Le capitalisme fabrique des monstres (hier Ben Laden, aujourd’hui Daech)

mercredi 23 septembre 2015.
 

Le capitalisme fabrique des monstres (hier Ben Laden, aujourd’hui Daech), qui lui servent ensuite à étendre sa domination, à s’accaparer les richesses mondiales, à dicter son « ordre » (devenu chaotique), à diviser et exploiter les peuples jusqu’à la dernière goutte de sang et de sueur, à prôner « l’union sacrée »...

Ces Janus sans vergogne nous jouent aujourd’hui la rengaine de la compassion, de la pitié, après avoir eux-mêmes provoqué l’effondrement de l’Etat en Afghanistan, en Syrie, en Irak, en Lybie, et la catastrophe humanitaire. Il fallait prétendument « libérer » ces pays à forte odeur de pétrole. Les satrapes qui gouvernaient ont été longtemps soutenus par la France, en sous-main ou ouvertement, en vendant à ces « imprésentables » des armes à gogo... tout en entraînant, finançant et armant également leurs oppositions, tout aussi « imprésentables ». Assez de double jeu ! A semer des monstres, on finit par récolter l’horreur. Nous y sommes !

Il a fallu le traumatisme, déclencheur médiatique et humain à la fois, une photo insupportable, pour qu’ils fassent semblant d’être sensibles à la misère du monde, et qu’ils acceptent d’entrebâiller la porte cadenassée d’une Europe Bunker. Mais où étaient-ils avant la terrible photo, malheureusement si ordinaire et révélatrice de leur monde « mondialisé » ? Ils s’en contrebalançaient et attisaient les brasiers...

On ne peut que se réjouir de la mobilisation populaire et généreuse soulevée par ce petit gamin syrien échoué, mort sur la plage... Il aurait pu être palestinien (oui, palestinien, des photos comme celle-là, il y en a eu des centaines), kurde, malien, libyen, iraquien... Les réactions à la photo ont confirmé, si besoin était, qu’il y a chez les peuples des trésors de solidarité qui ne demandent qu’à s’exprimer sans être manipulés... Ces élans humanistes ne sauraient dédouaner les Etats « occidentaux », maîtres du monde, mais géants aux pieds d’argile, de leur historique dette envers « le sud », et de leur devoir : contribuer à un nouvel ordre du monde, de partage, de justice, de paix, par simple humanité. L’humanité n’a d’avenir que solidaire.

Le président Français a fait le minimum, comme d’hab, contraint et forcé par l’opinion publique... accueillir 24 000 migrants. Il pourrait proposer à l’ex-patron d’Alcatel, à Total, de subvenir à leurs besoins... Une chose est sûre : F. Hollande ne rentrera pas dans l’histoire au « rayon » des « grands présidents », mais à celui des « petits télégraphistes » des Etats-Unis et de l’Allemagne. Ah ! « le couple franco-allemand » ! Il en a de bonnes... Ils nous jouent aujourd’hui les pleureuses hypocrites et par derrière parlent de « quotas », de « camps de rétention » hors Europe, avant que les pauvres hères ne traversent la Méditerranée ; ils parlent de « trier » les migrants économiques des politiques, comme si les deux choses n’étaient pas liées.

La France de François Hollande s’apprête à bombarder chirurgicalement, au millimètre près, Daech, en épargnant évidemment la Syrie. Faux-jeton ! La France des Droits de l’Homme, abaissée comme jamais, s’apprête à s’embringuer dans un nouvel engrenage de violences, dans une logique de guerre aussi mortelle qu’inefficace. Il n’y aura des mirages que dans le ciel, à réaction, pour bombarder qui ? quoi ? avec quel mandat ?, et de nouvelles rafales de haine, enfantant de nouveaux monstres, dont on se servira pour instrumentaliser l’émotion au service toujours de la déprédation capitaliste. Si l’on n’avait pas Daech, il faudrait l’inventer !

Jean Ortiz, L’Humanité


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