COP21 Un projet d’accord inacceptable

lundi 7 décembre 2015.
 

Le texte (20 pages) présenté à Bonn, du 19 au 23 octobre, a immédiatement fait hurler le groupe dit des 77 (134 pays) + la Chine car toutes leurs demandes avaient disparu, dont la reconnaissance de la responsabilité différenciée dans le réchauffement et une aide internationale publique. Les 77 se sont donc efforcés de faire réintégrer un certain nombre de leurs exigences.

Dans le nouveau texte (55 pages), la structure thématique (atténuation, adaptation, finances…) est conservée et plusieurs options, parfois totalement contradictoires, sont proposées avec plus de 1 500 phrases non consensuelles entre crochets. Les pays du sud ont été exclus de certaines réunions réservées aux pays riches sans parler des ONG refusées. Laurence Tubiana, envoyée spéciale de la France pour préparer la COP21, a reconnu que : « Les négociateurs n’ont fait aucun compromis. Ils attendent le moment final. ». Les négociations préparatoires à la COP se sont poursuivies lors d’une « pré-COP » à Paris du 8 au 10 novembre où 75 pays ont été invités.

Les objectifs de réduction d’émission des pays ne font pas partie de la négociation ! Ceux d’arrêter la déforestation non plus.

A ce jour 154 pays sur 195 ont déposé des engagements de réduction d’émission de gaz à effets de serre. Le total laisse prévoir une hausse des températures d’au moins 3°C. Il est donc largement insuffisant. Or aucune négociation n’est prévue pour obliger les pays à améliorer leur proposition. L’objectif de la COP21 de maintenir l’augmentation des températures en-dessous de 2°C est donc déjà un échec.

Aucun objectif à court ou moyen terme n’est présent dans le texte

Les scientifiques du climat ont insisté sur la nécessité de réduire les émissions mondiales de 40 à 70% d’ici 2050 avec un pic d’émission en 2020. Il faut donc réduire les émissions de GES à 44 Gt d’équivalent CO2 par an d’ici 2020, 40 GT d’ici 2025 et 35 Gt d’ici 2030. Aucun de ces objectifs à court et moyen terme n’est mentionné. Seuls des objectifs à long terme sont fixés mais avec un débat pour savoir si les états doivent les atteindre ou devraient les atteindre. La nuance entre obligation ou recommandation est fondamentale !

Le mécanisme de révision est plus que flou

Il n’est pour l’instant qu’une option, sans précision pratique, et le bilan de la mise en œuvre des engagements des États n’est pas prévu avant 2023 ou 2024. D’ici là de nouveaux records de réchauffement auront sûrement été battus et les gouvernements feront de nouveau des discours larmoyants.

L’origine des émissions de CO2 est tout simplement passée sous la table

Imaginez participer à un colloque sur la cirrhose où la cause, l’alcoolisme, ne serait pas évoquée. Hé bien ce texte ne mentionne pas les énergies fossiles responsables d’au moins 80% des émissions de CO2 et ce alors que chaque année ce secteur reçoit plus de 700 milliards de dollars de subventions publiques sans compter les aides indirectes. Pas question de se fâcher avec les lobbies des énergies fossiles dont plusieurs d’ailleurs sont les financeurs de la COP21 ce qui leur permet d’utiliser le logo et de se verdir ainsi à bon compte.

Rien pour le développement des énergies renouvelables

Cela pourrait fâcher les pétroliers et les tenants du nucléaire

L’aviation et le transport maritime épargnés

Alors qu’ils comptent pour 5% et 3% des émissions mondiales de CO2, une fois de plus ils ne seront pas concernés par les objectifs de réduction d’émissions. Pas touche à la mondialisation galopante.

Pas de financements sérieux

Toujours pas d’engagement concret pour respecter l’engagement pris à Copenhague en 2009 de débloquer 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour soutenir les pays et les populations les plus vulnérables. Lors du sommet de Cancun, il s’agissait de fournir 100 Md. Aujourd’hui à Paris il ne s’agit plus que de mobiliser 100 Md. Ils peuvent donc provenir de fonds déjà existants dont on modifie l’affectation ou être fournis par le secteur privé. En gros c’est une aide payante qui permet aux multinationales de faire du fric sous prétexte d’aide à l’adaptation des pays les plus affectés. Le groupe des 77 exige des financements publics.

Rien sur la justice climatique

Ce sont pourtant les pays et les populations les plus pauvres qui sont les plus touchés. L’abandon des énergies fossiles va aussi entraîner la nécessité de reconvertir des milliers de travailleurs qui travaillent dans ces secteurs. Mais tout ce qui relève de cette question n’est qu’une mention fugace dans le préambule du texte et les demandes des pays du sud sont pour le moment entre crochets.

L’incitation aux fausses solutions

En passant de l’objectif « zéro émission » à celui de « zéro émission nette », c’est à dire zéro émissions calculées non à la source mais après compensations, le texte promeut ainsi tous les mécanismes de compensation carbone (reforestation, développement propre) et en crée un nouveau : marché de changement d’usage du sol au lieu de s’attaquer sérieusement à la réduction des émissions.

Les égoïsmes nationaux des pays producteurs d’énergie fossile et des pays riches, la volonté des multinationales de continuer à maintenir leurs profits sans entrave, sont à l’œuvre pour empêcher toute remise en cause du système. Cet accord va être plus faible que les précédents alors que le réchauffement climatique s’est aggravé. L’accepter comme base de négociation revient à dire qu’il constitue une bonne base. Ce n’est pas le cas. Mais François Hollande a besoin de conclure la COP21 en clamant que grâce à la France, comprenez grâce à son gouvernement, la planète est sauvée.

On peut perdre une bataille sociale ou démocratique et gagner la bataille suivante

Avec le climat, toute bataille perdue nous rapproche chaque jour plus dangereusement du moment où la vie humaine sur la planète deviendra intenable et où les atteintes à la nature seront irréversibles pour le maintien d’une planète avec sa vie végétale et animale telle que nous la connaissons. Il est donc de notre responsabilité de démonter ce mensonge, de mobiliser massivement autour de « c’est le système qu’il faut changer, pas le climat », « si le climat était une banque, il serait déjà sauvé ». D’être partie prenante de la construction indispensable d’un mouvement pour la justice climatique qui doit continuer la lutte après la COP21 et de démontrer qu’une autre alternative que la course à l’abîme est possible.

Texte réalisé par Martine Billard secrétaire nationale à l’écologie à partir des analyses de Jane Lingaard (Mediapart) et Maxime Combes (Attac)


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