Comment un village gallois lutte contre l’évasion fiscale

vendredi 13 novembre 2015.
 

Et pourquoi le boulanger et le café du coin ne se domicilieraient pas aussi dans un paradis fiscal ? Ecœurés par l’impunité de l’évasion des multinationales, les commerçants d’un village ont choisi de copier les techniques de Facebook et consorts pour dénoncer cette injustice.

L’épicier du village anglais de Crickhowell, bourgade de 2800 habitants du Pays de Galle, a découvert un matin en ouvrant son journal qu’il payait sept fois plus d’impôts que Facebook en Grande Bretagne, malgré les résultats colossaux de la multinationale.

Ecœuré, il se concerte avec le boulanger, le patron de café, l’opticien, le libraire et d’autres artisans du village pour agir. L’idée est de créer un montage fiscal afin de copier les stratégies d’évasion des multinationales et de médiatiser l’affaire. Comme les honoraires des avocats fiscalistes sont énormes, les petits commerçants se sont regroupés et font leur montage par eux même.

La BBC prépare d’ailleurs un documentaire à paraître début 2016. Ils espèrent que d’autres villes feront de même afin de forcer le gouvernement à sévir contre l’évasion fiscale des grandes entreprises.

Jo Carthew, qui tient un atelier de fumaison de saumon à Crickhowell, explique la démarche : "Nous voulons payer nos impôts mais nous croyons fermement que les grandes compagnies devraient également payer leur juste part. Le montage que nous avons trouvé devrait montrer que les petits commerces, s’ils se regroupent, peuvent payer moins d’impôts en imitant les stratégies utilisées par les multinationales. Nous voulons que cela sonne comme une menace pour le gouvernement, pour le pousser à combler les lacunes de la législation fiscale".

Le café du village contre Starbucks

Le propriétaire du café du village se sent tout à fait concerné. "J’ai toujours payé chaque centime des impôts que je devais, et je n’ai aucun problème avec ça. Ce qui ne me convient pas, c’est que mes énormes concurrents ne payent pas les leurs." En ligne de mire : Starbucks et Caffè Nero, deux chaines extrêmement présentes en Grande Bretagne qui ne payent quasi aucun impôt, grâce à un montage fiscal basé sur des filiales.

Ces chaines de café se débrouillent ainsi pour afficher des résultats négatifs dans tous les pays d’Europe depuis des années, mais un bilan global extrêmement bénéficiaire. Chaque enseigne estampillé Starbucks ou Caffè Nero paye à une première filiale, basée en Irlande, au moins 20 % de ses résultats au titre de propriété intellectuelle (pour l’utilisation de la marque et du concept). Sur cette île, les bénéfices liés aux « royalties » ne sont pas imposés. Chaque café doit ensuite obligatoirement acheter ses matières premières au prix fort dans une autre filiale extrêmement rentable. C’est ainsi que la Suisse, pays très généreux en matière d’impôt sur les bénéfices, est devenu un leader européen en matière de vente de grains de café… Résultat, Starbucks est déficitaire en France comme au Royaume-Uni, donc n’y paye que très peu d’impôts, mais réalise un bénéfice net de plus de 2 milliards d’euros au global.

Pi.M. avec BBC

Jeudi, 12 Novembre, 2015

Humanite.fr


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message