Présidentielles, Front de Gauche, crise agricole... Entretien avec Jean-Luc Mélenchon

vendredi 11 mars 2016.
 

En visite aujourd’hui et jeudi à Nantes et Rennes, il annonce l’organisation d’une assemblée pour valider sa démarche. Sur le fond, le leader du Front de gauche en appelle à « changer nos mœurs » pour mettre l’agriculture au service de nos besoins.

Êtes-vous définitivement candidat ?

J’ai proposé ma candidature. Elle sera le résultat d’une construction collective hors parti. Au moment où je vous parle, 65 000 personnes l’appuient. C’est un mouvement qui est en train de naître et qui décidera s’il veut devenir permanent. Je convoquerai, dans les semaines qui viennent, une assemblée représentative de ce mouvement. De la sorte, je réponds à deux objectifs : présenter une candidature qui s’adresse à tous et proposer à chacun de s’inscrire dans une démarche civique active.

Pierre Laurent (Parti communiste) dit que votre candidature est un problème. Que reste-t-il du Front de gauche ?

Jamais ma proposition de dépasser sa forme de cartel de partis n’a été acceptée. Il y a eu une forme d’appropriation du label par le Parti communiste qui nous rend illisible. Le Front de gauche a été mis au congélateur au moment où le PCF a décidé de participer aux primaires et de se soumettre au Parti socialiste. Le projet initial, c’était au contraire d’offrir un autre choix possible à gauche.

Le PS vous accuse de creuser la tombe de la gauche…

C’est eux qui le font ! François Hollande et Manuel Valls ont trahi et précipité des millions de gens dans l’abstention et dans la colère. Il emprunte à l’extrême droite avec la déchéance de nationalité et à la droite la plus libérale avec la loi travail !

Il n’y a strictement rien de positif dans le bilan provisoire de François Hollande ?

Je demande que quelqu’un me suggère une idée !

Faciliter la vie de l’entreprise, ce n’est pas le bon chemin ?

Cet argument ne tient pas. La question c’est comment on remplit les carnets de commandes, pas comment on maintient artificiellement un niveau d’activité par la distribution de 40 milliards subventions. La loi travail est typique de gens qui ne connaissent rien à l’économie. Ce sont des lois idéologiques.

Mais la richesse se crée dans l’entreprise. Comment faites-vous ?

Personne ne nie que l’entreprise soit créatrice de richesses. Deux lignes s’affrontent. Le président de la République : produisez n’importe quoi, n’importe comment, du moment que ça ne coûte pas cher. L’autre ligne : si on part des besoins du pays, on remplira les carnets de commandes. La question à se poser est de savoir si ce que nous produisons est écologiquement responsable et socialement nécessaire.

Vous allez visiter des fermes bretonnes. L’État consent de gros allégements de charge. Pas suffisant ?

Ce qui se produit était absolument prévisible. Nous n’avons cessé de dire que le démantèlement de la politique agricole dans un sens libéral serait une catastrophe. Depuis que l’humanité est humanité, elle fait des réserves pour parer aux mauvaises périodes. Ce qu’il faut mettre en cause, c’est le modèle de marché, le modèle européen et de l’agriculture industrielle qui martyrise les animaux, détruit la santé des paysans, les sols, l’eau et l’air. Aujourd’hui, on ne produit plus pour les Européens, mais pour le marché mondial, ce qui est une deuxième catastrophe, parce que nous effondrons les cours des pays qui sont en train de construire une agriculture vivrière. Nous sommes perdants sur toute la ligne. Le résultat, c’est un suicide de paysan par jour.

Mais comment fait-on pour les sauver, là, tout de suite ?

C’est toujours la même affaire : on crée des situations insolubles, et on nous met en demeure de régler le problème tout de suite ! L’état et les systèmes collectifs sont en mesure de le faire.

Dans un monde ouvert, que peut faire une gauche radicale ?

Je ne me situe pas comme gauche radicale. Comment on s’y prendrait, nous ? D’abord, on aurait comme objectif la relocalisation de la production. Il ne faut pas se couper du marché mondial, mais il ne faut pas en faire le régulateur de l’agriculture française. Deuxièmement, établir un protectionnisme solidaire autour de l’Europe. Nous devons d’abord produire les quantités dont nous avons besoin. Troisièmement, créer une nouvelle attitude de consommation. Les protéines carnées, ça a une limite. Il est normal, compte tenu de l’étroitesse des salaires, que les gens aillent au moins cher. Les protéines végétales seraient les bienvenues. C’est une affaire de mode, de goût. Il faut changer nos mœurs. Nous savons que le changement climatique a commencé. Mais le changement pour la santé aussi : nous sommes en pleine épidémie de cancers, de l’obésité. Il faut dire aux gens que ce modèle ne pourra pas durer. C’est vrai pour la consommation alimentaire comme pour le reste


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