Libertés syndicales : Taubira a la main lourde

samedi 5 décembre 2015.
 

Ce 2 décembre je suis à Bobigny pour accompagner les camarades d’Air France. Procès reporté. L’ambiance est lourde. Les salariés sanctionnés sont atteints. On sait que le gouvernement et le patronat marchent main dans la main dans cette affaire pour essayer de terroriser les salariés de l’entreprise et d’ailleurs. Pour l’équipe Hollande dans la bataille pour confisquer les marqueurs de droite et d’extrême droite, le thème de la répression anti ouvrière est assez précieux. Dans ce contexte, décidément, Christiane Taubira a un étrange comportement.

Présentée comme une figure tutélaire de la gauche amie des libertés publiques, on la trouve sans voix devant d’innombrables abus contre ces dernières. Totalement absente dans le débat sur l’opportunité de l’état d’urgence, elle reste muette à propos des abus qui se commettent désormais contre les militants écologistes et syndicalistes. Quant aux syndicalistes c’est même son subordonné, le procureur, qui tape souvent le plus fort. Or il ne saurait agir sans consigne.

En voici un nouvel exemple bien triste. Le procureur d’Amiens a demandé une peine de deux ans de prison contre huit anciens salariés de l’usine Goodyear d’Amiens Nord. Deux ans de prison ! Dont un an ferme ! Même le journal Le Monde dit que « la réquisition apparait sévère ». Pourquoi ? Parce qu’il n’y a aucun plaignant face aux salariés ! L’entreprise et les deux cadres concernés ont retiré leur plainte. Le procureur est le seul à poursuivre et à demander une condamnation ! Pourquoi le procureur est-il plus zélé que l’entreprise et les personnes retenues elles–mêmes ? Quelle instruction applique–t-il ? Pourquoi le garde des Sceaux les lui a-t-il données ?

Que leur est-il reproché ? D’avoir participé à la retenue pendant 30 heures de deux cadres de leur entreprise dans un mouvement de grève contre la fermeture de l’usine en 2014. On leur reproche d’avoir défendu leur dignité et leur emploi, ainsi que ceux des 1 134 autres salariés de l’usine. Aucune violence n’a été portée contre les cadres en question. En revanche, l’avocat des salariés a souligné que le Comité hygiène de l’entreprise avait décompté 14 suicides en deux ans parmi les salariés. Qui jugera cette violence-là ?

La volonté de faire un exemple contre une lutte ouvrière saute aux yeux. Cette usine est depuis des années un symbole de résistance. Résistance contre le chantage patronal qui voulait augmenter le temps de travail et baisser les payes. Résistance face aux menaces de fermetures de l’usine. La retenue des cadres a eu lieu au cours d’un conflit de plusieurs années. Les salariés avaient gagné plusieurs procès et ainsi empêché la fermeture de l’usine. Mais malgré ses défaites, l’actionnaire a continué à vouloir fermer le site et il y est enfin parvenu l’an dernier. Parmi les salariés jugés, sept sont membres de la CGT et cinq sont des délégués ou élus syndicaux. Le principal responsable de la CGT de l’entreprise Michal Wamen en fait partie.

Mais qui a demandé au procureur de faire cette sale besogne ? N’est-il pas sensé agir « au nom du peuple français » comme tout fonctionnaire de justice ? Je note que les procureurs réclament des peines lourdes contre les militants impliqués dans des affaires concernant des luttes sociales ou écologiques. On l’a vu par exemple dans la même région à l’occasion du procès des militants de la Confédération paysanne en lutte contre la ferme-usine « des 1000 vaches ».

Or, les procureurs sont placés sous l’autorité directe de la ministre de la Justice. Mme Taubira a-t-elle donné des consignes de fermeté contre les salariés en lutte ? Sinon comment expliquer l’ardeur des procureurs à frapper si fort ? Le refus par le gouvernement et le PS de l’amnistie sociale pour les lutteurs condamnés sous Nicolas Sarkozy était un signal. Il a été entendu par les patrons mais aussi par les autorités judiciaires.

Je persiste : défendre son emploi n’est pas un crime ni un délit. Les actes des salariés d’Air France ou de Goodyear doivent être jugé pour ce qu’ils sont : de la légitime défense sociale face à l’agression dont ils sont victimes et dont se rendent coupable les actionnaires et la direction de l’entreprise. Le jugement de l’affaire Goodyear sera rendu le 12 janvier. D’ici là, le 2 décembre a lieu une première audience dans le procès des salariés d’Air France. Les syndicats appellent à un rassemblement devant le tribunal de Bobigny à 12h. J’y serai.

Ce sera aussi l’occasion de poser une question sans réponse jusqu’ici. Pourquoi la police et la justice françaises sont-elles plus dures avec les salariés en lutte qu’avec Mme Le Pen ? On l’a déjà vu dans l’affaire Air France. Les salariés soupçonnés ont été arrêté chez eux à 6h du matin sans ménagement. Mme Le Pen, elle, a déjà refusé deux fois de répondre à la convocation du juge dans l’affaire de financement illégal de son parti. Mais personne n’est allé la chercher au petit matin dans son château de Montretout ! On a vu aussi la Cour d’Appel de Douai relaxer Mme Le Pen dans l’affaire du faux tract contre moi alors qu’elle avait été condamnée en première instance et qu’elle avait avoué sa responsabilité. On a aussi vu le procureur de Lyon demander la relaxe de Mme Le Pen pour ses propos comparant des musulmans à l’occupation nazie. Tout cela fait beaucoup. Pourquoi la justice est-elle complaisante avec Mme Le Pen et si dure avec les salariés en lutte ?


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