Euro 2016 et exonération fiscale : quand l’UEFA vole la France

lundi 27 juin 2016.
 

L’UEFA, ne payera aucun impôt ! Rien, nada : à part la TVA, toute autre forme de taxation sera abandonnée. Alors qu’à côté de cela, les Français mettent la main au porte-monnaie pour rénover les stades ou construire des infrastructures.

L’UEFA, fiscalophobe, échappe aux impôts

Fiscalophobe : c’est ainsi qu’on pourrait qualifier les organisateurs de l’Euro 2016, à savoir l’UEFA (Union des Associations Européennes de Football) et ses filiales françaises. Cela tombe bien, puisque la France a décidé de les exonérer d’impôts : à part la TVA, nul argent ne reviendra à l’Etat. Et encore, celle-ci a été réduite pour la vente des billets.

Concrètement, le gouvernement a présenté, lors d’un conseil des ministres, un projet de loi financière rectificative, pour exonérer les entités chargées de la compétition. Celles-ci ont d’ailleurs créer leur « structure juridique ad hoc » : baptisée « Euro 2016 SAS », elle est détenue à 95% par l’UEFA et à 5% seulement par la Fédération Française de Football. Elle sera chargée de gérer tous les aspects de la compétition – « l’ensemble des droits commerciaux, marketing, télé (etc.) » – à l’exception de la construction des stades et transports. C’est à dire, récolter tous les bénéfices pour zéro dépense.

Lorsqu’on sait combien l’Etat est obligé de dépenser, grâce à l’argent des contribuables, pour l’organisation en amont mais aussi pendant cet événement, qu’est ce qui a bien pu le pousser à refuser une telle rentrée d’argent, qui plus est en période de crise ?

Céder aux pressions de l’UEFA, au dumping et à la concurrence

Si la France exonère l’UEFA de toute taxe, c’est parce qu’elle y est contrainte par une promesse : lors de l’examen de sa candidature en 2010, elle avait promis d’être clémente fiscalement parlant. Le député Jean-Luc Laurent, ne contient plus son incompréhension : « Exonérer fiscalement l’organisateur est une décision scandaleuse. L’Etat se prive ainsi de recettes fiscales dans un contexte de redressement des finances publiques, et où les Français sont appelés à faire des efforts ». Selon lui, « L’Etat accompagne ainsi une forme de dumping » qui n’a pas lieu d’être.

Pourquoi agir alors de la sorte ? Car, selon les responsables, sans cela, la France n’avait aucune chance de gagner l’organisation de l’Euro, puisque les derniers pays organisateurs avaient fait de même. C’est donc pour s’assurer l’organisation de l’Euro que la France a dit adieu à ses recettes fiscales. Sauf que les retombées économiques ne sont pas si glorieuses que cela. Notre mission : donner un aperçu clair de la situation.

Les frais engagés par la France

Si l’Euro 2016 SAS s’occupait de toute l’organisation en amont, l’exonération fiscale pourrait éventuellement s’expliquer. Mais c’est bien à la France et aux contribuables de payer la construction de quatre stades (à Bordeaux, Lyon, Nice et Lille) et la rénovation des autres enceintes sportives. Les Echos chiffrent à 2 milliards d’euros les investissements de la République, qui a tout de même réussi à arracher à l’UEFA la modeste enveloppe de 20 millions. Soit 1 980 000 000€ à la charge de la France. Sans compter les 400 millions nécessaires à améliorer l’accès et les transports. Tout cela est sans compter les frais engagés pour assurer la sécurité de l’événement.

Comment l’UEFA va s’en mettre plein les poches

L’événement devrait rapporter près de 2 milliards d’euros à l’organisation du football européen. Selon son business plan, les billetteries grand public et entreprise devraient générer au total 500 millions d’euros de recette. Encore plus rentables, les droits audiovisuels (1 milliard d’euros) et marketing (500 millions d’euros) devraient rapporter gros, sans compter le sponsoring (400 millions).

Car, pour que les Français puissent voir la compétition, cela a un prix : BeIN Sport a déboursé 60 millions d’euros pour rediffuser l’intégralité de la compétition, dont 18 match en exclusivité. TF1 et M6 ont payé, pour leur 33 matchs, 25 millions d’euros chacun. Déjà 110 millions d’euros d’assurer et ce, uniquement pour la diffusion française.

En 2012, l’UEFA avait déjà réalisé un très gros bénéfice, puisqu’elle avait seulement investi 695 millions pour près de 1,4 milliards de chiffre d’affaire : une marge d’exploitation de 50% ! Rappelons, pour information, que la confédération est officiellement une association à but non lucratif.

Les retombées espérées : réelles, mais pas suffisantes

Pour la France tout de même, certaines retombées positives sont à prévoir : l’UEFA fait valoir que la France pourra exploiter ses stades flambant neuf en les louant aux clubs. Cependant, pour beaucoup de villes, cela ne rembourse pas les frais engagés et les Français sont d’ailleurs de moins en moins nombreux à visiter les stades. Lorsqu’on sait que 30% des stades étaient vides lors de la dernière saison, avait-on vraiment besoin de 100 000 places supplémentaires ?

L’argument majeur, qui justifie toutes les dépenses effectuées, réside dans le fait que la compétition va attirer quelques 2,5 millions de spectateurs, dont un million d’étrangers. Si la vente des tickets et la diffusion profiteront uniquement à l’UEFA, l’hôtellerie et la restauration françaises jouiront de l’émulation. Les dirigeants de l’UEFA, et particulièrement Platini et Lambert, affirment que le tournoi va rapporter en tout et pour tout 1 milliard d’euros à la France. Pas de quoi combler de 2,5 milliards dépensés.

Ils ajoutent que 94 000 emplois seront créés par l’événement et que 58% des entreprises qui travaillent pour l’Euro sont françaises. Certes, mais employés et payés par l’Etat français : quitte à injecter 2,5 milliards dans son économie, la France aurait pu privilégier l’éducation ou la santé.

Une France attractive ? On l’espère !

Rentables ou pas rentables, c’est l’éternel questionnement de ces évènements sportifs. Il n’est pas question ici d’être pour ou contre l’Euro, mais plutôt de souligner que le renoncement aux impôts est une décision qui crée un manque à gagner énorme et alourdit la facture de l’Euro. « Ce type d’événements coûtent toujours plus cher qu’ils ne rapportent, et ceux qui disent l’inverse se trompent, conclue Jean-François Lamour, ancien ministre des sports. « Mais ce sont des accélérateurs économiques qui permettent de booster le pays, de le rendre plus attractif et plus moderne. ». On l’espère !


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