Ne laissons pas la violence détruire le mouvement social

vendredi 15 avril 2016.
 

Samedi, le jour de la marche contre la loi El Khomri, j’ai beaucoup déambulé dans les rangs des manifestants. Puis la nuit, après mon passage au congrès des lycéens, mes pas m’ont conduit aux alentours de la place de la République. Je n’ai pas l’intention de faire à présent un commentaire politique. En fin d’après-midi, on m’annonçait qu’une jeune fille avait été sérieusement blessée à l’œil. Je forme le vœu que ce ne soit pas grave. Mais j’ai déjà assez vécu pour savoir comment tombent un Malik Oussekine ou un Rémi Fraisse. Avant qu’il ne soit trop tard, je veux nous mettre tous en alerte ! Je voudrais parler ici pour montrer un ennemi du doigt.

Cet ennemi, c’est la violence. Ne laissons pas la culture de la violence gangrener la sphère de l’action populaire. D’un côté, les violents isolent et minorent les mouvements sociaux en même temps qu’ils en violent le message. De l’autre, la violence discrédite le policier qui la pratique quand il oublie la responsabilité qu’enjoint le port de l’uniforme et des couleurs républicaines.

Mes camarades, la violence ne nous mène nulle part. Elle fait fuir le grand nombre sans lequel aucune action victorieuse n’est possible. Elle donne à voir un rapport humain qui est le décalque de la violence sociale et individuelle que nous combattons. Elle organise une hiérarchie inacceptable entre ceux qui agissent, car elle donne le pouvoir aux muscles davantage qu’aux cerveaux. Vouloir blesser ou meurtrir un fonctionnaire de police qui se tient en rang et obéit à ses chefs qui eux-mêmes obéissent à leur ministre est une bataille d’autant plus cruelle et inepte qu’elle est sans objet. La décision ne dépend pas de lui.

La violence porte une illusion mortelle pour notre mouvement : celle de faire croire que nous pouvons vaincre autrement que par notre nombre et notre détermination pacifique. Elle porte la tentation d’une spirale mortelle : croire que davantage de violences donnera davantage de résultats ! Enfin, je m’appuie sur mon expérience de toute une vie engagée dans la lutte sur plusieurs continents : au bout du compte, dans la violence nous perdons toujours, irrémédiablement. Et les meilleurs des nôtres, les plus dévoués, tombent les premiers. Ils nous manquent ensuite sans cesse.

Mesdames, messieurs les policiers, et pour certains d’entre vous : chers camarades. Il y a quelques mois le peuple vous serrait les mains, vous remerciait et vous présentait des condoléances après les attentats contre Charlie Hebdo ou ceux de la nuit du 13 novembre. Cette osmose du peuple et de ses forces de police était un atout essentiel de la cohésion de notre pays contre nos agresseurs. Ce capital de confiance et de respect ne doit pas être dispersé au fil des lacrymos et des charges contre un mouvement social populaire. Bien du mal est déjà fait, vous devez le savoir. Jeunes effectifs, n’oubliez pas le conseil de votre ancien, le syndicaliste policier Bernard Delplace qui, dans des circonstances pourtant plus rudes, s’était adressé à vos prédécesseurs : « qui frappe un homme à terre se déshonore ». Rajoutez-y les tirs tendus et les bombages aux lacrymos à bout portant et vous savez ce que ne doivent pas être vos gestes professionnels. S’il le faut, fraternisez avec vos concitoyens qui se battent aussi pour vous plutôt que d’accomplir des ordres injustes ou dangereux.

A tous : ne tombons pas dans le face à face de la violence qu’organisent les décisions de Valls et de Hollande. Jusqu’en juin, vote final de l’Assemblée sur la loi El Khomri, un long chemin de conscientisation et de mobilisation se présente. On voit bien qui souhaite que les affrontements violents épuisent et divisent le mouvement social et déresponsabilisent les fonctionnaires de police.


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