Ma réponse à Julien Dray et à ceux qui veulent nous faire venir dans la primaire du PS

samedi 17 septembre 2016.
 

Hier dans le Figaro Vox en réponse notamment à l’ex député Julien Dray, très proche conseiller de François Hollande à tel point qu’on pourrait voir en lui "le dernier du maudit camp", j’ai publié la tribune qui suit. J’avais trouvé assez désolante sa longue interview en défense inconditionnelle du président sortant dans Libération sous le titre presque comique de "Hollande doit se mettre en colère" (Après les salariés et le code du travail, hélas c’est déjà fait) dans laquelle, une nouvelle fois, il essaye de nous tacler avec son style inimitable : "Avec Mélenchon, le débat porte en fait sur le jour d’après les grandes décisions et là, malheureusement, il est dans l’incantatoire." Comme si, en gros, nous étions d’accord sur l’analyse et les propositions mais que eux agissaient alors que nous préférions rester dans l’impuissance. C’est vraiment au ras des pâquerettes et me rappelle mes cours de philo où nous apprenions que Charles Péguy disait que "le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains". Cet argument facile, de la part d’un partisan d’un gouvernement totalement impuissant face aux désordres du monde, à la voracité de la finance, à la progression de l’extrême droite est ridicule. Pauvre M. Dray. Mais, c’est à une autre incantation de Julien Dray que j’ai voulu répondre. Celle qui concerne les primaires.

Pourquoi la primaire PS est un piège

Dans une défense désespérée de François Hollande, hier dans le quotidien Libération le responsable du PS Julien Dray interpelle : « Pourquoi Mélenchon, qui dit avoir le peuple avec lui, ne vient-il pas la faire, cette primaire ? ».

Julien Dray devrait s’interroger plutôt sur qui viendra réellement dans sa primaire ? Déjà en 2011, où le rapport entre les milieux populaires et le PS était un peu moins dégradé, le constat fait par plusieurs études sociologiques était net. Les primaires PS mobilisent essentiellement des Catégories socio-professionnelles aisées et une partie des derniers réseaux des élus socialistes. Les catégories populaires déjà fortement abstentionnistes, s’abstiennent encore plus profondément dans les primaires. Pourtant sans elles, aucun grand changement n’est possible. Cinq plus tard, j’ai la conviction que la colère qui monte dans le pays est tellement forte que ce phénomène se verra approfondi.

Qui répondra à l’appel du PS ? Certainement pas ceux qui se sont sentis trahis par ce quinquennat. Certainement pas ceux qui ont été méprisés lorsqu’ils manifestaient contre la loi El Khomri. Certainement pas ceux qui ne veulent plus se soumettre aux traités européens négociés par M. Sarkozy et soutenus par M. Hollande. Certainement pas ceux qui n’ont vu que des renoncements sur le terrain de l’écologie. Certainement pas ceux qui ont vu le chômage augmenter de plus d’un million. Certainement pas ceux qui veulent rompre avec la monarchie présidentielle de la Ve République dont le caractère autoritaire a servi pour imposer une loi rejetée dans tout le pays. Certainement pas ceux qui ont été choqués par ses débats nauséeux sur la déchéance de nationalité. Et la liste est encore longue.

Ce ne sera pas la Primaire de tous ceux qui, simplement par loyauté, ne voudront pas participer à un processus qui consiste à s’engager à soutenir le vainqueur et donc éventuellement François Hollande ou l’un de ses clones ancien ministre, lié au désastreux bilan des gouvernements depuis 2012. Car ainsi est la première règle, tous les participants doivent ensuite faire campagne pour celui qui l’emporte, même si c’est l’un des principaux responsables des difficultés qui frappent le pays. Pour des millions de gens, cet engagement est impossible.

Participer à la Primaire symbolise aussi que les candidats se situent les uns les autres dans un rapport de complicité politique. Mais l’orientation politique et économique prise par ce gouvernement avec le soutien constant de la majorité du PS démontre que c’est incohérent pour ceux qui, comme Jean-Luc Mélenchon proposent une autre voie pour notre pays. Qui peut croire que ce qui fut impossible depuis 2012 le serait à l’avenir ? Pourquoi mentir à notre peuple et faire croire que l’on pourrait soutenir le même candidat au premier tour, alors que tant de désaccords se sont creusés par l’obstination libérale de François Hollande et ses gouvernements successifs ? Comment par exemple peut-on dire, non sans pertinence, que le bilan du gouvernement est « indéfendable » et s’engager ensuite à éventuellement défendre son artisan ? Cette hypocrisie sera tellement évidente qu’elle sera un puissant facteur de démobilisation et fera le bonheur de la droite et de l’extrême droite qui n’en sera que boostée électoralement. C’est irresponsable et terriblement dangereux pour l’avenir.

Qui peut croire également qu’un parti qui n’est même plus en capacité d’organiser sa traditionnelle Université d’été à la Rochelle sans craindre que des salariés viennent y faire entendre leur protestation, un parti qui ne peut plus organiser la moindre réunion publique sans mobiliser plus de forces de l’ordre que de participants serait en situation, comme par enchantement à la veille d’une échéance présidentielle, d’organiser une primaire où tout le monde viendrait se réconcilier et participer fraternellement comme si rien ne s’était produit depuis 2012 ? Qui peut croire qu’une dynamique authentique pourrait en sortir ? Cette primaire des amnésiques ne peut exister que dans la tête d’un baron PS qu’il soit noir ou rose.

En réalité, contrairement à la façon dont elle est présentée par ses promoteurs, la Primaire renforce tous les défauts de la Ve République. Contrôlée par les partis, elle se déroule dans un entre soi sociologique. Les candidats qui ont le plus d’argent sont privilégiés, ceux qui sont valorisés par les instituts de sondages également alors qu’aucun panel représentatif ne peut réellement décrire la réalité de l’opinion de ceux qui viendront vraiment. Au final, c’est un PMU avec des chevaux dopés et d’autres non.

En 2017, la primaire PS est un étouffoir des grandes aspirations au changement qui montent dans tous le pays. Elle ne stoppera en rien la progression des idées et des voix réactionnaires. A contrario, l’enjeu de l’élection qui vient est de fédérer la majorité de notre peuple et pour cela mobiliser les millions d’électeurs déçus et d’abstentionnistes, issues particulièrement des milieux populaires et qui se situent très loin des combines entre appareils politiques liés au gouvernement. Nous le ferons dans une campagne patiente et joyeuse en ayant l’ambition de construire avec eux un grand mouvement populaire dont la première promesse sera une nette mise à distance avec ceux qui les ont méprisés, qui leur ont menti et qui n’ont cessé de mettre en œuvre une politique contraire aux intérêts fondamentaux du plus grand nombre. C’est cette exigence qui fait la force actuelle de la candidature de Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de la France Insoumise.

Julien Dray reste enfermé dans de vieux schémas qui n’ont plus de force propulsive. Il est désormais coupé de toute réalité. « Touche pas à mon pote président » est un slogan qui ne mobilise plus personne.


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