Des Verts entre-deux-verres

mercredi 17 février 2016.
 

- Emmanuelle Cosse, un trophée en trompe-l’œil

- L’écologiste Barbara Pompili, chargée de la biodiversité

- Jean-Vincent Placé : enfin ministre !

Emmanuelle Cosse, un trophée en trompe-l’œil

Emmanuelle Cosse vient-elle de mettre la dernière pelletée de terre sur le cercueil d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ? A 41 ans, la secrétaire nationale du parti a accepté d’entrer au gouvernement, mercredi 11 février, pour devenir ministre du logement. Un poste sur mesure pour l’ex-vice présidente au logement à la région Ile-de-France. Une belle prise pour François Hollande qui lui permet de mettre une touche de vert dans son gouvernement, avec l’arrivée simultanée de Jean-Vincent Placé et de Barbara Pompili, deux ex-EELV.

Ce choix devrait avoir tout pour déplaire à Cécile Duflot qui a dû assister au détricotage de sa loi ALUR par Sylvia Pinel et qui va voir son ex-protégée succéder à cette dernière. La décision de Mme Cosse intervient après le refus, le 4 février, de Nicolas Hulot d’en faire autant. Ces derniers jours, alors que le nom de la patronne d’EELV revenait avec insistance, cette dernière était restée bien silencieuse, ne prenant pas la peine de démentir les rumeurs persistantes sur son avenir ministériel.

Mardi, elle avait en revanche assisté à une réunion téléphonique de la direction d’EELV au cours de laquelle la question lui avait été posée. Selon plusieurs participants, la conseillère régionale d’Ile-de-France avait affirmé ne pas avoir été contactée à cette date mais que si elle l’était, elle examinerait avec attention ce qu’il était possible d’obtenir. « Elle a dit qu’elle n’avait pas d’opposition de principe et qu’elle ne partageait pas l’idée qu’il n’y a plus rien à faire au gouvernement », indique l’un d’eux.

Une chose est sûre : le parti ne la suivra pas dans cette aventure. Mercredi, les deux porte-parole de la formation se sont fendus d’un communiqué pour marteler que l’heure n’est pas à la participation gouvernementale. « Les écologistes constatent que si les conditions n’étaient plus réunies pour faire progresser l’écologie en avril 2014 lors de la sortie de Cécile Duflot et de Pascal Canfin du gouvernement, elles ne le sont pas plus aujourd’hui », écrivaient-ils. Au passage, ils critiquaient de nouveau la déchéance de nationalité qui porte « atteinte » à l’une de leurs « valeurs cardinales, la fraternité ».

Sitôt sa nomination rendue publique, Emmanuelle Cosse a adressé un mail à la direction du parti pour expliquer sa décision. « Le ministère de l’écologie restant mené par Ségolène Royal, j’ai accepté de prendre la responsabilité du ministère du logement. Ce choix entraîne de facto la fin de mon mandat de secrétaire nationale, écrit l’ancienne présidente d’Act-Up. Je connais la position majoritaire de ce bureau exécutif, exprimée lors de nos échanges de mardi dernier. Je la respecte même si je ne la partage pas. Je me mets donc en retrait d’EELV ».

L’entrée au gouvernement d’Emmanuelle Cosse est un coup dur pour EELV. Mais au final, cette annonce n’aura pas vraiment surpris en interne. Depuis son arrivée à la tête du mouvement en novembre 2013, Mme Cosse jouait les équilibristes. Toujours sur un fil, elle restait proche des pro-gouvernements tout en cultivant sa proximité avec Mme Duflot. Elle s’était cependant attirée des inimités en interne pour avoir été présente en avril 2015 à une réunion organisée par les futurs sécessionnistes – Jean-Vincent Placé et François de Rugy en tête.

De là à l’imaginer au gouvernement, le député européen Yannick Jadot ne pouvait y croire en début de semaine. « Emmanuelle Cosse, ce n’est pas Jean-Vincent Placé, expliquait-il. Quand Valls va parler des Roms, des réfugiés, qu’est-ce qu’elle va dire ? Il n’y a que Placé pour avoir l’agilité intellectuelle pour avaliser tout ça ! »

A quatre mois du prochain congrès d’EELV, prévu en juin, celle qu’on décrit comme « une grosse bosseuse » n’avait pas fait savoir si elle était candidate ou non à sa succession. « Faire un congrès de merde, avec 8 000 mecs, sans être sûre de le gagner, ou être ministre de la République, ça fait réfléchir », confiait ces derniers jours un membre de la direction. A son arrivée à la tête du parti, Mme Cosse avait confié au Monde ne pas être là pour « faire carrière ». Trois ans plus tard, elle a semble-t-il changé d’avis.

Raphaëlle Besse Desmoulières

Journaliste au Monde

http://www.lemonde.fr/politique/art...

L’écologiste Barbara Pompili, chargée de la biodiversité

Son nom avait déjà circulé à plusieurs reprises pour entrer au gouvernement. Cette fois, c’est fait. Barbara Pompili, coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, a rejoint, jeudi 11 février, l’équipe de Manuel Valls comme secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité.

A 40 ans, Mme Pompili va désormais siéger à la table du conseil des ministres aux côtés de deux autres écolos, Emmanuelle Cosse, ministre du logement, et Jean-Vincent Placé, secrétaire d’Etat chargé de la réforme de l’Etat. Petite-fille de mineur, la jeune femme a passé son enfance à Liévin, dans le Pas-de-Calais. Après des études à Sciences Po Lille, elle rejoint les Verts en 2000 et, deux ans plus tard, s’occupe de la presse pendant la campagne présidentielle de Noël Mamère.

