Néofascisme : les partis d’extrême droite européens

mardi 15 janvier 2019.
 

Résister, c’est agir pour de nouvelles solidarités

par Pierre Musso, professeur à l’université de Rennes-II

Pour fournir quelques éléments de réponse à cette question, il faut s’entendre sur les deux termes, démocratie et néofascisme. Tout d’abord, néofascisme. Si l’on prend le terme au sens strict, il s’agit des mouvements issus du fascisme italien, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, en 1946, fut créé le Mouvement social italien, qui deviendra, en 1995, un parti de droite classique, Alleanza Nazionale, après une opération dite de «  défascisation  ». Il s’alliera avec Berlusconi et la xénophobe Ligue du Nord pour accéder au pouvoir. Ladite «  dédiabolisation  » du FN est possiblement un copier-coller de la démarche d’Alleanza Nazionale visant une alliance avec d’autres composantes de la droite, afin d’accéder au pouvoir et favoriser un «  césarisme régressif  » (système autoritaire), comme le nommait Gramsci, pour gérer la crise économico-sociale.

On peut élargir la définition du néofascisme à de nombreux partis d’extrême droite européens, dont il faut souligner la très grande diversité. Ainsi, pourrait-on qualifier de «  néofascistes  » les partis qui tiennent des discours xénophobes, notamment sur «  l’islamisation de l’Europe  ». Ces partis se multiplient et se renforcent en Europe. Leur vision est animée par la pulsion identitaire qui sert à clôturer tout débat public pour le réduire à une opposition entre «  eux  » et «  nous  ». Cet enfermement identitaire se déclare «  antisystème  » ou «  antimondialisation  » pour mieux capter l’esprit de rébellion.

Enfin, si l’on retient comme essence du néofascisme contemporain la haine de l’autre, il faut y inclure tous ceux qui commettent des meurtres de masse comme à Paris. Pulsions identitaires et actions nihilistes se combinent, et ouvrent un cycle mortifère de destructions, animées par l’esprit de vengeance. Tout est alors réduit à la défense d’une «  identité  » ethnique ou religieuse, au nom de laquelle est conduite l’action violente pour éliminer l’autre.

Qu’en est-il du second terme, à savoir «  la démocratie  »  ? Il s’agit d’un concept défini par son indétermination  : s’agit-il du consensus, du pouvoir de la majorité, de la démocratie représentative, des partis  ? La démocratie est surchargée de lieux communs, dont son opposition binaire au totalitarisme. Or le contenu de la démocratie est un objet de lutte pour promouvoir le débat, la délibération et la critique de la domination. La démocratie étendue ne peut être qu’une longue et permanente délibération ouverte et libre dans la société, intégrant toutes les formes de participation et de débat. Le propre du politique, c’est le conflit des arguments et non le consensus. Il faut encourager et renouveler le débat public, ce qui exige liberté, formation, information et tolérance.

S’entendre sur le sens des mots est fondamental  : «  On noue les bœufs par les cornes et les hommes par les mots  », selon une vieille maxime des juristes. Le débat public ne peut être réduit à une confrontation entre démocratie et néofascisme, a fortiori entre «  civilisés  » et «  barbares  ». Ces simplismes risquent de conforter les combinaisons politiciennes  : le regroupement gauche-droite au nom d’un «  front républicain  », ou celle de l’alliance des deux courants de droite, ce qui, dans les deux cas, renforcerait le danger césariste.

Depuis les années 1980 – la chute du Mur en fut le symbole –, il n’existe plus qu’un seul grand récit pour interpréter le monde, celui du néolibéralisme qui a amplifié le culte managérial de la performance et de la compétition économique. Ce paradigme voudrait que les «  inefficaces  » soient abandonnés, qu’il s’agisse d’individus, comme les démunis ou les réfugiés, ou d’États et de services publics garantissant les solidarités et le lien social. Résister, c’est donc agir pour de nouvelles solidarités et c’est penser à neuf l’altérité et la mondialisation comme un dialogue entre les cultures et les civilisations.


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