Le réalisme de l’audace : repenser la stratégie révolutionnaire aujourd’hui

lundi 8 août 2016.
 

La capitulation de Syriza a constitué une défaite pour l’ensemble de la gauche radicale européenne et, de "laboratoire de l’espoir", la Grèce est devenue une "cause de désespoir" pour de nombreux•ses militant•e•s en Europe. Comment penser stratégiquement à partir de cette défaite et dans le contexte politique nouveau qu’elle a ouvert ? Le théoricien marxiste Panagiotis Sotiris tente ici de répondre à cette question, refusant les facilités rhétoriques d’une "célébration de l’émeute", qui esquive la question stratégique, et d’une rumination stérile de l’Octobre russe.

Panagiotis Sotiris est membre d’Unité populaire, organisation de la gauche radicale grecque, et est l’auteur de nombreux articles, dont plusieurs ont été publiés par Contretemps-web.

D’une certaine façon, je ressens une sorte de malaise puisque la gauche grecque dans son ensemble a une forme de responsabilité dans le fait que la Grèce ne soit pas aujourd’hui un laboratoire de l’espoir ; elle est plutôt une cause de désespoir. Ce que je vais dire devrait être pris comme une forme d’autocritique plutôt qu’une déclaration. Je considère que je fais moi-même partie du problème…

Le problème est le suivant. La Grèce a été le pays dans lequel l’expérience d’ingénierie sociale néolibérale a été la plus agressive et a suscité la séquence de luttes la plus massive, quasi-insurrectionnelle, celui où la crise politique a été la plus proche, en Europe de l’Ouest depuis la « Chute des dictatures », d’une crise d’hégémonie, où un parti de gauche relativement petit a été catapulté au pouvoir, où un peuple rebelle a refusé le chantage de l’Union européenne lors du référendum du 5 juillet. Le pays où Syriza a accepté des réformes néolibérales qui feraient rougir jusqu’aux tristement célèbres « Chicago Boys », allant d’une refonte du système de retraite aux privatisations en passant par des saisies immobilières et des expulsions massives, après avoir remporté une élection où le reste de la gauche à échoué à remettre en cause la variante de gauche du « there is no alternative » [« il n’y a pas d’alternative »] qui donnait le ton du débat.

Y avait-il une autre voie possible pour la Grèce ? Ou devrions-nous accepter le principe selon lequel un petit pays du Sud européen n’était pas en position de répondre au chantage de l’UE ? Je suis fortement en désaccord avec cela. Le moment du référendum était optimal pour une stratégie de rupture : fin des négociations, arrêt des paiements de la dette, nationalisation du système bancaire, début d’un processus de retour à une monnaie nationale, comme point de départ d’un processus plus large de transformation. L’immense potentiel politique du résultat du référendum, et le degré de mobilisation populaire et de solidarité internationale, pouvaient permettre d’agir contre les évidentes difficultés initiales ; difficultés dont on peut penser qu’elles n’étaient pas plus grandes que celles auxquelles nous faisons face aujourd’hui en Grèce, et qui sont certainement moindres que celles auxquelles nous serons confrontés dans les années à venir. Cependant il n’y a pas eu de préparation de la part de Syriza, ne serait-ce que pour penser une stratégie de rupture, ce qui a conduit à une série de concessions et de compromis désastreux, avant même l’élection de janvier 2015. Cette absence de préparation à une autre éventualité que le compromis au sein de l’Eurozone n’était pas due au manque de temps. Elle résultait plutôt d’un choix conscient que la rupture était impossible, choix qui provenait de la combinaison d’un européanisme compulsif et d’une tentative de construire des alliances avec des segments de la bourgeoisie grecque.

Est-ce la fin de l’histoire ?

Je suggère que nous nous opposions à cette tentation. La crise économique et la crise du projet raté d’intégration européenne, avec son néolibéralisme disciplinaire et autoritaire, continuent à alimenter une crise sociale sans précédent dans le Sud européen. La crise politique, comprise comme décrochement des classes subalternes d’avec le système partisan et incapacité des classes capitalistes à articuler un projet hégémonique autre que la logique de la « zone économique spéciale », mais aussi comme potentielle crise de l’État du fait la souveraineté limitée induite par l’UE (Union européenne), est toujours un aspect déterminant, et l’actuel « équilibre statique » résultant de la victoire de Syriza est loin d’être stable.

