« La présidentielle doit servir à créer un nouveau rassemblement à gauche »

lundi 25 janvier 2016.
 

Interview réalisé par Lilian Alemagna et Rachid Laïreche

Eric Coquerel, coordonnateur du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, écarte une nouvelle fois la primaire, et espère la naissance d’un nouveau mouvement à gauche en vue de 2017.

C’est une petite phrase glissée aux lignes 220 et 221 d’une résolution politique présentée par les membres de la direction du Parti de gauche, ce week-end, au conseil national de la formation fondée par Jean-Luc Mélenchon. Pour eux, l’élection présidentielle de 2017 est « l’occasion de se traduire par la construction d’une nouvelle force politique ». Le PG propose ainsi d’en finir avec le Front de gauche qui avait porté la candidature Mélenchon en 2012 mais s’est perdu depuis en difficultés stratégiques et électorales. Le Parti de gauche propose, certes, de « commencer » par un cartel regroupant PCF et autres forces de la gauche radicale pour « construire » cette « nouvelle force ». Mais à condition que ces derniers acceptent enfin de se fondre avec eux dans une seule et même formation. Avec un candidat pour 2017 déjà désigné : Jean-Luc Mélenchon. Explications du coordonnateur du PG, Eric Coquerel.

Cette semaine le débat et l’appel en faveur d’une primaire a fait parler beaucoup de personnes à gauche. Pas trop au Parti de gauche : vous n’êtes pas intéressés ?

Je considère que l’appel de la semaine, c’est celui en solidarité avec les Goodyear, lancé en même temps, et qui atteint 130 000 signatures ce vendredi contre 25 000 à celui sur la primaire. J’ai bien vu et lu que, cette semaine, la primaire a pris beaucoup plus de place dans certains médias alors que manifestement, dans « le peuple de gauche », la réalité est différente. L’appel de la primaire a du mal à passer la seconde alors que celui de Goodyear est dans la dynamique. Après, je veux bien répondre à votre question : je n’ai pas l’impression que l’on soit les seuls à gauche à ne pas s’enflammer avec la primaire. On ne doute pas de la bonne volonté de certains signataires mais l’idée de trouver un candidat unique de toute la gauche est irréaliste. Chacun comprendra qu’on ne peut réduire l’écart entre deux lignes aujourd’hui opposées à gauche en les contractant dans une seule figure ! Les électeurs n’y croiraient d’ailleurs pas. C’est au suffrage universel de trancher entre de telles différences de stratégie et de programme. D’ailleurs depuis lundi, cet appel a progressivement évolué : au départ, il était critique envers le gouvernement et maintenant semble en passe d’être digéré dans la stratégie du PS qui y voit une contribution au rassemblement autour de François Hollande au nom du vote utile. A l’inverse, j’ai senti un certain mépris grandissant envers nous et celui qui a été notre candidat commun, Jean-Luc Mélenchon. En définitive, à qui profite cet appel à la primaire de toute la gauche ? Même si tous ses initiateurs, dont certains proches de nous, ne le voyaient pas ainsi au départ.

En même temps, lorsqu’on vous parle d’une primaire sans le PS, seulement avec « l’autre gauche » vous bottez également en touche…

C’est vrai, on n’a jamais été très emballé par la primaire. Je trouve que ça accélère les travers de la Ve République : c’est une machine à multiplier des candidats, à personnaliser et à compliquer les choses sans avoir un résultat probant au final. Souvenons-nous qu’en 2007, nous avons procédé à une sorte de primaire pour trouver une candidature commune de la gauche antilibérale. Finalement, notre espace a été représenté par trois candidats à la présidentielle avec la marginalisation que l’on sait à la clé…

Or, la période est plus grave et la situation plus dangereuse qu’à l’époque : le FN frappe à la porte du pouvoir, Valls et Hollande sont en train d’enterrer la gauche et notre espace politique est en méforme. Si, dès le départ, nous avions été capables de construire un mouvement commun, avec des structures de base communes autour d’un programme, d’un projet je ne dis pas, mais cela n’a pas été le cas. Nous sommes restés un cartel de partis. On ne peut donc plus perdre du temps à dix-sept mois de la présidentielle. Je propose de nous concentrer sur l’essentiel et nos atouts.

Mais il reste tout de même le Front de gauche, non ? Ou bien, c’est la fin ?

Le Front de gauche a été une force propulsive jusqu’en 2012. Après l’élection présidentielle, il a été incapable de capitaliser sur le résultat de Jean-Luc Mélenchon parce qu’il a raté tous les moments où il aurait pu devenir autre chose qu’un cartel de partis. Je ne renie pas cet acquis, il était nécessaire parce qu’en 2008, l’urgence c’était d’en finir avec l’émiettement mortifère de l’autre gauche. Mais là, s’il a encore un rôle, ce doit être de travailler à tout autre chose. La présidentielle peut en être l’occasion. C’est en effet encore le moment où notre pays s’intéresse massivement à la politique. On doit bien sûr se donner les moyens pour trouver un candidat crédible pour espérer accéder au second tour et en capacité de fédérer et de représenter notre espace. Mais ce n’est pas tout. La présidentielle doit aussi servir à déboucher sur un nouveau mouvement qui, cette fois, ne doit pas être un cartel, mais une force qui repose sur des comités de campagne et de réseaux citoyens et qui préparera en même temps les présidentielles et les législatives. On doit donner envie aux citoyen-ne-s de s’impliquer. Ce mouvement se construira en marchant : dans la campagne, pour élaborer son programme et l’idée c’est de le pérenniser ensuite. Il y a de la disponibilité pour cela, encore une fois regardez le succès de l’appel Goodyear, encore faut-il donner envie aux gens de s’y associer. Bien sûr les conditions sociales, le contexte économique, la faiblesse de l’extrême droite, la différence de mode de scrutin sont très différents en Espagne ou en Grèce, mais je remarque que le point commun des toutes forces qui émergent aujourd’hui en Europe c’est leur unicité, ce sont des seuls et mêmes mouvements pas des cartels. On ne peut pas dire qu’il faut recomposer le paysage politique et ne pas commencer par le faire vraiment.

Mais aujourd’hui, chez vous, la question a l’air d’être tranchée, Jean-Luc Mélenchon sera votre candidat ?

Le candidat que soutiendra le PG sera d’abord celui d’un vrai renouvellement politique : celui d’une VIe République pour en finir avec la monarchie républicaine actuelle. Il devra en tout cas correspondre à cette nécessité de recomposition et avoir non seulement la volonté mais aussi la capacité d’entraîner un tel mouvement. De ce point de vue, tout le monde n’est pas interchangeable, ce n’est pas vrai. Je considère, je parle en mon nom et non au sien, que celui qui nous a menés à plus de 4 millions de voix en 2012 et qui, depuis, manifestement, conserve cette capacité d’attraction dans le pays, est le mieux placé pour nous aider à bâtir cette ambition et à bousculer le tripartisme. Mais cela ne devrait pas vous étonner.


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