Loi El Khomri. On n’a pas fini d’en entendre parler !

vendredi 8 juillet 2016.
 

Le Sénat a adopté une version durcie du projet El Khomri le 28 juin, que l’Assemblée examinera à partir du 5 juillet, jour de la prochaine mobilisation intersyndicale. L’exécutif pourrait recourir à l’article 49-3. CGT et FO lui promettent dans ce cas la poursuite de la mobilisation à la rentrée.

L’Assemblée nationale devrait examiner en seconde lecture le projet de loi El Khomri à compter du 5 juillet. Peu de chance en effet que députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire, s’accordent sur une version commune qui permettrait de clore définitivement le débat parlementaire après un vote conforme des deux assemblées. La majorité de droite au palais du Luxembourg, qui a adopté le texte le 28 juin, l’a considérablement durci : suppression des 35 heures, doublement des seuils sociaux, apprentissage avant 15 ans... Elle s’est engagée dans une surenchère libérale, offrant comme un avant-goût de ce que la droite pourrait mettre en oeuvre si elle revenait au pouvoir en 2017.

Ce faisant, elle offre au gouvernement l’occasion de réactiver le clivage gauche-droite. Il n’est pas sûr que ce coup de pouce de Les Républicains permette à François Hollande et à Manuel Valls de réunir la majorité de députés qui leur a fait défaut le mois dernier au Palais-Bourbon. Depuis le recours au 49-3, le 12 mai dernier, la position de l’exécutif s’est encore affaiblie.

L’instrumentalisation éhontée des violences commises en marge des manifestations ne lui a pas permis de retourner l’opinion, qui reste aux deux tiers hostile au texte et qui, à 60 %, continue de considérer comme légitime le mouvement social. Dans le même temps, le soutien syndical au texte est devenu minoritaire. Réunie en congrès les 1er et 2 juin, la CFECGC a réaffirmé son rejet. Le 21 juin, c’est la direction de l’UNSA qui, confrontée à des tensions internes, a pris ses distances, laissant seules la CFDT et la CFTC dans le camp des soutiens unanimes.

73 % des Français se déclarent opposés à un nouveau recours au 49-3 (sondage Odoxa du 28 juin)

Enfin, le cafouillage autour de la manifestation parisienne du 23 juin ­ interdite puis finalement autorisée en raison du tollé provoqué par cette atteinte au droit fondamental de manifester ­ a sonné comme un désaveu du premier ministre par le chef de l’État. En position de faiblesse, que va faire l’exécutif ?

Manuel Valls devait recevoir les syndicats le 29 juin. Obnubilé par son avenir politique qu’il espère présidentiel, le premier ministre, qui se pose en homme fort du libéralisme, n’entend rien céder. Le président, lui, assure vouloir aller « jusqu’au bout »... sans préciser s’il s’agit de ne rien céder aux syndicats ou juste de faire adopter la loi, même amendée. Faire fi de l’opposition au texte qui s’exprime depuis plus de 4 mois en recourant au 49-3, c’est prendre le risque de voir la mobilisation se poursuivre à la rentrée. Et avec elle, de voir disparaître les minces chances de François Hollande de se succéder à lui-même.

Les 5 articles de La discorde

Parmi tous les volets du projet de loi travail, cinq concentrent toutes les critiques de l’intersyndicale :

L’articLe 2, qui entérine l’inversion de la hiérarchie des normes et fait primer l’accord d’entreprise en matière de durée du travail (rémunération des heures supplémentaires…).

L’articLe 10, qui permettra à l’employeur de contourner les organisations syndicales grâce à des référendums, selon ce mythe tenace qu’une entreprise capitaliste est un espace de « démocratie ».

L’ARTICLE 11, qui institue des accords de maintien de l’emploi dits « offensifs » (les entreprises en bonne santé pourront imposer des reculs sociaux à leurs salariés).

L’ARTICLE 30, qui facilite les licenciements économiques en fournissant à l’employeur des prétextes tout trouvés (baisses des commandes…).

L’ARTICLE 44, qui, sous prétexte de « moderniser » la médecine du travail, risque d’accélérer son démantèlement, en supprimant notamment des visites jusque-là obligatoires.

Pierre-Henri Lab

Humanité Dimanche, début juillet 2016


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