Cependant, cela ne signifie pas que nous devrions nous attendre à des explosions sociales de masse ou à un effondrement rapide de Syriza comme nouvelle opportunité permettant à la gauche radicale de reprendre l’initiative. Effectivement, Syriza fera face tôt ou tard à son propre « hiver du mécontentement ». Toutefois, tout le cycle de mobilisations de masse pendant la période 2010-2012, puis l’attente d’une percée électorale, puis la patience face aux premiers compromis, puis la rébellion collective lors du référendum, puis le sentiment de désespoir et de défaite après la capitulation, puis le seul choix entre l’abstention et le moindre mal, et le fait d’avoir désormais à assister à l’application de réformes après réformes par le gouvernement, tout cela a eu un effet désintégrateur et a conduit à un doute croissant envers la possibilité d’alternatives.

Il nous faut donc réfléchir sur les questions auxquelles nous sommes confrontés, et rouvrir le débat sur la stratégie.

Tout d’abord, il y avait davantage de fantasme que de réalité dans la conception d’un gouvernement progressiste, qui mettrait fin à l’austérité, restaurerait la croissance et une redistribution modérée, rétablirait les droits de la classe laborieuse, sans remettre en cause l’inclusion du pays dans ce processus d’internationalisation et d’intégration capitalistes que constitue l’UE, et sans se confronter aux banques et aux entreprises, habituées à la déflation salariale, au travail flexible et au pillage des actifs publics. Le cas grec montre tragiquement que c’est impossible dans l’Eurozone. Il ne peut pas y avoir de « changement de l’intérieur » de l’UE. L’« européanisme » est la voie royale vers le désastre pour la gauche européenne.

En même temps, il ne suffit pas de penser à un gouvernement progressiste qui mettrait en place l’arrêt des paiements de la dette, sortirait de l’Eurozone et augmenterait de façon agressive les dépenses publiques. Cela constituerait certes une bouffée d’oxygène en comparaison avec les illusions d’une gestion progressiste à l’intérieur de l’Eurozone, mais cela fonctionnerait cependant bien mieux dans des pays avec de forts secteurs exportateurs et une ouverture aux marchés mondiaux comme l’Argentine. Dans des pays qui ont été soumis à la restructuration en profondeur et à la désindustrialisation que provoque l’intégration européenne, cela pourrait aboutir à une impasse, à moins de se transformer rapidement en un paradigme de croissance alternatif dans une direction socialiste.

De plus, même dans les exemples les plus avancés de gouvernement de gauche en Amérique latine, nous avons pu voir les limites de la dépendance envers une économie extractiviste ; la coexistence contradictoire entre une protection sociale accrue et la concurrence internationale ; les conflits causés par la tentative d’intégrer dans l’État le terrain des mouvements autonomes.

Maintenant, l’anti-politique de l’insurrection ou la célébration de l’émeute peuvent-elles être un antidote à cela ? D’Alain Badiou aux interventions du Comité invisible, on a pu noter une certaine insistance sur le retour de la politique de masse dans la rue, la confrontation violente avec la police, la réappropriation directe des communs. Ici, la stratégie est remplacée par le désir de prolonger le « moment » de l’émeute de masse.

Malheureusement, l’expérience historique montre à la fois l’aspect catalyseur et indispensable de la séquence insurrectionnelle, et la difficulté après elle d’initier un processus de transformation : des troubles politiques de masse peuvent mener à une crise de régime, et vient alors la question de ce qui se passe ensuite.

La réponse de l’« Octobre » imaginaire d’une séquence insurrectionnelle soi-disant léniniste, qui est pour de nombreuses tendances de la gauche anticapitaliste la définition d’une révolution dont les conditions ne sont jamais assez mûres, ne convient pas davantage. Ici, la stratégie est remplacée par un verbiage anticapitaliste qui se sent plus à l’aise avec l’échec, puisqu’il justifie sa position selon laquelle, depuis le départ, il était déterminé que rien ne pourrait changer.

