Droite : leur programme commun se nomme « Les truands du patronat »

lundi 17 octobre 2016.
 

A peine le débat terminé entre les candidats de droite pour l’élection présidentielle, un sondage SOFRES réalisé auprès de 625 personnes, en âge de voter et ayant regardé la mise en scène de TF1, donnait le verdict suivant : Alain Juppé était déclaré le plus convaincant par 36% des personnes interrogées. Il devançait dans l’ordre Nicolas Sarkozy (22%), Bruno Le Maire et François Fillon (11%), Nathalie Kosciusko-Morizet (3%), Jean-Frédéric Poisson (2%) et Jean-François Copé (1%).

Ainsi, le résultat du sondage sur la force de conviction des arguments utilisés par les uns et les autres recoupe assez bien les intentions de vote en faveur des mêmes personnages pour le premier tour de l’élection primaire de novembre. A les entendre, hier soir, il était pourtant difficile de les différencier à ce point. Après une heure de monologues successifs, c’est surtout la couleur de la cravate des hommes qui faisait la différence. Celle de Nicolas Sarkozy était « bleu marine », histoire de braconner sur les terres de qui vous savez.

Le Maire avait annoncé avant l’émission qu’il n’en porterait pas, ce qui fut le cas. Son problème est de pouvoir se différencier par rapport à ses aînés. En présentant ses arguments, il a montré qu’il ressemblait beaucoup à Sarkozy et à Fillon. Normal, il jouait dans leur équipe avant 2012.

La cravate de Fillon était violette, proche du mauve de celle d’Alain Juppé tandis que Copé avait opté pour le bleu ciel pour finalement ne convaincre que 1% des téléspectateurs. Poisson avait choisi le rouge vif pour se mouvoir dans ce bocal, comme Kosciusko-Morizet dans sa robe d’un soir avec ses 4% de parts de marché.

Pour le reste, tous, ou presque, ont dit qu’il faudra travailler plus chaque semaine quand ils seront au pouvoir. Malgré cela, il faudra baisser les charges patronales et baisser les impôts des plus riches en commençant par supprimer l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Pour compenser le coût des cadeaux offertes aux plus riches, on partira de plus en plus tard en retraite, on supprimera les régimes spéciaux de certaines professions, on réduira le nombre de fonctionnaires tous les ans et on précarisera les emplois dans la fonction publique. Quant à aux chômeurs de longue durée, ils auront droit à une double peine qui se traduira par moins 20% d’indemnités au bout d’un an et moins 20% encore au bout de 18 mois. Et comme les pauvres devront payer à la place des riches, Copé, le monsieur 1% du sondage de fin d’émission, a promis que la TVA augmentera de 3% sous sa présidence. Copé a raison sur un point : il représente le mieux la droite décomplexée.

Hommage bien involontaire du vice à la vertu, la CGT a été la cible de plusieurs candidats qui ont aussi défendu la liberté de tout un chacun et de toute organisation sortie du néant de se présenter au premier tour des élections professionnelles dans les entreprises. Dans les années 50 et 60 du siècle dernier, on appelait cela les « syndicats maison » mis en place par les patrons pour avoir des élus à leur botte. Ils les utilisaient comme des hommes de main pour casser la figure aux militants de la CGT dans des entreprises comme Citroën, Simca et d’autres encore. En 1977, Marcel Caille, secrétaire confédéral de la CGT, a mis en lumière ces pratiques de voyous dans un livre intitulé « Les truands du patronat »(1).

Hier soir, même le « modéré » Alain Juppé a proposé de permettre à ces « syndicalistes » à la botte du patronat de pouvoir se présenter au premier tour des élections professionnelles. Juppé a également dit qu’il fallait limiter à deux mandats l’activité d’un syndicaliste élu part les travailleurs dans une entreprise. Il veut aussi que cet élu travaille au moins 50% de son temps sur son poste. A 71 ans, celui qui cumule des décennies de fonctions électives et une multitude de postes ministériels ne semble pas savoir ces choses toutes simples : un délégué du personnel est élu par les travailleurs de son entreprise et cette élection a lieu tous les ans. Pour l’exercice de son mandat, il bénéficie généralement de 15 à 20H de délégation par mois. Au comité d’établissement, le mandat électif dure deux ans et les heures de délégation sont à peu près les mêmes. Reste la question incongrue des deux mandats. Conformément au dicton qui dit que « c’est en forgeant que l’on devient forgeron » c’est aussi en bénéficiant de la confiance de ses collègues à travers leur vote et en lien direct avec eux durant chaque mandat qu’un élu gagne en efficacité au fil des ans dans l’exercice de ses mandats successifs. Mais, comme cela n’est pas enseigné à l’ENA, Alain Juppé, le plus convaincant des candidats d’hier soir au dire du sondage, ne le sait toujours pas. Voilà qui en dit long sur le côté « hors sol » des candidats de la droite pour cette élection présidentielle.

Notons enfin qu’à plusieurs reprises au cours de ce débat, l’illustre inconnu qu’est Jean-François Poisson pour une majorité de Français, fut hier soir le seul à faire preuve d’un peu de bon sens quant au rôle et aux missions de l’Etat. Ca aussi, ça en dit long sur l’état d’esprit des six autres.

(1) Editions sociales

Gérard Le Puill, Humanité.fr

Journaliste et auteur


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