Le système médiatique est la deuxième peau du système (septembre 2015)

mardi 6 septembre 2016.
 

On s’épuiserait à recommencer sans cesse le procès des médias de notre pays. Je ne le fais plus qu’occasionnellement, lorsque je suis certain de leur nuire à mon tour d’une façon ou d’une autre dès qu’ils croient pouvoir me frapper sans qu’il leur en coûte.

On se souvient de l’épisode du boycott de notre université d’été par la nouvelle direction socialiste de LCP (la chaine parlementaire) de Marie-Ève Malouines. Les explications confuses et contradictoires qu’elle en donna finirent de faire son portrait de porte serviette du PS. J’avais mis de côté à cette occasion le silence parallèle de la rédaction politique de « France 2 ». Erreur. Depuis, elle se sent sans doute des ailes pour patauger dans la fabrication du fond de scène médiatique propice à la stratégie des frères siamois de l’UMP et du PS. Dans nombre de ses branches, le « service public » est donc dorénavant tombé aussi bas que ses maîtres. Ce week-end, cependant, j’ai trouvé que beaucoup ce sont surpassés. Ceux qui rediffusèrent du matin au soir la fête de Frangy, les indépassables discours de la passionnante université de La Rochelle, ou encore les deux discours de Marine le Pen, n’eurent rien à dire ni à faire à propos de la Fête de l’Humanité. Pendant ce temps chaque journal télévisé fonctionnait comme un tract pour le Front National sur fond de panique migratoire. Comment comprendre une telle irresponsabilité ? Par-dessus le marché nous avons dû subir l’éternel refrain des « bisbilles », « déchirements », « divisions » qui, chaque année, sans imagination, forment le halo médiatique de la Fête. Cependant je n’ai pas entrepris ces lignes pour dire ce que nous savons tous déjà.

Pour en savoir davantage et plus précisément sur cet évènement en particulier, je vous renvoie à l’excellent post d’Antoine Léaument. Je résume ce que j’ai senti : ce n’est plus une attitude professionnelle que de se réserver à la critique sans même donner une indication sur ce qui se passe. Personne n’aura su en regardant TF1 ou France 2 ce que faisait Yannis Varoufakis à la Fête de l’Huma, ni qu’Oskar Lafontaine s’y trouvait avec Stefano Fassina. Pour ne rien dire du reste. Cela alors même qu’était parue notre tribune commune et qu’elle faisait l’objet de dépêches et de reprises dans toute l’Europe. Le système médiatique est la deuxième peau du système. Je veux seulement à présent souligner un fait qui passe souvent inaperçu. C’est la similitude des options tactiques des médias contre nous dans les divers pays. J’ai souvent relevé comment ici je suis attaqué au plan personnel et physique avec des notations de vocabulaire (il tonne, il éructe, il s’emporte etc..) et des visuels terribles destinés à mettre en scène la bestialité traditionnellement attribuée à l’homme de gauche depuis le 19ème siècle. J’ai déjà dit que dans le cas des femmes de notre gauche, c’est pire. Je m’appuyais pour cela sur l’exemple du traitement subis par les femmes dirigeantes de l’Amérique Latine. En Grèce on a bien vu comment ce « deuxième niveau de lecture », celui de la mise en scène, en image et dans les mots, a fonctionné à propos de Tsipras. Avant et après la signature ce n’est pas le même homme que l’on voit sur les photos. Les titres, les qualificatifs, les images, tout change du tout au tout. On passe de la contreplongée, vue par en dessous, toujours flétrissante, à celle du dessus, toujours édifiante. Et ainsi de suite. Tsipras « le chimpanzé » est devenu un « homme d’État ».

Mais le record d’infamie est bien battu à propos de Zoe Konstantinopoulou, présidente du Parlement hellénique. Le registre est celui qui fut appliqué à Ségolène Royal pour la tuer à petit feu. Maintes télévisions ont une rubrique quasi permanente sur « les délires de Zoe » destinées à extraire des phrases de ses discours pour la ridiculiser sur un plan très personnel et souvent physique. Plusieurs médias n’ont pas hésité à franchir le pas qui vaut à toute femme de gauche d’être bestialisée par son sexe comme l’homme l’est par sa violence. Mais on comprend facilement que le résultat n’est pas de même nature, exactement comme ce n’est pas la même chose de traiter un homme de « salaud » et une femme de « salope ». Zoe est donc traitée « d’Orang-outang mal baisée », et maintes fois les uns ou les autres adjurent son mari, marin au long cours, de « rentrer d’urgence pour la calmer ». Kristina Kirchner présidente de l’Argentine fut caricaturée se masturbant a la une de « Clarin » journal de masse de référence, de droite évidemment. J’en passe et des meilleures. Le dire et prévenir ne change pas vraiment la situation. Sur le moment sous le choc de l’image ou du verbe, la pulsion visée est le plus souvent atteinte. Le lecteur/spectateur est profondément atteint. C’est bien le but visé et obtenu car sinon pourquoi le feraient-ils ? Pourquoi le feraient-ils tous, de la même manière, avec les mêmes ficelles sur tous les continents ? Mais marteler cette dénonciation est indispensable pour entretenir les anticorps de ceux qui refusent de se laisser manipuler.

Je note que Jeremy Corbyn a subi la même trajectoire de construction de réputation dans les médias anglais. La presse liée au secteur de droite du Labour a évidemment battu le tambour pour clamer que la victoire de la gauche du labour serait un « cadeau pour les conservateur ». Evidemment, elle a aussi vite sous-entendu que Corbyn serait en fait plutôt content de ça et même complice. Comment ne pas penser alors aux campagnes contre moi avec le « dîner secret de Guaino », la « légion d’honneur de Buisson » et ainsi de suite. Quant à la presse dite « populaire », elle s’est déchainée avec les mots et les méthodes dorénavant universels de la « presse libre ». Corbyn a donc droit à son lot de contreplongées avec vue en profondeur de ses narines, à moins que ce soit les trois quarts inquiétants. Les journaux de la branchouille style « Libé », bien inséré dans la boucle des campagnes mondiales des agences d’influence, en donne une idée. Il a fait de Corbyn sa « une » pour l’assimiler à un tueur grâce à une astuce de mise en page. Son vélo, ses chaussettes, sa pétulance (ne note-t-on pas qu’il vient de se marier pour la troisième fois ?) Tout y passe. Exactement comme me l’avait annoncé Oskar Lafontaine quand moi-même j’ai pris le chemin de la dissidence du PS après lui. Corbyn a quand même gagné le vote pour diriger le Labour. Ses 59% sont spectaculaires. Mais plus encore peut-être l’est le 4,5 % recueilli par la blairiste traditionnelle qui s’opposait à lui ! Sans oublier la victoire non moins écrasante de la gauche du Labour à l’investiture pour la mairie de Londres. Le pire reste à venir de ce que les médias savent faire quand viendra le temps des élections.


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