L’asile est un droit humain ! (par Patrick Le Hyaric)

samedi 19 septembre 2015.
 

La terrible image du petit enfant rejeté par une mer devenue son linceul sur une plage ensoleillée de Turquie a choqué, secoué, bouleversé bien des consciences. Ce déchirant drame humain, ajouté à des milliers d’autres, surpasse tous nos cauchemars. Il appelle à ce que se soulève une vague de solidarité. Déjà, des dirigeants Européens, les Nations-Unies ont commencé à se bouger. Jusqu’où ? Telle est bien la question tant sont nécessaires des actes qui, à la fois, répondent à l’urgence et s’en prennent aux causes profondes d’un mouvement migratoire historique. D’un même élan, devraient s’imposer l’aide et le soutien à celles et ceux contraints à l’exil et la recherche des conditions de la paix et de la justice au Proche et Moyen-Orient, en Afrique, sans quoi tout continuera et empirera ! Tout commence par l’abandon de la politique de la porte close. Devenu le symbole des désastres et des chaos de ce monde, l’enfant noyé s’ajoute aux vingt-cinq-milles personnes -oui 25 000-, l’équivalent de la population de l’une de nos villes moyennes qui, depuis l’année 2000 ont perdu la vie dans les flots de la mer Méditerranée. Il n’avait que quatre ans. Il avait un prénom et un nom : Aylan Kurdi. Pas du tout cette figure de l’envahisseur brandie à droite et à l’extrême-droite depuis des mois et des mois. Il n’aura connu que la peur, le bruit sourd des mortiers aux abords de son petit lit ou dans la cour, quand il essayait de jouer un peu avec ses frères et sœurs ou ses petits voisins. Comme le font des millions d’autres, sa famille cherchait à le mettre à l’abri, le cœur déchiré, loin de chez lui, loin de son pays. La photo de l’enfant se juxtapose à celle d’autres enfants, décapités par les sinistres fascisants de Daech, ou à ces images et ces cris de désespoir dans des gares d’Europe, assaillies par des migrants forcés, demandeurs d’asile, ou à d’autres encore, tentant de franchir des murs de barbelés érigés par des gouvernements convaincus qu’ils garantiront ainsi leur pouvoir. Les institutions européennes, si autoritaires et si violentes pour obliger les peuples à subir leurs froids critères comptables, n’ont-elles rien à exiger du premier ministre Hongrois alors qu’il bafoue la charte européenne des droits fondamentaux ? Tous ces partisans de l’acceptation du traité de Lisbonne qui nous ont tant rebattu les oreilles sur les mérites de la dite charte ont-ils perdu la mémoire ? Qu’ont-ils retenu du salutaire effondrement du mur de Berlin eux qui restent sans voix alors que s’érigent en Europe et ailleurs de nouveaux murs de barbelés, doublés de chiens policiers ? Ah, la fameuse liberté de circulation des marchandises et des capitaux ! Mais, point pour les êtres humains ! Pourtant l’asile est un droit universel, inscrit dans les conventions internationales. Continuateurs des révolutionnaires de 1793, nous lui restons fidèles en proclamant que « Le peuple Français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres »… « Il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour cause de la liberté, il le refuse aux tyrans …. »

Il fut un temps, depuis la fin du dix huitième siècle, où notre main était successivement tendue aux 150 000 juifs russes, aux 700 000 catalans fuyant le franquisme, aux 170 000 vietnamiens ou encore aux dizaines de milliers d’arméniens. Agir pour que les consciences de notre époque s’en inspirent ne tient pas de la nostalgie mais bien, tout simplement, de l’humanité qu’il nous reste à construire.

Inutile de se voiler la face, les mouvements migratoires vont s’intensifier, quels que soient les efforts déployés aujourd’hui pour remédier aux causes du désastre. Le temps long de l’histoire et des mouvements du monde est à l’œuvre. Nous devrons y répondre par le temps long de la détermination et du courage politique. Bien loin du néant politicien en cours. Que vaut le concept de mondialisation s’il exclut la mondialisation des solidarités ? Pour être commun, notre monde devra s’extirper du chaos des guerres, de celui qu’enfante la brutalité de la guerre économique, du pillage les ressources naturelles et celles issues du travail, de cette furieuse guerre qu’aggraverait encore le traité de libre échange transatlantique.

Notre monde devra tout autant se prémunir des dérèglements climatiques dont les conséquences commencent à être palpables, poussant sur les tortueuses routes de l’exode des populations de plus en plus nombreuses.

Citoyens de tous les pays, nos sorts sont liés ! Croire que l’on pourrait être heureux ici dans des océans de malheurs et de drames est un leurre. Désormais toutes et tous ensemble, par delà nos origines, nous devons faire monde commun. Pour cela, il faudra avoir le courage de s’attaquer aux racines des maux du monde, à la loi de la jungle de l’argent-roi, aux divisions et aux concurrences organisées au service de l’ordre capitaliste marchand, aux commerce des armes, à la course aux armes de destruction massive et aux guerres. Toutes nos intelligences et nos forces devraient être mises au service de la reconstruction de l’humanité commune, de la santé à l’éducation, de la souveraineté alimentaire à la satisfaction de tous les besoins humains et à la préservation de la planète. Ce sont de nouveaux ponts qu’il faudrait construire et non plus ces hideux murs de séparation.

La politique devrait conduire d’abord à garantir la survie et la vie de chaque migrant-réfugié. Pour cela il est indispensable de sécuriser sans attendre les couloirs d’accès et d’établir des voies légales d’entrée sur le continent. Un dispositif de sauvetage et d’accueil dans notre mer commune doit être rétabli. L’inepte directive de Dublin doit être abrogée car les pays du pourtour Méditerranéen ne peuvent assumer seuls la charge de l’accueil des réfugiés. Notre universelle humanité commune ne pourra progresser qu’en dépassant les divisions organisées. Celui qui est privé de travail ou de logement ici doit pouvoir y avoir accès sans être mis en compétition ou en opposition avec le réfugié qui lui aussi doit pouvoir bénéficier de tous ses droits humains, dont celui de pouvoir retourner en son pays sécurisé et en paix s’il le souhaite. Est donc posée l’ambition d’un co-développement humain mondial. La France membre du Conseil de sécurité des Nations-Unies devrait se porter à la pointe du combat pour le règlement des conflits au Proche et au Moyen-Orient, avec l’ensemble des puissances mondiales et régionales. Elle doit porter le débat au sein des instances de l’ONU car les Etats-Unis et d’autres puissances, qui ont semé la terreur et la guerre dans cette région, ne peuvent être exonérées de leurs responsabilités. Laisser la mort de nos frères étrangers devenir banale, c’est laisser pousser l’herbe mauvaise de la haine et du repli, du mépris et de l’indifférence avec son lot de substances vénéneuses qui déjà se répandent sur notre continent et en France. Contrairement à ce qui se dit parfois, ce n’est pas l’accueil de l’autre, des « étrangers et nos frères pourtant » qui fera progresser l’extrême-droite et ses idées, mais bien l’inaction, la pagaille et le reniement des belles valeurs humanistes et progressistes. « Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain » disait J Jaurès. Nous y restons fidèles. Fidèle à la fraternité humaine.

Patrick Le Hyaric, L’Humanité Dimanche


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