qui, n’impressionne plus personne. C’est un résultat lamentable de l’abus qui a été fait de cette accusation. Car l’antisémitisme est une réalité comme le racisme en général dont il est une expression particulière. Mais à force de l’utiliser pour interdire tout débat sur la politique des gouvernements d’Israël, ou pour régler des comptes politiques, l’argument a changé de sens aux yeux du plus grand nombre en perdant son objet réel. L’accusation d’antisémitisme est surtout devenue l’argument de confort pour habiller le soutien inconditionnel à un gouvernement étranger dont la majorité des Français, toutes confessions et opinions politiques confondues, réprouve le comportement. Depuis les crimes de guerres contre la population de Gaza, seuls les fanatiques en sont restés à cette option du soutien inconditionnel alors même qu’une partie de l’opinion israélienne et des militaires de ce pays condamnent eux-mêmes ce qui s’est passé et se passe depuis ! Le soutien du CRIF à madame Le Pen et le retour d’ascenseur bienveillant du Front national n’ont rien arrangé, c’est bien certain.

Dès lors, la défense inconditionnelle se fait au prix du pire. En atteste le comportement excessif et agressif d’une personnalité comme Arnaud Klarsfeld ! Ses parents ont forcé l’admiration de tous en menant une traque implacable contre les nazis. Que devient le capital de ce nom quand il sert d’autorité pour agonir d’invectives Eric Coquerel ou bien pour tweeter : « ceux qui veulent boycotter Israël sont comme les nazis qui voulaient boycotter les juifs ». Et encore ne dis-je rien ici de l’incroyable grossièreté des injures encaissées par Danièle Simonnet. Sans oublier les menaces et tout le reste. Du reste quoique j’écrive et quelles précautions que je prenne à cet instant, je m’attends aux mêmes hurlements de la meute. Pavlov règne en maitre sur cette scène. En voyant tout cela, en entendant les responsables de la mairie de Paris approuver les critiques de mes amis puis s’arcbouter à défendre une opération, pourtant déjà totalement démonétisée, par des communiqués lénifiants, je m’interroge : comment en sont-ils arrivés là, au PS ? Certes il y a dans les rangs de ce parti un nombre conséquent d’inconditionnels des gouvernements d’Israël. Mais il n’est pas vrai que ce soit le cas d’Anne Hidalgo ni de la majorité municipale socialiste. La vérité exige de dire que sous l’impulsion de Bertrand Delanoë la ville de Paris a beaucoup fait pour les villes palestiniennes. Et c’est sous l’autorité d’Anne Hidalgo, à l’initiative de notre camarade Danielle Simonnet, que l’Etat palestinien a été reconnu par Paris.

Comment en arrive-t-on à ce résultat où critiquer une initiative de la ville qui vient en contradiction avec ses engagements équilibrés du passé se transforme en une « opération antisémite » ? Comment est-ce possible ? Comment une Hidalgo a-t-elle finie par se faire instrumentaliser de cette façon ? Parce qu’elle a agi inconsidérément. Et solitairement, sans l’avis ni de son conseil ni de ses adjoints. Et si elle l’a fait c’est parce qu’elle ne comprend pas le monde dans lequel elle vit. Sur ce point je fais la même analyse que le journal « le Monde », une fois n’est pas coutume. Les dirigeants socialistes agissent d’après un logiciel dépassé. Dans ce domaine comme dans les autres. De la même façon que les chefs socialistes en sont restés à la logorrhée sur « l’Europe qui protège » et les mièvreries émollientes sur le « couple franco-allemand », ils en restent à une vision du conflit israélo palestinien qui n’a plus de réalité. Le « processus de paix » n’existe pas. Il est devenu un objectif de lutte. Pour le moment il butte sans espoir sur la politique de colonisation accélérée menée par le gouvernement de monsieur Netanyahou contre l’avis du monde entier. Il butte sur l’extrême-droitisation approfondie de la majorité de droite en Israël et dans la diaspora. D’un autre côté il est faux de dire et de penser que l’écrasante majorité des musulmans en France soient antisémites comme il est absurde de dire que les juifs en France sont anti-musulmans. En particulier les jeunes Français qui militent pour le boycott des produits israéliens n’agissent nullement par antisémitisme mais par refus de la colonisation et de l’humiliation des palestiniens. Leur argument doit être entendu : si ce n’est pas le boycott alors quel autre moyen pacifique permettrait d’agir concrètement pour obliger le gouvernement d’Israël à entrer dans la logique de paix ? Interdire cette discussion et cette action dans un pays libre revient à y importer l’Etat de non droit et de violence qui prévaut sur place, en Palestine et en Israël. C’est instiller en France un poison mortel pour l’unité et l’indivisibilité de son peuple ! Et c’est mal éduquer bien des gens partis honnêtement dans un combat qu’ils veulent mener honnêtement.

Le calme magnifique et la discipline non violente du rassemblement « Gaza-plage » a été la démonstration de cette dimension raisonnée du combat mené. Je le dis d’autant plus tranquillement que mes amis n’y avaient pas appelé pour la raison que nous n’étions pas capable de protéger notre action contre les provocations que nous redoutions. Les grilles de lectures simplistes qui veulent confessionnaliser le conflit ne prennent de réalité que si on le leur permet, en les prenant au sérieux, et en se rangeant sous la bannière des siamois du « choc des civilisations ». Quelle que soit leur religion, les Français sont profondément pacifiques, imprégnés d’esprit laïque et 99,99% d’entre eux souhaitent la fin du conflit israélo-palestinien par l’existence de deux Etats viables, vivant dans des frontières sures et reconnues. Personne ne veut l’extermination des uns par les autres. C’est d’ailleurs pourquoi l’opération criminelle Plomb durci contre Gaza est toujours à vif dans les esprits.

Loin de comprendre cela, l’équipe du PS parisien s’est enfoncée dans un déni qui laisse pantois. Comment peut-on annoncer contre toute possibilité physique que 11 000 personnes auraient participé à cet étrange épisode dont la photo de Klarsfeld à moitié nu dans un essaim de garde du corps est un résumé si consternant ? Comment le communiqué de la ville de Paris peut-il qualifier de « moment de détente » une opération de « plage » sous la protection de 500 policiers et sous la férule d’un « check-point » tenu par une organisation communautariste d’extrême droite interdite en Israël même et aux Etats-Unis ? L’aveuglement politique fait cascade. Une bêtise prépare et justifie la suivante. Pour justifier cette « provoc sur seine » alors même qu’ils savent avoir commis une lourde faute contre leur propre objectif affiché, le PS parisien déjante. Comme d’habitude, son seul espoir se sera ni de convaincre et encore moins de s’autocritiquer. Leur agence de « com. de crise » le leur déconseille… Ce sera juste, comme sur tous les sujets qui gênent, « qu’un coup chasse l‘autre ». Mais le dégât produit dans les consciences ? Ils s’en moquent. Tirez en la leçon. Le PS essaie de contenter tous les communautarismes « à égalité ». Nous les combattons tous. Mais pour le comprendre il faut être « républicain jusqu’au bout » comme disait Léon Blum qui n’est pourtant pas ma tasse de thé politique.


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