Pourquoi le Front national s’attaque-t-il toujours aux droits des femmes 

vendredi 1er janvier 2016.
 

- Un infini mépris de l’égalité et de la liberté des femmes par Martine Storti, philosophe

- Ses intentions sont de contrôler et d’assujettir par Véronique Séhier et Carine Favier, coprésidentes du Planning familial

- Un travail de famille… pour des femmes au foyer  !

Un infini mépris de l’égalité et de la liberté des femmes par Martine Storti, philosophe

319451 Image 2Il y a l’apparence  : la nièce, plus jeune, plus radicale, et la tante plus âgée et plus raisonnable qui la corrige. Quand Marion Maréchal-Le Pen annonce qu’elle supprimera les subventions au Planning familial si elle est élue présidente de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marine Le Pen, présidente du Front national, rétorque qu’une telle mesure n’est pas au programme du parti qu’elle dirige et qu’au niveau régional d’autres urgences s’imposent. L’ennui, c’est que d’autres têtes de liste pour les élections régionales ont exprimé les mêmes positions que la députée du Vaucluse, notamment Louis Aliot, par ailleurs compagnon de Marine Le Pen.

Quand la petite-fille de Jean-Marie Le Pen se demande, sur les ondes de Radio Courtoisie, pourquoi «  il faut se marier à la mairie avant de se marier à l’église, alors que le mariage religieux devrait être possible sans avoir l’autorisation de la République française  », ce qui est une prise de position inquiétante quant au pacte républicain, la fille, elle, prétend que son parti est le seul en France à défendre vraiment la laïcité.

Deux lignes au sein du Front national  ? Plutôt un partage des tâches politiques, qui permet d’entretenir brouillard et brouillages afin de ratisser large et de plaire aux uns et aux autres. Le FN excelle au jeu politicien ou politicard qu’il ne cesse de dénoncer, l’essentiel étant d’engranger des voix.

S’agissant des droits des femmes, les apparents désaccords masquent une réelle cohérence, ainsi que le montrait le programme du FN pour l’élection présidentielle de 2012, avec en particulier la cohérence d’une politique familiale nataliste. Cohérence aussi quant au travail des femmes, en apparence défendu, en réalité peu promu, puisque les inégalités de salaire qui pénalisent les femmes sont peu dénoncées. Il faut, par exemple, se souvenir des propos de Marie-Christine Arnautu, vice-présidente du FN en 2012  : «  Qu’est-ce que vous voulez  ? Qu’on égalise les salaires alors que tant de gens sont au chômage  ?  » On l’aura compris  : en période de crise, les femmes n’ont qu’à se tenir à carreau, accepter les inégalités, taire leurs revendications ou… rentrer à la maison. D’ailleurs, c’est ce que l’eurodéputé FN Dominique Martin proposait explicitement en pleine commission des Affaires sociales du Parlement européen, en mars dernier, pour lutter à la fois contre le chômage et «  pour donner une meilleure éducation aux enfants, sécuriser les rues  »  !

Ainsi, ce parti qui prétend se faire le chantre des «  abandonnés  », des «  oubliés  » et, pourquoi mégoter, du «  peuple  », du «  vrai peuple  », traite les femmes avec beaucoup de désinvolture et de mépris. Il y a en effet infiniment de mépris à parler, à l’instar de Marine Le Pen, d’«  avortement de confort  », comme si les femmes prenaient plaisir à avorter, ou, à l’instar de Marion Maréchal-Le Pen, de lancer  : «  L’État ne doit pas payer pour l’inattention des femmes  », comme si les femmes étaient seules responsables d’une grossesse non désirée  ! À ne pas en croire ses oreilles  : voilà une femme de 25 ans qui reprend à son compte l’ancestrale accusation portée contre les femmes, la si vieille culpabilité dont on se croyait définitivement débarrassé.

Le Front national prétend incarner l’identité française et parler au nom du peuple français et pour lui. C’est une tromperie, quand l’égalité entre les sexes et surtout la liberté des femmes, essentielle, sont ainsi récusées.

