Les océans menacés par la logique du capitalisme

lundi 3 septembre 2018.
 

A) La haute mer, un Far West en quête de shérif

près le ciel, la mer. À l’image de ce qu’elle a mis en place il y a plus de vingt ans pour le climat, l’ONU ouvre ce lundi, à New York, un premier cadre de négociations consacrées à l’établissement d’un droit international en faveur de la haute mer. Il ne s’agit pas encore du grand soir pour la protection du grand large.

Jusqu’à présent, la Grande Bleue n’intéressait pas grand monde

Après dix années de discussions informelles, les États qui se sont impliqués volontairement sur le sujet se sont juste mis d’accord à la fin de l’année dernière pour ouvrir des discussions en vue de la rédaction d’un éventuel « accord international sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine », dans les zones situées au-delà des eaux rattachées à un État. Tout cela devrait intervenir en 2018 pour les plus optimistes, en 2020 pour les plus pragmatiques.

Jusqu’à présent, la Grande Bleue n’intéressait pas grand monde. Il existe bien la convention de l’ONU sur le droit de la mer (CNUDM). Mais celle-ci parle d’un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. À l’époque de la signature de ce texte en 1958, remis à jour en 1982, les États ont mis le paquet sur la définition de leurs droits de propriété dans les eaux et fonds proches de leurs côtes. Le reste a été laissé en jachère. Seule l’industrie de la pêche, guettée par les quotas donc appâtée par la pêche en haute mer, les industries minières, alléchées par les nodules polymétalliques, et la marine marchande, qui convoie 90 % du trafic commercial global, avaient dû faire avec les réglementations. La FAO (Organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture), l’Organisation maritime internationale et l’Autorité internationale des fonds marins pour les droits d’exploitation miniers s’étaient chargées de mettre en place ces dernières.

Mais les moins de 30 ans peuvent témoigner que les choses ont bien changé. Depuis 1977, des écosystèmes ont été mis au jour au fond des fosses océaniques, qui ont déjà attiré des spécialistes publics ou privés de la bioprospection et du brevetage du vivant.

L’industrie de l’aquaculture imagine des fermes géantes loin des côtes

Les fonds marins sont des terrains de développement pour les énergies marines (hydroliennes, énergie des vagues et marémotrices), les énergies fossiles (pipelines et forages en eau profonde) ou la géo-ingénierie (ensemencement des océans pour capter du CO2). Quant aux eaux de surface, l’industrie de l’aquaculture imagine des fermes géantes loin des côtes, tout comme des promoteurs privés en vue de construire de prochaines villes en zones extraterritoriales.

Des pays comme les États-Unis, la Russie ou le Japon estiment que la règle du premier arrivé, premier servi, sur ses nouvelles ressources, constituait le plus juste des principes. Encouragés par les ONG, l’Union européenne et le G77 + Chine (coalition de pays en voie de développement) leur opposent l’établissement de régulations en faveur de ces nouveaux « biens communs de l’humanité », via des aires marines protégées en haute mer reconnues par l’ONU, l’obligation d’étude d’impact environnemental avant toute exploitation des abysses ainsi que des garde-fous pour protéger l’accès à tous aux ressources marines. Cette seconde conception grignote du terrain. Elle n’a pas encore gagné la haute mer.

Stéphane Guérard, L’Humanité


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