Bien sûr, énumérer des problèmes ne peut pas constituer de réponse à une question ouverte. Cela ne peut être qu’un processus collectif de réflexion et d’autocritique. Cependant, nous pouvons discuter certains points de départ pour une révision de la stratégie révolutionnaire aujourd’hui.

Souveraineté populaire, État et double pouvoir

Premier point : la souveraineté populaire est importante. L’expérience européenne montre que l’actuelle souveraineté ainsi réduite et limitée est un mécanisme fondamental pour l’imposition de l’austérité et l’érosion de la démocratie. Ainsi que l’a dit Jean-Claude Juncker, « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Il en va de même pour l’exposition des systèmes bancaires nationaux aux marchés monétaires internationaux et pour la série de traités visant à protéger les investissements contre les préoccupations environnementales et le droit du travail. La souveraineté comme récupération d’un contrôle démocratique contre la violence systémique du capital internationalisé devient une question de classe et la base d’un nouvel internationalisme voué à « briser des maillons de la chaîne » et créer des exemples pour les mouvements dans d’autres pays.

Nous connaissons tous les associations possibles de la souveraineté avec le nationalisme, le racisme et le colonialisme. Toutefois, nous parlons ici d’une forme de souveraineté qui est fondée sur la condition commune des classes subalternes. Il s’agit d’une tentative de repenser à la fois le peuple et la nation d’une manière « post-nationale » et postcoloniale comme communauté émergente de toutes les personnes qui travaillent, luttent et espèrent sur un territoire particulier, ce à quoi Gramsci faisait référence lors qu’il parlait du « Prince moderne […] créant le terrain pour un développement ultérieur de la volonté collective national-populaire vers la réalisation d’une forme supérieure et totale de civilisation moderne »1. De façon similaire, la notion de Deleuze de « devenir-peuple » pointe le fait que le « peuple » n’est pas une entité ou « majorité » préconstituée mais le résultat d’un processus complexe et surdéterminé de luttes.

Une telle reprise en main de la souveraineté populaire requiert également un récit anticapitaliste élaboré, pas juste un agrégat de revendications anti-austérité. Aussi indispensable une condition macroéconomique « keynésienne de gauche » soit-elle, sous la forme d’une réappropriation de la souveraineté monétaire et d’une augmentation des dépenses publiques, elle ne suffit pas. Nous devons penser la « reconstruction productive » non comme un « retour à la croissance » mais comme un processus de transformation et de confrontation intense avec le capital, basé sur la propriété publique, l’autogestion, et des formes de contrôle ouvrier. Cela doit être un processus d’expérimentation et d’apprentissage. Les formes contemporaines de solidarité, d’autogestion, de réseaux de distribution non-commerciaux alternatifs, d’accès libre aux services, les discussions sur comment utiliser le secteur public ou comment faire fonctionner les services publics ne sont pas seulement des moyens de répondre aux problèmes sociaux urgents. Elles sont aussi les laboratoires de formes alternatives de production et d’organisation sociale, basées sur les « traces de communisme », d’inventivité collective et d’ingéniosité dans les résistances contemporaines et les gestes de solidarité quotidiens — dont la myriade d’actes de solidarité auxquels on assiste actuellement n Grèce à l’occasion de la crise des réfugiés.

Qu’en est-il de l’État, puisque nous savons que non seulement l’État n’est pas identifié au gouvernement, mais également que chaque tentative de « simplement l’utiliser » sera confrontée à l’internalisation des prérogatives du capital et des marchés internationaux ? L’État est effectivement une condensation de rapports de force entre les classes, comme Poulantzas l’a souligné, mais c’est une condensation matérielle, et non une articulation contingente, produisant stratégies, connaissances et discours, comme l’a instamment dit Foucault. Du système judiciaire aux forces de l’ordre et de renseignement para-étatiques, jusqu’aux enclaves entièrement contrôlées par l’UE ou le grand capital, il y a des mécanismes qui peuvent contre-attaquer et ne peuvent pas être juste « utilisés » à une meilleure fin.

