Financement de la transition écologique : les propositions de ATTAC.

jeudi 3 novembre 2016.
 

Propositions de ATTAC pour le financement de la transition écologique

Le ministère de l’Économie et des finances et le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie ont publié au mois de novembre 2013 un livre blanc sur le financement de la transition écologique.

Le 11 février 2014 l’association ATTAC publié une étude intitulée : Financement de la transition écologique : nos analyses et nos propositions.

Dans les deux premiers paragraphes , est étudié le contenu du livre blanc avec un regard critique

Le troisième et dernier paragraphe que nous reproduisons ici présente les propositions d’ ATTAC.

Source Internet : https://france.attac.org/nos-public...

3 – Les propositions.

Il nous semble préalablement nécessaire que soit pris en compte tous les travaux réalisés dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, notamment les propositions des 14 ONG [25] déjà citées, de même que notre contribution propre « La transition énergétique dans une perspective altermondialiste » [26], ainsi que les scenarii de transition énergétique réalisés par Negawatt, Global Chance ou l’Ademe au lieu des scenarii du rapport Energie 2050. Dans le domaine de l’agriculture, le scenario Afterres [27] ainsi que ses croisements avec le scenario Negawatt devraient également être pris en compte.

3-1- Pour notre part, nous sommes attachés à trois principes :

> La transition écologique est un processus social, politique et culturel qu’il faut encourager, financer et mettre en œuvre à tous les échelons territoriaux. Il s’appuie à la fois sur des politiques des États, des grandes régions (UE) et des instances internationales, et sur les initiatives décentralisées et ancrées sur les territoires des collectivités territoriales et des associations de citoyens. Les leviers économiques de la transition sont mobilisés pour assurer la justice sociale, la soutenabilité écologique et le développement de solutions appropriées.

> La transition ne pourra être financée qu’à la condition de s’accompagner d’un cadre règlementaire strict définissant ce qui est possible et ce qui ne l’est plus. Par exemple, les banques publiques devraient se voir interdire le financement des énergies fossiles, et des mesures dissuasives doivent s’appliquer aux banques privées. Faute de telles règlementations obligatoires, le financement de la transition consisterait à financer des pollutions, comme c’est le cas aujourd’hui avec le marché du carbone qui s’avère un canal immense de subventions publiques pour les entreprises polluantes. Un audit des mesures fiscales défavorables à l’environnement et l’évaluation de l’impact environnemental des aides publiques est nécessaire.

> Concernant le financement, il doit être conditionné aux résultats en matière de sobriété et d’efficacité écologique et sociale, y compris en termes de création, qualification et pérennité des emplois. Si le financement privé est nécessaire et souhaitable, il doit être orienté par un engagement de l’État. Ce dernier doit donner des signaux forts par une politique d’investissements et de financements publics, soumise aux mêmes règles de sobriété et d’efficacité. Elle suppose notamment la mise en place d’une fiscalité écologique juste, forte et redistributive.

3-2- Quels programmes ?

> Un programme d’efficacité et de sobriété énergétique ; quelques mesures essentielles : > Programme ambitieux de rénovation thermique de l’habitat avec ses propres dispositifs de financement, en incitant et en aidant les territoires à la mise en œuvre concrète. Programme de rénovation thermique du logement social ;

> Programmes d’investissement dans un bouquet d’énergies renouvelables en privilégiant chaque fois que possible les solutions locales et coopératives ;

> Programmes d’investissement dans les transports collectifs les plus « propres » et les modalités diverses de mobilité douce ;

> Un programme visant à un usage juste et soutenable des biens communs : quelques exemples de mesures > mise en place d’un principe de tarification progressive pour les biens communs essentiels, visant à diminuer les gaspillages, à diminuer la consommation tout en assurant le droit d’accès pour tous aux bien communs essentiels : accès à des services énergétiques de qualité, accès à l’eau ;

> Retour de l’eau en régie publique gérée de façon participative ;

> Politiques de récupération publique ou collective du foncier péri-urbain, sous la forme notamment de régies foncières municipales. Pour cela, des lois et des financements nouveaux s’imposent, tout comme une réorientation des aides et subventions publiques à l’opposé des lobbies agricoles dominants ;

> Un programme de relocalisation des activités > Politiques territorialisées en vue de filières « bois/forêt » régionales, développement de l’agroforesterie ;

> Promotion des circuits courts de production et consommation ; arrêt des politiques conduisant à la déterritorialisation des activités, notamment la multiplication des traités de libre-échange ;

> Politiques de réduction des inégalités de revenus, notamment par limitation des revenus les plus élevés qui engendrent des modèles de consommation particulièrement polluants ;

> Pour une véritable politique d’innovation et d’incubation sociale : construire la résilience des territoires et des populations, expérimenter, innover, mêler inextricablement savoirs scientifiques, savoir-faire, savoirs profanes et exigences citoyennes. C’est parce que la teneur et les exigences de la transition écologique et sociale dont nous avons besoin nécessitent l’implication, les savoirs, l’esprit critique et l’intelligence de toutes et tous qu’il est décisif d’encourager, déployer et décupler les trésors d’innovation sociale et citoyenne sur les territoires.

