Le PCF s’apprête à soutenir un candidat issu des rangs socialistes face à un candidat issu du Front de gauche

dimanche 17 juillet 2016.
 

Alors que le Parti communiste s’apprête à se ranger derrière le vainqueur d’une primaire à gauche, fût-il socialiste, un appel est lancé pour sauver le Front de gauche de ce qui signerait sa fin. Mais les fractures sont profondes…

« Le Front de gauche est un échec », affirme le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles. Ah non, « Le front de gauche est congelé », réplique Jean-Luc Mélenchon. « Vite un micro-onde », lui répond Franck Mouly, un militant communiste parmi les initiateurs d’une pétition en faveur du Front de gauche. La bataille sur le devenir du Front de gauche est bien inégale. Que pèseront les pétitionnaires face aux forces entropiques de la direction du PCF et des proches de Jean-Luc Mélenchon ?

Front de gauche, l’impasse du cartel

Créé en 2010 à l’initiative de Marie-George Buffet et de Jean-Luc Mélenchon, le Front de gauche n’a pas su répondre aux espoirs dont il était porteur : le constat est largement partagé. Le diagnostic aussi est commun : il aurait fallu s’ouvrir après le succès de la présidentielle de 2012. Mais voilà, cela n’a pas été le cas et le Front de gauche est devenu un cartel d’organisations à visée électorale.

Ce qui a interdit le dépassement du cartel est profond. Le PCF, très atomisé, a pour ciment interne l’objectif de se continuer en tant que parti. Conséquence : ni partage véritable des postes électifs, ni perte de souveraineté au bénéfice d’un Front de gauche ouvert à tous. De son côté, Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche se sont aussi méfiés d’un élargissement du Front de gauche : ils n’avaient pas envie d’une fusion-acquisition par le PCF, surpuissant en nombre de militants.

Au-delà de ces enjeux de pouvoir et d’appareils, de rivalités de personnes aussi, le Front de gauche n’a jamais su allier deux stratégies présentées comme irréductibles : affirmer une identité politique de rupture avec les politiques austéritaires vs conserver les bases électives et les implantations locales. Ce week-end, une nouvelle escalade dans la tension va être franchie.

Le PCF pour la primaire… et un candidat socialiste ?

Réunis en Conseil national, les dirigeants communistes sont appelés à valider la stratégie de Pierre Laurent en faveur de la primaire de toute la gauche. Pour qui sait lire la langue communiste, le texte soumis à l’approbation du parlement communiste est explicite :

« Il s’agit de relancer une dynamique d’intervention populaire, pour qu’un candidat de gauche puisse représenter les intérêts et les aspirations populaires dans cette échéance et qu’il puisse les faire triompher du néo-libéralisme et du néonationalisme (…) C’est pourquoi nous n’avons pas fermé la porte au processus de primaire de gauche. Dans les circonstances actuelles, cette démarche, a ouvert le débat à gauche. Un débat dont, dès les premiers mois du quinquennat, nous n’avions cessé, parfois bien seuls, de réclamer l’ouverture. Aujourd’hui, nous y sommes (…) Faire renoncer Hollande, Valls et consorts par l’émergence d’une autre voie à gauche, que nous voulons rendre incontournable. La réussite de ce processus passe par une démarche réellement collective, populaire et citoyenne. Le PCF est prêt à s’y engager (…) Une candidature commune qui bouscule la donne, qui relance une gauche de rupture avec la politique suivie depuis 2012, de rupture avec l’austérité et les recettes libérales. Et une gauche qui créé la surprise et gagne. »

Mieux, le PCF s’engage sur la voix du soutien de candidatures aux législatives issues de cette primaire. « Le PCF entend présenter ou soutenir dans toutes les circonscriptions des candidat-e-s afin de faire élire des femmes et des hommes porteurs d’orientations politiques résolument de gauche ». « Cette construction est liée à la présidentielle », précise le projet de résolution.

On résume : Valls et Hollande ne sont pas récusés à priori par le PCF. Le parti de Pierre Laurent s’apprête à soutenir un candidat issu des rangs socialistes face à un candidat issu du Front de gauche. Il s’apprête contre toute sa tradition à soutenir des candidats uniques de la gauche aux législatives.

Contre-feu en faveur du Front de gauche

Des questions se posent alors. Que fera Pierre Laurent si Emmanuel Macron ou Emmanuel Valls gagnent la primaire ? Que fera-t-il si, comme c’est très probable, il n’y a pas de primaire de toute la gauche ? Que vont dire les militants communistes de cette intéressante perspective de se ranger derrière un socialiste même super frondeur ? Autant de questions qui montrent l’incertitude de cette stratégie, qui pourrait plonger le PC dans la tempête et pourrait même contraindre Pierre Laurent à être lui-même candidat.

Dans cette situation assez navrante, Patrice Cohen-Seat, l’ancien bras droit de Marie-George Buffet, et Franck Mouly, tentent un contre-feu. Auteurs d’un texte en ligne, ils réunissent en quelques jours plus de 2.000 signatures. Son objet est dans son titre « Rallumer l’étincelle du Front de gauche » [1]. Signés par de nombreux communistes, ce texte recueille l’appui d’intellectuels comme Razmig Keucheyan ou Lucien Sève, de syndicalistes comme le cheminot CGT Marc Thiberville ou d’artistes comme Gérard Mordillat et Annie Ernaux, ou encore de dirigeants en vue d’Ensemble ! comme Pierre Khalfa.

Ces signataires affirment : « Après des mois d’atermoiements et d’hésitations, le Front de gauche risque de périr des divisions stratégiques et des compétitions de personnes ou d’organisations ». les pétitionnaires poursuivent : « Le Front de gauche doit vivre et se transformer pour devenir le moteur d’un large rassemblement, une grande force populaire et citoyenne, capable de bousculer un jeu politique désespérant et de redonner un sens à l’idée de gauche. » « Exprimons partout avec force notre volonté de dépasser ce qui nous divise pour affronter tous ensemble les échéances à venir. Vite, faisons-nous entendre ! » C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

Karine-Gabrielle Bertrand


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