Nous avons besoin d’une conceptualisation renouvelée qui combine la question du gouvernement avec quelque chose de proche d’une stratégie du double pouvoir permanent. Le double pouvoir dans cette conception n’est pas une question d’équilibre catastrophique et de coexistence hostile de deux formes d’État en compétition. Cela fait plutôt référence aux nouvelles formes de pouvoir populaire, d’autogestion, de contrôle ouvrier, de solidarité et de coordination qui résistent aux contre-attaques des appareils d’État et du capital, même après l’arrivée de la gauche au gouvernement. Une guerre de position est nécessaire à la fois avant et après la prise de pouvoir, en tant que processus continu de luttes, d’expérimentation collective, de formes de pouvoir par en bas, de nouvelles configurations sociales, parallèlement à de profonds changements institutionnels, sous la forme d’un processus constituant. Dans cette vision du double pouvoir, il ne s’agit pas seulement de conseils ouvriers ou de soviets. Il s’agit également d’entreprises autogérées, de dispensaires solidaires et d’assemblées populaires. Il s’agit d’être attentif aux nouvelles formes d’organisation qui ont émergé dans des mouvements comme les Indignés ou celui des « places » en tant que formes politiques collectives qui, par certains aspects, transcendent la division social/politique.

Dans une telle perspective, il n’y pas de « moment » de passage de l’« exercice gouvernemental radical » à la « transformation socialiste », seulement un processus inégal et contradictoire qui sera confronté à des contre-attaques et peut-être également à ce que Georges Labica à appelé « l’impossibilité de la non-violence ».

Vers une nouvelle pratique de la politique

Cela veut dire que nous devons aussi faire face à ce que peut signifier « faire de la politique ». Une grande partie de la gauche européenne contemporaine est immergée dans la pratique bourgeoise traditionnelle de la politique, basée sur la dichotomie entre la politique parlementaire ou « nationale » et les luttes quotidiennes mais aussi sur la professionnalisation de la politique.

Nous avons besoin d’une nouvelle pratique de la politique. Toute tentative de transformation radicale doit se fonder sur le court-circuit entre la politique et l’économie dont Étienne Balibar suggère qu’il est au cœur du projet marxien, traitant l’économie comme terrain d’intervention et d’expérimentation politique, insistant sur le fait que les mouvements représentant les classes laborieuses ont leur mot à dire en politique, initiant de nouvelles formes de démocratie par en bas.

Cela inclut également ce que Lénine a décrit comme une révolution culturelle, ou Gramsci comme une réforme éthico-politque : l’émergence de nouvelles formes d’intellectualité politique de masse et d’un nouvel esprit collectif de participation. À nouveau, nous pouvons commencer par les expériences formatrices et enrichissantes dans les mouvements, les façons de faire qui ont facilité l’émergence de nouvelles formes de pensée et de nouvelles éthiques de solidarité et de résistance.

Dans le même temps, nous sommes confrontés à la crise du modèle traditionnel de l’organisation révolutionnaire, et le modèle du parti ou du front large – pouvant servir de point de rencontre à différents mouvements et tendances politiques – connaît une crise similaire. L’exemple de Syriza est emblématique. Je ne fait pas seulement référence au tournant politique vers l’austérité et la restructuration capitaliste. Je me réfère également à la manière dont Syriza a graduellement arrêté d’e fonctionner de manière démocratique et comment, sous prétexte d’aller vers un parti plus unifié, le groupe dirigeant s’est détaché du reste du parti.

Reconstruire le Front unique ne peut être une répétition. Ce ne peut être non plus simplement un regroupement. Nous avons besoin d’une « rupture épistémologique » dans notre pensée du front et du parti. Le Prince moderne ne peut être que le résultat d’un processus de recomposition et de profonde transformation, apprenant aussi des expériences d’auto-organisation politique dans les mouvements contemporains.