Relations tendues

Quand elle fait ses premiers pas au Palais-Bourbon en 2012, elle connaît déjà la maison. En 2002, elle devient l’assistante parlementaire d’Yves Cochet, député de Paris, avant de prendre les fonctions de secrétaire adjointe du groupe technique dans lequel siégeaient les écologistes jusqu’en 2012. Cette année-là, elle passe de l’ombre à la lumière et se présente en Picardie, dans la deuxième circonscription de la Somme, où son parachutage provoque quelques remous.

Elle devient la première femme à codiriger le premier groupe écologiste de l’Assemblée nationale avec François de Rugy. « Ken et Barbie », raillent les mauvaises langues. Proche du député de Loire-Atlantique, elle finit elle aussi par claquer la porte d’EELV en septembre 2015 accusant sa formation d’avoir mis l’écologie dans « un corner ». Depuis leurs départs, le groupe s’était scindé en deux sous tendances : à elle l’aile réformiste, à Cécile Duflot l’aile critique. Entre les deux femmes, les relations étaient déjà tendues ; elles ne risquent guère de s’améliorer à l’avenir.

Raphaëlle Besse Desmoulières

Journaliste au Monde

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Jean-Vincent Placé : enfin ministre !

Le sénateur (UDE) de l’Essonne, 47 ans, a été nommé secrétaire d’Etat auprès du premier ministre, chargé de la réforme de l’Etat et de la simplification.

Jean-Vincent Placé ne s’en est jamais caché : il est entré en politique pour exercer des responsabilités. Depuis bientôt quatre ans, le sénateur (Union des démocrates et des écologistes) de l’Essonne tapait à la porte du gouvernement, au risque de susciter les moqueries. Son vœu a enfin été exaucé, jeudi 11 février : il vient d’être nommé secrétaire d’Etat auprès du premier ministre, chargé de la réforme de l’Etat et de la simplification. Une consécration pour cet homme de 47 ans, qui couronne un parcours tortueux tout au long du quinquennat de François Hollande.

L’histoire de M. Placé et du gouvernement est une succession de rendez-vous manqués. En mai 2012, son entrée dans l’équipe de Jean-Marc Ayrault est rendue impossible par les « hollandais », qui reprochent à l’homme à tout faire d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) d’avoir négocié avec Martine Aubry l’accord de gouvernement entre le PS et les écologistes. En avril 2014, il tente à nouveau de glisser un pied dans la porte à la suite du départ de son ancienne comparse Cécile Duflot, mais il se laisse décourager par certains de ses camarades, qui lui prédisent un destin à la Eric Besson. Nouvelle tentative en septembre 2014, cette fois, avec moins de conviction. « Valls gérait les cas de Montebourg et Hamon, il n’allait pas mener en plus un débat avec les écolos », assurait il y a quelques mois celui qui a commencé sa carrière politique au Parti radical de gauche.

Content du virage écolo de Hollande

Déçu de ne pas obtenir le portefeuille ministériel qu’il estimait mériter, peu en phase avec une base écologiste de plus en plus frondeuse vis-à-vis du couple exécutif formé par François Hollande et Manuel Valls, le sénateur s’est peu à peu éloigné de son parti, jusqu’à la rupture, en août 2015. Dans la foulée de son ami le député de Loire-Atlantique François de Rugy, il claque la porte d’EELV pour fonder l’Union des démocrates et écologistes en compagnie de Jean-Luc Bennahmias. Une manière de rejouer, plus de vingt ans après, le « coup » de Génération écologie : François Mitterrand avait alors suscité le lancement de ce petit parti écologiste pour diviser les voix des Verts. Cette fois, c’est François Hollande qui est à la manœuvre.

D’abord critique envers le président de la République, et un début de mandat raté à ses yeux, M. Placé se félicitait depuis bientôt deux ans du virage « écolo » qu’aurait pris le chef de l’Etat grâce à la COP21. Des compliments interprétés comme autant de signes de ses ambitions ministérielles.

« Bonjour, monsieur le ministre »

Jamais avare de déclarations franches, le sénateur avait estimé à plusieurs reprises posséder les qualités requises pour obtenir un maroquin. Son visage rond, avec ses lunettes rectangulaires – connu par 70 % des Français, selon un sondage commandé par l’intéressé –, serait d’ailleurs celui d’un ministre à l’entendre. « J’ai un savoir-faire, c’est utile, confiait M. Placé à l’automne 2014. Dans la rue, les gens me disent “bonjour, monsieur le ministre”. Ils auraient du mal à citer dix membres du gouvernement. » Une prétention qu’il assume crânement. « Il faut de la prétention pour être responsable politique. Je considère que j’ai les qualités pour être au gouvernement de la France, je ne fais pas semblant. La capacité de négociation qu’on me prête, c’est utile », déclarait-il sur Public Sénat, en octobre 2014.

Ces derniers mois, le sénateur était devenu, selon ses dires, un « people ». « Je me fais prendre en photo avec une poule pour la Journée de la femme [campagne contre le sexisme, orchestrée par Marie Claire], et on en parle pendant trente-six heures. Thomas Dutronc, qui est beau gosse, a fait la même chose, mais ça a fait beaucoup moins de bruit. » Il ne lui reste plus qu’à espérer que son passage dans les rangs du gouvernement fasse plus de bruit que cette photo.

Olivier Faye

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