Face au terrorisme djihadiste... La République comme arme commune

vendredi 22 janvier 2016.
 

Depuis des mois, les alertes de nombreux spécialistes et de nos institutions n’ont pourtant pas manqué. On avait peine à l’imaginer. Et pourtant ! Vendredi soir, des loups sont une nouvelle fois entrés dans Paris et Saint-Denis, provoquant un horrible carnage et irriguant les rues d’un sang innocent. L’effroi, l’émotion et le chagrin continuent d’envahir la France et, au-delà, le monde entier.

Chacun reste abasourdi par ce drame innommable. Jamais depuis la Libération, notre pays n’avait eu à faire face à un tel déchainement de violence à des attaques suicides menées simultanément en différents endroits de la région capitale. Jamais la France n’avait pleuré autant de victimes d’actes terroristes. Ces criminels ne font aucune distinction d’origine ou de religion. Ils frappent l’humanité.

Moins d’un an après les crimes barbares contre Charlie Hebdo et à l’hyper casher de Vincennes, nous voici à nouveau pris dans le redoutable tourbillon de la terreur fanatique. Cette fois, aucun symbole politique ou religieux sous le feu des assassins mais une foule heureuse, vivante, jeune et festive qui contraste tant avec le visage hideux du fondamentalisme. Un palier supplémentaire vient d’être franchi dans la barbarie qui frappe indistinctement au cœur des lieux où s’ébat la vie : au bar, au restaurant, au concert ou au stade. Il s’agit bien d’un acte de guerre au cœur de notre société, d’une insondable cruauté.

La solidarité qui s’est levée le soir même, des hôpitaux débordés par l’afflux de donneurs du sang à l’expression intense de liens solidaires sur les réseaux sociaux en passant par les portes ouvertes de centaines de foyers, incarne cette résistance morale qui réchauffe autant nos cœurs qu’elle donne confiance en l’avenir. L’efficacité des services publics de sécurité, de santé, de protection civile, des fonctionnaires territoriaux fut exemplaire. Ils étaient ce soir-là l’expression d’une nation solidaire et fraternelle.

Aujourd’hui, la France, sans être la seule, est indéniablement dans le viseur de Daech et de la nébuleuse jihadiste. La menace terroriste est plus que jamais la donnée macabre avec laquelle nos concitoyens devront composer. Il en faudra de la lucidité pour ne pas sacrifier les libertés, pour ne pas vaciller sur nos bases républicaines et convaincre que les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité restent les armes les plus tranchantes pour combattre l’obscurantisme assassin.

Preuve est désormais faite que ce n’est pas l’empilement de lois sécuritaires qui fait la sécurité d’une Nation, surtout si elles s’écrivent avec l’encre de l’animosité et sous le régime de l’austérité. Des moyens nouveaux sont indispensables à la justice, la police, aux services de renseignement pour protéger les Français et la démocratie. La tenaille de l’austérité doit aussi s’ouvrir pour l’école et les collectivités locales.

Les leçons de la guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis doivent être une bonne fois pour toutes comprises et assimilées. Ce n’est pas en rajoutant la guerre à la guerre ni en écornant l’Etat de droit que l’incendie s’éteindra. La politique doit reprendre ses droits. C’est vers ce but exclusif que doivent être dirigés nos efforts diplomatiques et militaires comme la politique intérieure. C’est surtout le seul moyen d’assécher les filières de recrutement jihadiste qui se nourrissent du perpétuel ressentiment entretenu par le fracas des armes, les injustices et misères que cultive la mondialisation capitaliste. Des efforts nouveaux doivent être déployés ici pour l’éducation et la jeunesse, là-bas pour le développement humain, social et économique. Comment comprendre que notre pays, présent sur tant de théâtres de guerre, ait pour la cinquième année consécutive baissé son aide au développement, désormais loin, très loin des objectifs fixés par l’ONU ?

Pour sortir la Moyen-Orient du chaos, la France devrait être à l’initiative d’une coalition internationale nouvelle, avec des puissances régionales responsabilisées et associées aux Nations-Unies. Le Parlement devrait être habilité à faire des propositions en ce sens. Le double jeu des pays du golfe et de la Turquie doit être fermement dénoncé. La France ne peut pas d’un côté prétendre mener la guerre au terrorisme international et de l’autre signer des contrats d’armement mirobolants avec les monarchies théocratiques ou laisser les entreprises privées commercer sans contrainte avec ceux qui financent autant qu’ils inspirent le terrorisme islamiste. Clarté et cohérence sont aujourd’hui indispensables. Les victoires successives des forces kurdes contre l’Etat islamique forment à cet égard un nouvel espoir sur lequel il faudra s’appuyer.

Le terrorisme sera d’autant plus efficacement combattu que nous resterons une société ouverte, tolérante, qui refuse la stigmatisation, de confondre nos concitoyens de confession musulmane avec l’étendard de la mort jihadiste, qui combat le racisme sous toutes ses formes. La République comme arme commune et la solidarité comme bannière pourront renverser les montagnes de haine et de division que cherchent à ériger la barbarie fondamentaliste et ses exécutants.


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