Alexis Tsipras veut se défaire du joug du FMI

lundi 28 décembre 2015.
 

Après avoir mis en œuvre toutes les politiques imposées par les créanciers, le gouvernement Syriza 
entend reprendre la main en poussant l’institution financière de Washington vers la sortie.

La Grèce a fait tout ce que, sous la pression du coup d’État financier, les créanciers ont brutalement exigé d’elle le 13 juillet dernier, au terme d’une longue nuit de sommet à Bruxelles. Avec cette nouvelle austérité, c’est un peu le supplice du goutte-à-goutte  : coupes dans les budgets, hausses des taxes et des impôts, placement des biens publics dans un fonds de privatisation, moindre protection des résidences principales, des foyers incapables de rembourser leurs crédits, et bientôt une réforme des retraites… Le week-end dernier, le Parlement grec a adopté, à une courte majorité, le budget élaboré par le gouvernement Syriza sous la surveillance étroite de la troïka. Un texte qui prévoit 1,8 milliard d’euros d’économies sur les pensions a été qualifié de « rude » par le ministre des Finances Euclide Tsakalotos lui-même. «  Cela a été un exercice difficile, mais derrière les chiffres, tout le monde peut voir l’effort désespéré du gouvernement pour soutenir les classes laborieuses  », ajoute-t-il.

Mais maintenant que le quartet – la troïka (Commission européenne, BCE et FMI) rejointe par le Mécanisme européen de stabilité (MES) – affiche sa satisfaction devant «  l’implantation  » de ce nouveau programme austéritaire, Alexis Tsipras entend se débarrasser de l’un de ses bourreaux, le Fonds monétaire international (FMI), qui reste extrêmement présent dans le paysage alors qu’il n’a plus rien versé à la Grèce depuis le mois d’août 2014. Lundi soir, lors d’une réunion de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, le ministre néerlandais des Finances qui dirige cette institution, jouant un rôle clé dans la crise grecque, s’est, après avoir promis de verser une «  dernière sous-tranche  » d’aide pour 1 milliard d’euros à l’issue d’un nouveau contrôle à la mi-décembre, surtout félicité que la recapitalisation des banques grecques coûte beaucoup moins cher que prévu. Dans le détail, sur l’enveloppe initiale de 25 milliards d’euros pour sauver le système bancaire grec, seuls 5,7 milliards d’euros seront nécessaires, d’après l’Eurogroupe. «  C’est un très grand succès  », se gargarise Dijsselbloem.

Pour une solution européenne de 
la crise de la dette publique grecque

De quoi permettre au premier ministre grec de passer à l’offensive  : «  Il y a besoin de moins d’argent  », constate-t-il. Du coup, au moment même où ses représentants débarquent à Athènes avec leurs homologues de la BCE, de la Commission et du MES pour «  superviser le lancement d’un nouveau train de mesures  », Alexis Tsipras propose de raccompagner le FMI vers la sortie. «  J’ai l’impression que le financement du FMI n’est pas nécessaire  », souligne-t-il, alors que l’institution financière doit décider en début d’année prochaine de sa participation, ou non, au programme financier financé jusqu’ici exclusivement par l’Union européenne.

Sur le fond, ce sont les positions du FMI, plus ultras encore que celles des autres, que le gouvernement grec veut voir disparaître de la table des négociations. Selon lui, «  le rôle du FMI n’est pas constructif  », lui reprochant de demander l’inacceptable à la fois aux Grecs – les «  réformes les plus dures  » – et à l’Union européenne – des garanties pour la viabilité de la dette grecque. «  Le FMI va devoir décider s’il veut d’un compromis, s’il veut rester dans le programme, prévient le premier ministre grec. Mais s’il ne veut pas d’un compromis, qu’il le dise publiquement  !  » Restant sur sa ligne de crête, Alexis Tsipras défend en creux une approche exclusivement européenne de la crise de la dette publique grecque. Selon lui, la Grèce a de nombreux adversaires – l’Allemagne et la Finlande sont très attachées à ce que le FMI reste dans le programme pour garantir la «  discipline  » –, mais elle peut aussi compter sur quelques alliés comme la France, insiste-t-il. Ce sera tout l’enjeu du début de l’année prochaine pour le gouvernement Syriza  : obtenir enfin de ses créanciers une concession de taille avec la restructuration de la dette. Pour cela, il faudra aussi sortir de l’ambivalence entretenue par le FMI  : d’un côté, il admet depuis des mois que la dette grecque est insoutenable, mais de l’autre, il exige toujours plus d’austérité infligée à la Grèce, la condamnant par la même occasion à ne jamais sortir de cette mortifère spirale.

Thomas Lemahieu, L’Humanité


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