> Il paraît donc essentiel d’encourager l’implication de toutes et tous, que ce soit sur les lieux de vie, de travail ou de sociabilité. En expérimentant concrètement le monde de demain, les initiatives telles que les villes en transition, les Città slow ou les projets d’agriculture urbaine, ainsi que toutes les initiatives visant à améliorer la qualité de vie, à renforcer les liens sociaux et recréer de l’économie locale, tout en réduisant l’empreinte écologique, cherchent à construire dès aujourd’hui un monde moins consommateur de ressources, plus solidaire, démocratique et juste socialement.

> Un programme de soutien aux initiatives internationales allant dans le sens de la transition. Ceci suppose d’œuvrer dans le cadre des Nations unies pour la reconnaissance concrète d’une responsabilité historique des pays industriels dans le dérèglement des écosystèmes, d’abonder les fonds publics de financement de la transition, de soutenir des initiatives d’États ou de collectivités qui s’inscrivent dans la mise en œuvre des nouveaux paradigmes nécessaires à la transition.

3-3- Quels outils de financement ? Quelques propositions et pistes de réflexion  :

> Création monétaire (crédits publics) dédiée spécifiquement aux projets répondant aux critères d’une transition écologique et sociale efficace avec contrôle de résultats ;

> Repenser l’architecture et la finalité de la BPI et de la CDC, de manière à disposer de banques publiques pour la transition énergétique, en s’inspirant notamment de l’expérience allemande ; prévoir des banques régionales de la transition, éventuellement liées à la BPI ;

> Mise en place d’une fiscalité écologique dont le but est en même temps de permettre l’application du principe pollueur-payeur et donc de donner un tarif politique aux pollutions en vue de modifier les comportements et d’assurer un principe redistributif afin d’assurer la lutte contre les inégalités ou les exclusions dans l’accès aux biens communs essentiels. Il s’agit notamment de pollutaxes qui reportent les coûts supportés par la collectivité sur les pollueurs ;

> Favoriser et faciliter les différentes modalités de financement citoyen ou participatif

> Mettre fin au marché du carbone d’ici 2020 : dans un premier temps, fixer un prix minimum pour la tonne de carbone correspondant aux études indiquant le prix minimum pour être incitatif (de 30 à 100 euros la tonne de carbone selon la commission Quinet de 2008) interdiction des dérivés du carbone et de la compensation carbone ; paiement des quotas d’émission pour toutes les entreprises relevant du marché du carbone ; agir pour la mise en place au niveau européen d’une taxe carbone ;

> Concernant la biodiversité, tout comme pour émissions de gaz à effet de serre, la compensation ne peut être érigée en principe et encore moins en principe sous-tendant l’évaluation marchande des services écosystémiques. Conformément à la loi de 1976 concernant les projets d’aménagement du territoire, les démarches pour les choix d’infrastructure doivent suivre la démarche : éviter, réduire, compenser ; dans ce cas la compensation n’intervient, dans le cadre de politiques publiques, que pour gérer les résidus et conséquences inévitables et ne suppose en aucun cas la mise en place de banques de compensation ou autres mécanismes de financiarisation de la nature. Dans cet esprit, les grands projets liés aux transports (aéroports, LGV) au commerce (surfaces commerciales géantes) à l’agriculture industrielle (barrages, fermes géantes de type industriel) doivent être revus et supprimés pour nombre d’entre eux.

> Dans le but d’aboutir à une relocalisation des activités et de réduire le poids des transports (consommation d’énergie et émissions), une taxe sur les produits calculée en fonction des kilomètres parcourus devrait être étudiée et mise en place de manière à favoriser les économies locales et à donner un coût aux délocalisations et aux stratégies industrielles globales qui appauvrissent les travailleurs et saccagent la planète.

> Mise en place d’une Taxe sur les transactions financières au niveau européen, dont les résultats pourraient pour partie financer des projets européens de réduction de la consommation d’énergie et de lutte contre la précarité énergétique, financer des transitions industrielles.

Conclusion

En l’état, ce Livre blanc sur le financement de la transition écologique nous paraît traduire l’abandon d’une politique de transition écologique à la hauteur des enjeux. Si les menaces analysées dans ce rapport sont prises au sérieux, il faudra autre chose qu’un accompagnement du marché et du secteur privé pour en venir à bout. Comme dans d’autres domaines, des expériences sociales témoignent à la fois d’une conscience et d’une capacité d’agir en avance sur celle de l’État ou du marché. Nous savons que ce n’est pas suffisant pour faire face aux catastrophes possibles et à venir. Telle est la raison de notre réponse à cette enquête.


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