Le Nobel de chimie récompense la découverte des "machines moléculaires"

samedi 8 octobre 2016.
Source : AFP
 

Le prix Nobel de chimie a été attribué mercredi au Français Jean-Pierre Sauvage, au Britannique Fraser Stoddart et au Néerlandais Bernard Feringa, pères des minuscules "machines moléculaires" préfigurant les nanorobots du futur.

Les trois chercheurs à l’honneur "ont amené les systèmes moléculaires vers des états où, remplis d’énergie, leurs mouvements peuvent être contrôlés", a expliqué le jury Nobel. "Le moteur moléculaire se trouve aujourd’hui au même stade que le moteur électrique dans les années 1830, lorsque les scientifiques exposaient des manivelles et des roues, sans savoir que cela mènerait aux trains électriques, au lave-linge, aux ventilateurs et aux mixeurs", a-t-il ajouté.

Jean-Pierre Sauvage, 71 ans, professeur à l’Université de Strasbourg, est le premier à penser ces nanomachines, qu’il présente comme un "assemblage moléculaire capable de se mettre en mouvement de manière contrôlée en réponse à divers signaux : lumière, changement de température, etc". "De tels systèmes existent en grand nombre dans les cellules vivantes, et interviennent dans tous les processus biologiques importants", avait-il expliqué en 2008.

Jean-Pierre Sauvage s’est dit "très surpris" par cette distinction et "éprouver une grande joie".

À la base de sa découverte, il a lié deux molécules en forme d’anneau pour former une chaîne, appelée "catenane". Une expérience développée ensuite par Fraser Stoddart, 74 ans, professeur à la Northwestern University (États-Unis). Il a créé un "rotaxane", enfilant une bague moléculaire sur un axe moléculaire fin et démontrant que la bague était en mesure de se déplacer le long de l’axe. Cette découverte lui a permis de créer un ascenseur et un muscle moléculaires.

Enfant, Fraser Stoddart, a grandi dans la ferme parentale en Écosse. "Il n’avait ni télévision, ni ordinateur. Il s’occupait en faisant des puzzles, développant ainsi une qualité essentielle pour un chimiste : reconnaître les formes et s’exercer à les assembler", rappelle l’Académie royale des sciences qui décerne le prix à Stockholm. Stoddart, dont les deux filles sont chimistes, se rêvait alors "artiste moléculaire", souligne-t-elle. "J’ai été surpris et très heureux puisque je partage le prix avec deux chercheurs que j’admire énormément", a-t-il confié à l’agence suédoise TT. Bernard "Ben" Feringa, 65 ans professeur à l’Université de Groningue (Pays-Bas), est le premier à avoir développé un "moteur moléculaire" ce qui lui a permis de créer une nanovoiture avec quatre roues motrices.

Interrogé en direct par l’Académie, il a dit "avoir l’impression d’être un peu comme les frères Wright, qui ont volé (en avion) pour la première fois il y a 100 ans. Les gens ont dit : pourquoi aurions-nous besoin de machines volantes ? Et maintenant, nous avons le Boeing 747 et Airbus". "Si vous pensez aux matériaux que nous pouvons créer de nos jours grâce à la chimie, à notre capacité à introduire des fonctions dynamiques et construire des machines, ou produire des matériaux qui peuvent changer de fonction, les possibilités sont infinies", a-t-il ajouté.

Selon le jury, à terme, ces machines miniatures "seront très probablement utilisées dans le développement d’objets comme les nouveaux matériaux, les capteurs et les systèmes de stockage d’énergie". La création d’ordinateurs moléculaires qui permettraient de stocker et traiter l’information au niveau moléculaire, ou des robots microscopiques, capables de remplir une grande variété de fonctions dans la médecine ou la vie quotidienne, comptent parmi les applications potentielles de ces machines.

"L’attribution de ce prix Nobel est une marque de reconnaissance de l’excellence de la recherche française et européenne", s’est félicité dans un communiqué le président français François Hollande. Le prix s’accompagne d’une récompense de huit millions de couronnes (832.000 euros), partagée équitablement entre les trois lauréats.


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