Sécu, services publics, partage des richesses : un vote doit trancher

vendredi 13 avril 2007.
 

A moins de deux semaines du premier tour, le flot de la campagne présidentielle se resserre. C’est une loi du genre, et les médias qui s’étonnent qu’il y ait encore à cette date nombre d’indécis ont la mémoire bien courte. A moins qu’ils ne cherchent uniquement à vendre du papier. Car l’exercice obéit à des rythmes contraints. C’est toujours dans les derniers jours que le choix du pays se forme. Il faut d’abord que l’alternative se dessine. Commencée sous le signe d’une confusion maximale, la campagne s’achèvera-t-elle sous le signe d’un affrontement droite-gauche assumé ? Nicolas Sarkozy renonce à citer Jaurès, lui préférant Rivarol, et affiche ouvertement sa ligne conservatrice et ultralibérale. Ségolène Royal veut centrer sa campagne sur les questions sociales. Il est bon que cette clarification s’opère, afin que les citoyens puissent trancher une bonne fois le désaccord sur la place de l’égalité sociale et républicaine qui divise notre pays.

C’est peu dire que les médias si enclins à décrypter les tournants de la candidate socialiste n’ont guère souligné celui de Nicolas Sarkozy sur les questions sociales. Certes la réalité de son programme n’a jamais été conforme aux emprunts au lexique de gauche auxquels il se livre dans ses discours. Rien de ce que propose le candidat de l’UMP n’est de nature à contrarier ses amis du MEDEF. Mais ses propositions sur la franchise médicale annuelle constituent un brusque virage dans sa campagne. Jamais jusqu’ici il ne s’était référé de manière aussi explicite à une vieille lune ultralibérale dont la philosophie a été plusieurs fois rejetée par la majorité de nos concitoyens.

La franchise annuelle qu’il propose s’inscrit dans le prolongement des mesures prises par les gouvernements UMP-UDF en la matière : hausse du forfait hospitalier, franchise de 1 euro à la charge du patient pour une consultation simple, franchise de 18 euros pour un acte lourd. Mais elle irait bien au-delà. D’abord parce que cette franchise serait réévaluée chaque année en fonction de l’état des comptes de la Sécu. Les contradictions de Sarkozy sur son montant (il a parlé une fois de 100 euros, une autre fois de 5 euros !) n’ont en réalité guère d’importance. C’est tout le déficit de la Sécu qui serait porté à la charge des patients, inclus de futures hausses des honoraires des médecins, un coup de pouce aux bénéfices des laboratoires pharmaceutiques dont on sait qu’ils sont chers au candidat UMP, ou encore de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les entreprises. En Irlande où ce système existe, la franchise atteint ainsi les 400 euros annuels. En fait, Sarkozy propose que la hausse à venir des dépenses de santé échappe totalement à la logique solidaire de la protection sociale pour être prise en charge intégralement par les malades. Il faudra avoir de l’argent pour bénéficier des progrès de la médecine !

Ensuite, cette franchise serait globale et annuelle. C’est-à-dire que toutes les dépenses de santé situées en dessous de son montant, et cela quelle qu’en soit la nature puisque Sarkozy a précisé que la franchise portait aussi bien sur les médicaments, les examens, les consultations et l’hospitalisation, ne seraient plus remboursées. Du coup, une partie des assurés sociaux ne toucheraient plus rien de la Sécu, alors même qu’ils y cotisent. Une note de la Direction de la Sécurité sociale au ministère de la Santé estime qu’avec un tel système 27% de la population ne percevraient plus un centime de la Sécu chaque année. Elle s’inquiète à juste titre que l’attachement à la protection sociale de nos concitoyens n’en prenne un coup. Voilà qui ne dérangerait pas les libéraux qui ont échoué tant de fois à « réformer » la Sécu : il leur serait plus facile de casser la protection sociale si toute la population n’en bénéficiait pas.

Face à la droite qui tombe le masque, la gauche ne manque pas de thèmes sur lesquels affirmer un programme commun antilibéral. La défense de la Sécu en est un. Celui des services publics aussi. Rappelons par exemple que le résultat de l’élection déterminera le statut public ou privé de GDF. L’exigence d’un nouveau partage des richesses par la hausse des salaires est également portée par toute la gauche. Le premier tour détermine le second. C’est donc dans ces derniers jours aussi que le paysage des relations au sein de la gauche va se dessiner. Pour nous, c’est dès maintenant que son nécessaire rassemblement doit se construire en pointillés. En défendant dans les prochains jours ce qui rassemble toute la gauche, ses candidats dispersés prépareraient le rassemblement indispensable au second tour. Ils contribueraient également pour leur part à clarifier le choix offert au pays. D’un côté la destruction assumée des fondements de l’égalité républicaine, de l’autre le choix tout aussi clair d’une République sociale s’imposant aux lois du marché.


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