Le Compte Personnel d’Activité, accompagnement social de la précarisation

samedi 4 juin 2016.
 

En l’état, le compte personnel d’activité se réduit à un accompagnement social d’une précarisation accrue de l’emploi. Loin des promesses de sécurité avancées par le gouvernement.

Un cheval, une alouette. Tel est l’« équilibre » du projet El Khomri.

D’un côté, de puissants éléments d’affaiblissement de la protection des salariés.

De l’autre, quelques dispositions censées faire contrepoids en apportant de la sécurité. Avec, au premier rang, le compte personnel d’activité (CPA), qui enregistrerait des droits accumulés par le salarié au fil de sa carrière. Le CPA intégrerait ainsi les droits existants en matière de formation et de pénibilité, et pourrait à terme s‘étendre à l’indemnisation chômage, la retraite…

En son principe – des droits sociaux attachés à la personne et non plus à l’emploi, cumulatifs et donc transférables d’un employeur à un autre –, ce dispositif répond à une demande syndicale et à une situation qui voit chaque année 20 % des actifs changer d’emploi, et les carrières de plus en plus fractionnées par des périodes de chômage, de CDD… Mais encore faudrait-il clarifier la nature de ce compte. S’agira-t-il de « droits individuels de nature patrimoniale », ou de « droits personnels adossés à des mécanismes de solidarité », interroge le juriste Alain Supiot, évoquant le précédent de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, « droit nouveau » qui, en réalité, est venu « pallier l’effritement » de la couverture solidaire de l’assurance maladie en élargissant la place des assurances privées. « La nature de ce compte dépendra de la place accordée à la solidarité dans son abondement et sa mise en œuvre », souligne Alain Supiot.

En l’état, à défaut de mesures visant à responsabiliser les employeurs, le CPA, de fait, « renvoie sur la personne la responsabilité de son employabilité » – via les droits qu’elle aura capitalisés en matière de formation professionnelle –, ou encore de sa santé, sa retraite, analyse-t-on à la CGT.

Au final, alors que le projet El Khomri, loin de la dissuader, permet au patronat d’accroître la flexibilisation de l’emploi, le CPA risque fort de se réduire à un accompagnement social de la précarisation. Loin, très loin, de la visée de la Sécurité sociale professionnelle, défendue par la CGT, ou de la sécurité d’emploi et de formation, prônée par le PCF, qui ambitionnent d’éradiquer la précarité. Non seulement en généralisant le CDI, en poussant les entreprises à la création d’emplois de qualité, bien rémunérés, par la modulation des cotisations sociales. Mais aussi en assurant continuité et progression des droits (salaire, carrière, retraite, etc.) et en garantissant, en cas de licenciement, le maintien du contrat de travail et du revenu – avec un financement mutualisé des employeurs –, jusqu’à l’obtention d’un nouvel emploi ou d’une formation.

Yves Housson, L’Humanité


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