L’autoritarisme, enfant naturel du réformisme  ?

dimanche 24 juillet 2016.
 

La contradiction entre les intentions démocratiques affirmées par le candidat Hollande et l’exercice autoritaire du pouvoir est flagrante. D’où vient-elle  ?

Le 7 mai 2012, quelques heures après l’élection de François Hollande à la présidence de la République, son porte-parole de campagne mettait la victoire sur le compte de la volonté des Français d’« apaiser la République ». Quatre ans plus tard, ce même porte-parole, devenu depuis ministre de l’Intérieur, envisageait sérieusement de faire interdire des manifestations syndicales. Cette « contradiction » de Bernard Cazeneuve ne lui est pourtant pas imputable en intégralité. Elle n’est qu’à l’image de la lourde dérive autoritaire de l’exécutif depuis 2012 et plus singulièrement encore depuis 2014 et l’accession de Manuel Valls à Matignon.

Le gouvernement discute...avec ceux qui sont d’accord

Jeter un coup d’œil au gouffre entre les déclarations d’intention de 2012 et la réalité de 2016, c’est s’exposer au vertige. « Moi président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés, aussi bien les organisations professionnelles que les syndicats, et que nous puissions avoir régulièrement une discussion pour savoir ce qui relève de la loi, ce qui relève de la négociation », promettait Hollande candidat. De discussions, aujourd’hui, il n’y en a plus qu’avec ceux qui sont d’accord avec la ligne gouvernementale, CFDT en tête. Parmi les 60 engagements du candidat Hollande, on lisait « Augmenter les pouvoirs d’initiative et de contrôle du Parlement ». Quatre ans et d’innombrables tentatives de caporalisation de la majorité plus tard, le gouvernement n’a plus d’autre choix que de court-circuiter la représentation nationale en usant du 49-3. On lisait « Mettre en place une loi sur le renforcement de la démocratie et des libertés locales ». Quelques mois plus tard, la France vit sous un état d’urgence qui n’en finit plus, des militants sont assignés à résidence et on menace les syndicats d’interdire leurs manifestations.

« Avec le recul historique, on se rend compte que, chaque fois que le PS ne parvient pas à tenir ses engagements, dans la mesure où ils ne peuvent pas maintenir le grand écart entre le capital et le travail, ils sont obligés de prendre des mesures extrêmement autoritaires pour l’intérêt du patronat et de l’État », analyse l’historien Jean-Paul Scot, rappelant les précédents des répressions brutales des mineurs CGT en 1948, l’envoi du contingent en Algérie en 1956 ou les violences des CRS contre les sidérurgistes lorrains en 1983.

Valls, adepte du renversement des alliances vers le centre

Le choix même de remplacer Jean-Marc Ayrault par Manuel Valls après la déroute socialiste aux municipales de 2014 signe cette politique du durcissement autoritaire. Valls, c’est depuis toujours l’aile droite, celle de « l’ordre » et de « l’autorité ». C’est l’un des trois seuls députés socialistes qui, à la suite des « émeutes » de 2005, n’avait pas voté contre la prolongation de l’état d’urgence (déjà) voulu par la droite. C’est le seul parmi les socialistes à vouloir l’extradition du militant italien Cesare Battisti. C’est aussi celui qui, depuis toujours, veut « déverrouiller les 35 heures » et se définit lui-même comme « blairiste ».

Adepte du renversement des alliances vers le centre, Valls a toujours été ultraminoritaire au sein même de son parti. Comment arrive-t-il en moins de deux ans à la tête du gouvernement  ? Pour Scot, « c’est inhérent à la nature du réformisme. Ils sont tellement pris dans des contradictions indépassables qu’ils sont obligés de pencher du côté où le rapport de forces bascule ». De quoi laisser un espoir au mouvement social pour renverser ce même rapport de forces.

En 2012, le Bernard Cazeneuve porte-parole de François Hollande estimait qu’« une campagne électorale, quelle que soit l’énergie qu’on y met, ne peut pas effacer un quinquennat d’échec ». Qu’en pense en 2016 Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur  ?

Adrien Rouchaleou, L’Humanité


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