Tomber la chemise, ça motive

jeudi 22 octobre 2015.
 

Editorial national hebdomadaire du Parti de Gauche

Il se nomme Sébastien Benoît. Il est ouvrier syndicaliste CGT à STX St Nazaire. L’homme qui lui tend la main est Président de la République. Sébastien Benoît le domine d’une tête. Il refuse la main tendue de François Hollande. Digne et solennel, il s’en explique : « Il n’y a pas de politesse à avoir, il y a des actes concrets à faire pour l’emploi et les salaires. » L’hôte de l’Elysée, se croyant sans doute à un conciliabule socialiste, tente une feinte doucereuse : « On dialogue, jamais une organisation comme la vôtre n’a recours à la violence, vous la dénoncez cette violence… ». Il n’a pas le temps de finir, la réplique du syndicaliste a fusé : « Oui on dénonce la violence patronale. Et vous, vous la condamnez la violence patronale, vous condamnez la violence qu’est la suppression de 2900 emplois à Air France ? Non. »

Tout est dit. Voilà la meilleure réponse au référendum surréaliste de Jean-Christophe Cambadélis. L’unité de la gauche ? Elle est périmée. Ceux qui traitent de voyous des salariés défendant leur emploi et leur entreprise et ceux qui les soutiennent ne sont plus dans le même camp. Cela fait un bout de temps, à force de politique austéritaire du gouvernement. Mais le quinquennat de François Hollande s’est singulièrement accéléré en ce sens cette semaine sous la forme d’une arrestation au petit matin de syndicalistes d’Air France, de leur garde à vue suivie dans la foulée de leur mise en accusation accélérée pour violence aggravée. Dans l’esprit de Manuel Valls, le scénario était cousu d’avance. On imagine le Premier ministre d’ici : certain que sa fermeté affichée allait lui apporter une large adhésion dans l’opinion. Pourquoi pas même la division syndicale à Air France entre organisations modérées et celles plus radicales… Et en sus de couper l’herbe sous le pied aux Sarkozy ou Le Pen, eux aussi prompts à condamner la « violence » syndicale. L’inverse s’est produit.

Les sondages en témoignent, une grande majorité de ceux qui n’ont également que leur force de travail pour vivre n’ont pas voulu condamner les tombeurs de chemises. Mieux, ils disent comprendre la colère des salariés. Nul doute que ce chiffre n’a pas dû baisser depuis qu’ils ont été arrêtés comme on le fait pour des terroristes ou des criminels. Et la division syndicale ? Douze organisations syndicales d’Air France, tous personnels confondus appellent à une manifestation le 22 octobre pour exiger l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires et disciplinaires ainsi que la défense du « pavillon français ». A ce tableau d’ensemble, on ajoutera la décision de la CGT de boycotter la conférence sociale.

L’onde de choc d’Air France n’en a pas fini de se propager. Elle a déjà réussi à faire vaciller un Manuel Valls admettant un temps que le plan social pouvait être évité si le dialogue social s’approfondissait. Certes, il a repris le mors aux dents ce jeudi matin, annonçant que le plan n’était pas suspendu, mais une faille au sommet de l’Etat est apparue. L’avenir dira si le redécollage des mobilisations sociales est venu du côté d’Air France. Ce serait la meilleure nouvelle qui soit. Dans tous les cas le fond de l’air a changé. On n’a pas fini de chanter le vieux tube de Zbeda « Tomber la chemise » dans les manifestations à venir. Et cela motive sacrément.

Eric Coquerel

Co-coordinateur politique du Parti de Gauche


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