Nous devons apprendre de nos erreurs et être profondément critiques de nous-mêmes, évitant toutes les formes de mentalité arrogante prétendant tout savoir, de pensée bureaucratique et de paresse théorique. Jusqu’ici, nous avons échoué à créer le type de laboratoire de politique nouvelle qui était nécessaire, cette sorte de processus politique démocratique, de dialogue non-sectaire, d’expérimentation collective, de militantisme créatif. En observant le cas grec, on peut voir le commencement du problème dans l’incapacité des forces de gauche qui percevaient la nécessité de la rupture vis-à-vis de la dette et de l’Eurozone à initier en 2010-2011 un processus de nouveau front incorporant les nouvelles formes d’organisation émergeant du mouvement.

Nous devons faire face à cette tâche de recomposition, de transformation et d’expérimentation, car dans le cas contraire les éléments, pratiques et expériences qui pourraient faire partie d’un potentiel nouveau bloc historique resteront dispersés et désintégrés.

Antonio Gramsci a toujours insisté sur le fait que les changements historiques prennent aussi la forme de changements moléculaires. La notion de « moléculaire » fait référence au caractère très divers, complexe, surdéterminé, non-téléologique et non-déterministe du processus historique.

La fameuse « Note autobiographique » de Gramsci du cahier 15 n’est pas seulement une méditation personnelle sur la transformation moléculaire — contemplant sa propre vie en prison, le choix qu’il a fait de ne pas fuir le pays — mais également un petit traité sur les changements moléculaires en période de défaite, les petits changement qui à la fin mènent à un nouveau rapport de forces. Ses observations ont, je crois, une certaine résonance dans des pays comme la Grèce :

« la vérité est que la personne de la cinquième année n’est pas le même que celui de la quatrième, de la troisième, de la seconde, de la première et ainsi de suite ; c’est une nouvelle personnalité, complètement nouvelle, dont les années passées ont en fait démoli le système de freins moraux, les forces résistives qui caractérisaient la personne durant la première année. »

Cela signifie que tout processus de recomposition de la gauche radicale doit être attentif à cet aspect moléculaire.

Les nouvelles formes d’organisation des mouvements, particulièrement en relation avec des couches sociales dépourvues de toute forme de représentation (chômeurs, précaires, etc.), les nouvelles pratiques démocratiques dans les mouvements, les formes d’auto-organisation politique, les nouvelles formes de coordination et de solidarité, l’extension de l’expérimentation autour de formes d’autogestion, la création de formes alternatives de (contre-)information, l’organisation de nouvelles formes de recherche militante, sont plus urgentes que jamais. Elles nous permettent aussi de repenser l’organisation politique au prisme d’une nécessaire recomposition moléculaire, de processus démocratiques collectifs pour l’élaboration d’alternatives, d’une nouvelle pratique collective de la politique.

Les politiques communistes ou révolutionnaires, en dernière instance, se préoccupent de courants souterrains qui ne sont venus à la surface que lors de moment critiques, car ils sont dispersés, fragmentés, rompus : ce sont les résultats de rencontres qui n’ont pas duré. Le défi est exactement d’avoir la « lente impatience » d’apprendre de la défaite, de se regrouper, d’expérimenter, de repenser tous les aspects de la conjoncture, du moléculaire à l’« intégral », d’« organiser les bonnes rencontres » (Deleuze) et d’amener ces courants souterrains à la surface.

La tragique défaite de la gauche grecque ouvre une période de nécessaire autocritique, de réflexion et d’expérimentation avec de nouvelles formes de fronts, d’organisations et de coordinations politiques, parallèlement à l’effort nécessaire de reconstruire la résistance à la nouvelle vague de réformes néolibérales, de combattre le désespoir et la résignation collectifs. Ce ne sera pas facile et cela risque fort de ressembler à la tentative de construire un navire alors que l’on est déjà sur une mer agitée.

Cependant, c’est la seule façon de continuer à dire NON. Non au pessimisme, non à la reddition, non à la défaite. C’est ainsi que le poète C. P. Cavafy l’écrivait, il a de nombreuses années :

« Celui qui refuse ne se repent pas. Interrogé à nouveau, il continuerait à dire non. »

Panagiotis Sotiris. Intervention en plénière à la conférence Historical Materialism, Londres, 5-8 novembre 2015. Traduit de l’anglais par Nicolas Vinarnick. Publié sur le site de Contretemps.


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