Il se trouve que ce parti est le seul, sur la scène française, dont les deux figures les plus en vue sont féminines. Un parti dont le programme est le plus régressif. Voilà qui doit au moins nous sauver d’un communautarisme féminin et qui apporte la preuve, s’il en était encore besoin, qu’il ne faut pas confondre, comme cela est trop souvent le cas, politique féminine et politique féministe  !

Ouvrage à paraître en février  : Sortir du manichéisme 
(Éd. Michel de Maule).

Ses intentions sont de contrôler et d’assujettir par Véronique Séhier et Carine Favier, coprésidentes du Planning familial

319451 Image 1« Protéger et valoriser la famille  », une famille fondée exclusivement sur l’union de ces êtres «  complémentaires  » que sont l’homme et la femme, l’homme étant «  naturellement  » fait pour la femme (ou plutôt l’inverse  !)  : voici la vision réactionnaire et manifestement peu sensible aux enjeux d’égalité défendue par le Front national. Cela se traduit forcément dans une politique du pire en matière de droits des femmes et d’accès aux droits fondamentaux  : création d’un revenu parental pour que les femmes «  restent au foyer  », allocations familiales réservées aux familles dont un parent au moins est français, suppression du remboursement de l’IVG…

319451 Image 0Au cœur de ce programme foncièrement hétérosexiste et inégalitaire, le rejet de tout système de pensée dissociant conjugalité et maternité et la négation la plus totale du droit pour les femmes de choisir ou non d’être mère. C’est d’ailleurs une vieille rengaine des mouvements antichoix, qui n’hésitent pas à répandre des discours extrêmement culpabilisants et stigmatisants à l’encontre des femmes qui décident librement d’avoir recours à l’interruption de grossesse  : il faut dérembourser l’IVG pour «  responsabiliser  » les femmes, qui trop souvent prennent «  l’avortement pour une contraception  », ou font «  des avortements de confort  ».

À regarder de près les prises de position du Front national, on aurait tort d’être surpris. De la lutte contre les ABCD de l’égalité au refus du développement de l’éducation à la sexualité, à la restriction du droit à l’avortement, toutes les mesures de ce parti sont cohérentes et vont dans le même sens  : l’atteinte aux libertés individuelles et collectives  !

Plus récemment, le Front national a enrichi son programme d’une nouvelle mesure en annonçant la volonté de supprimer, dans certaines régions, les moyens financiers aux associations qui permettent de développer l’accès à l’information et à l’accompagnement des personnes dans leur vie affective et sexuelle. Ces prises de position font tomber, une fois encore, le masque d’une «  normalité républicaine  » affichée par le Front national, et confirment les vraies intentions de ce parti  : contrôler et assujettir les personnes dans leurs choix de vie, sans respect de leur autonomie, de leur situation, de leur origine, de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.

Pour notre mouvement, construire l’égalité entre femmes et hommes comme entre citoyens et citoyennes de toutes origines et de toutes situations sociales est le fil rouge de toutes nos actions et une condition essentielle de la démocratie. Promouvoir l’autonomie, lutter contre les violences ou se battre en faveur de l’égalité salariale n’ont de sens qu’à travers une approche globale, capable de relier les situations individuelles de chacun-e aux contextes sociaux dans lesquels on évolue. Impossible de lutter contre le sida sans parler de sexualité, et de parler de sexualité sans la situer dans le cadre de la problématique des rapports femmes-hommes. Impossible de construire une société d’égalité sans la laïcité, conçue comme outil d’émancipation et de vivre-ensemble. Tous ces combats passent par l’éducation à la sexualité, à la citoyenneté, dès le plus jeune âge, et tout au long de la vie.

Depuis quarante ans, les avancées des droits des femmes sont nombreuses. Beaucoup sont inscrites dans la loi, mais toutes sont loin d’être appliquées. Au lendemain du premier tour des élections régionales, nous affirmons que le programme du Front national est un programme de régression et d’atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux.

De l’atteinte à la liberté de la presse à celle du droit à disposer de son corps  : ce projet de société liberticide, nous n’en voulons pas  !

