République et lutte des classes

dimanche 8 mai 2016.
 

Pour ceux qui auraient encore quelques doutes, la lutte des classes et la suppression de l’exploitation capitaliste sont compatibles avec les valeurs républicaines. Telle est la décision que viennent de prendre les magistrats de la Cour de cassation, que l’on ne saurait pourtant qualifier de ­dangereux gauchistes. Mais comment donc la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français en est-elle venue à une telle affirmation  ?

Depuis la loi du 20 août 2008 portant « rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail », le « respect des valeurs ­républicaines » figure parmi les critères de représentativité des syndicats de salariés en remplacement de celui jugé anachronique d’« attitude patriotique durant la guerre ». Devant un juge, une société ­demande ­l’annulation de la ­désignation d’un ­représentant de la section syndicale au motif de la contrariété des statuts du syndicat avec les valeurs républicaines. On ­reproche à cette organisation d’y faire figurer l’objectif de « suppression de l’exploitation capitaliste, notamment par la socialisation des moyens de proximité et d’échange dans l’intérêt même des travailleurs ». Pire, le demandeur observe que les statuts du syndicat font référence à la lutte des classes pour parvenir à ce but sans aucun doute révolutionnaire.

Le juge d’instance interrogé sur la question avait relevé pour rejeter la requête de la société que ces statuts ne contenaient aucun appel à une quelconque violence, qu’il s’agisse d’atteintes aux personnes ou aux biens. Se livrant à une analyse de sociologie et d’histoire des syndicats, le juge avait considéré que l’orientation anticapitaliste du syndicat ­indiquait le courant dans lequel il s’inscrivait, à savoir un syndicalisme à l’origine révolutionnaire, qui pourrait être désormais qualifié de revendicatif, à l’inverse du syndicalisme plus réformateur, davantage tourné vers la négociation.

Dans son arrêt du 25 janvier 2016 (n° 14-29308), la Cour de cassation ne s’embarrasse pas avec ces considérations et juge de manière lapidaire que la référence à la lutte des classes et à la suppression de l’exploitation capitaliste ne méconnaît aucune valeur républicaine. On se souviendra alors avec intérêt qu’il y a quelques années la même juridiction avait déclaré illicite un syndicat lié au Front national au motif notamment de la promotion d’idées discriminatoires.

Chronique juridique dans L’Humanité de Christophe Vigneau avocat au barreau de Paris


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