Un travail de famille… pour des femmes au foyer  !

par Suzy Rojtman, porte-parole 
du Collectif national pour les droits 
des femmes

319451 Image 3Marine Le Pen évite de s’exprimer sur les droits des femmes. Des cadres du FN s’en chargent, comme Marion Maréchal-Le Pen qui a déclaré il y a quelques jours vouloir supprimer les subventions du Planning familial en Paca si elle était élue.

Marine Le Pen s’abstient sciemment de parler des droits des femmes  : elle sait pertinemment que les positions de fond du FN heurteraient les électrices. Pour arriver au pouvoir, il lui faut conquérir les voix des femmes. Son père servait de repoussoir pour les femmes, qui votaient moins FN que les hommes. Avec Marine Le Pen, c’est une soi-disant modernité qui s’installe à la tête du FN. Elle joue sur son image  : elle travaille à l’extérieur du foyer (le travail domestique est un travail), elle est divorcée, c’est Madame Tout-le-monde. Et cela fonctionne un peu mais c’est encore tout relatif  : au premier tour des régionales, 31 % des hommes ont voté FN contre 23 % des femmes.

En réalité, quelles sont les positions du FN sur les droits des femmes, que partage Marine Le Pen  ?

Le prétendu volet social du FN ne fait pas mention des inégalités femmes-hommes au travail. Il ne propose rien pour lutter contre le temps partiel et les inégalités salariales. Pour lui, la cause des bas salaires et du chômage, c’est l’immigration et non pas le patronat, façon de dévier le débat. Le FN n’envisage les femmes que dans le cadre de la famille, pas de chapitre sur l’égalité femmes-hommes dans son projet. Il prône le «  revenu parental  » qui renverra inéluctablement des femmes au foyer. De toute façon, pour ses élu-e-s, la place des femmes est à la maison.

Le FN est volontairement ambigu sur l’avortement. En 2002, son programme demandait la suppression de la loi sur l’avortement. Aujourd’hui, il prétend ne pas l’interdire. Mais il fait de la propagande pour la «  liberté de ne pas avorter  », comme si qui que ce soit obligeait les femmes à le faire. Marine Le Pen a parlé aussi d’avortement de confort, de déremboursement. Bref, le FN veut largement réduire la portée de la loi. D’ailleurs ses députés européens votent régulièrement contre le droit à l’avortement. Sur les violences faites aux femmes, le FN ne propose rien à part d’incriminer les immigrés qui en seraient les auteurs. Invention raciste pure et simple de sa part, puisqu’il n’existe pas de statistiques sur le sujet. Le FN «  oublie  » sciemment que la plupart des violences sont perpétrées au sein de la famille (qu’il défend mordicus) et ceci est dûment corroboré par les statistiques.

Quand la Manif pour tous a déferlé dans les rues, nombre de militant-e-s FN, dont Marion Maréchal-Le Pen, ont défilé à ses côtés. Marine Le Pen s’en est bien gardée. Il est vrai que son père l’a accusée d’être entourée d’un lobby gay.

On le voit, le FN est carrément contre l’égalité femmes-hommes. Ceci relève de son vieux fond réactionnaire, immuable et décati, qui repose sur les milieux catholiques traditionalistes, ceux qui vont encore prier devant les hôpitaux et cliniques afin d’entraver la pratique des avortements.

Marine Le Pen a vite compris que ça n’était pas avec ce genre de positions figées qu’elle allait attirer l’électorat féminin. Et, afin de ne pas trop heurter ces milieux-là, qui existent encore au sein du FN, elle fait plutôt l’impasse sur le sujet. Elle l’a exprimé lors de sa réponse à sa nièce en disant que la suppression de l’avortement n’était pas dans les projets du FN mais aussi qu’elle avait d’autres priorités, manière de dire que l’égalité femmes-hommes était le cadet de ses soucis. Cependant, il n’est pas sûr que la sortie de sa nièce lui déplaise vraiment à 100 % car ceci permet aussi de se partager le travail en famille  : à Marine la modernité et à Marion la tradition. Et chaque courant du FN y retrouvera ses petits. Mais ne nous y trompons pas  : dès que le FN détiendra une once de pouvoir, les droits des femmes seront dans son collimateur. Et ce rapidement, comme la sortie de la nièce de la cheffe le laisse présager.


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