Lettre ouverte aux communistes sur la nécessité de la candidature Jean-Luc Mélenchon

jeudi 10 novembre 2016.
 

Chers camarades,

Depuis 9 mois la candidature de Jean-Luc Mélenchon, annoncée par celui-ci en février 2016, fait débat chez les militants communistes, que ce soit au sein du PCF, ou au sein des organisations communistes extérieures au PCF.

Dans ce débat, il nous semble que bon nombre de militants oublient l’objectif principal qui doit nous guider : être utile aux masses, être utile au développement de la lutte de classe.

Or quels sont les besoins des masses aujourd’hui ? Il s’agit de résister à la broyeuse libérale antisociale pilotée par le MEDEF et le gouvernement PS, sous la férule de l’Union Européenne. Il s’agit d’exprimer politiquement le rejet des politiques libérales, austéritaires, antisyndicales, racistes, guerrières, qui pavent la voie au fascisme. Il s’agit, plus spécifiquement, de dénoncer et battre ce parti de trahison sociale qu’est le PS, lequel parti passe encore, aux yeux de millions de gens, pour être de « gauche », c’est-à-dire, dans l’esprit commun, pour être un parti se plaçant « du côté des travailleurs et de la justice sociale ».

Or le rejet populaire des politiques libérales (dont par exemple le rejet de la loi El Khomri, qui a aggravé le fossé avec le PS) et le rejet des politiciens y compris corrompus (cf. Cahuzac) qui incarnent ces politiques – rejets qui s’expriment en partie dans l’abstention aux différentes élections – peuvent s’exprimer aujourd’hui positivement par un vote de masse en faveur d’un candidat en capacité de briser la domination politique du PS sur la « gauche ». Le verrou du bipartisme « gauche/PS » contre « droite », qui alimente le FN (dénonciateur de « l’UMPS »), peut sauter par le vote Mélenchon, ce qui ouvrira ainsi un espace politique aux forces révolutionnaires.

Battre le PS

Militer pour le vote Mélenchon à la présidentielle, et viser qu’il passe devant le candidat PS, c’est travailler à défaire l’hégémonie du PS et donc du coup favoriser l’alternative à sa gauche. Jean-Luc Mélenchon est certes un social-démocrate de gauche, mais il représente de fait la séparation en cours entre les libéraux et les antilibéraux (forcément inconséquents) au sein de la social-démocratie. C’est un processus objectif produit par l’aggravation de la crise du capitalisme, ses conséquences sur les masses et la montée de la menace fasciste. De larges couches de la société, notamment des couches dites moyennes soutiens traditionnels de la social-démocratie, sont touchées par la crise du système capitaliste, par la gestion libérale de celle-ci, et rentrent en opposition avec le système et les partis qui le défendent. Mélenchon est le reflet et le catalyseur de ce processus, processus qui a atteint aujourd’hui un stade tel que la social-démocratie libérale (le PS) peut perdre son hégémonie sur la « gauche ».

Les forces communistes doivent rompre avec le PS pour participer à ce front de résistance mené par Mélenchon, l’adversaire du moment du PS. Si demain nous voulons aller plus loin, obtenir des changements plus décisifs, il convient de commencer d’abord, avec Mélenchon, de mettre à bas la domination de la social-démocratie libérale.

Etre un pas en avant des masses, ce n’est pas se couper d’elles

Certes Mélenchon n’est pas communiste, mais ce n’est pas cela qui est posé dans une démarche de front. Chavez au Venezuela ne l’était pas plus, mais cela n’a pas empêché le Parti Communiste Vénézuélien de le soutenir, lui et son « Mouvement pour la Vème République ».

Ce qui importe, c’est l’objectif commun, et il faut mettre en avant la personnalité la plus capable de faire progresser le front en direction de cet objectif, voire d’atteindre l’objectif.

D’aucuns diront qu’il n’y a pas réellement de « front », en ce sens que la « France Insoumise » - puisque tel est le nom de la structure qui soutient sa campagne- n’est pas un front constitué de différents partis, comme pouvait l’être le « Front de Gauche ». Mais s’arrêter à cela n’est que s’attacher à la forme, au détriment du fond, qui doit primer : qu’importe si la « France Insoumise » n’est qu’un mouvement construit autour du PG, ce qui nous intéresse c’est le sens et l’objectif de cette campagne, et ce que représente Mélenchon pour de larges masses. Or il incarne bien la résistance populaire actuelle, ce qu’illustrait par exemple la présence sur le plateau de la Convention programmatique à Lille de représentants des principales luttes sociales du moment ; et le mouvement ouvrier et populaire passera de la défensive à l’offensive en soutenant et promouvant cette candidature.

Marx disait dans Le Manifeste que « les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers. (…) Ils sont la fraction la plus résolue des partis ouvriers » ; « Dans les différentes phases que traversent la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité ».

Il faut bien comprendre par là que les communistes, tout en ayant leur propre organisation qui ne se dilue jamais (tout comme le PC vénézuélien ne se dilua pas dans le PSUV), sont partie prenante des différentes phases du combat mené par les travailleurs, tout en continuant à viser plus loin. Ainsi, ouvrir le chemin ultérieur vers la révolution, dans le contexte actuel de régression sauvage et de menace fasciste, c’est aujourd’hui bâtir un solide front de résistance aux attaques libérales et surmonter la domination politique de la social-démocratie libérale.

Programme minimum et programme maximum

Dire qu’il faut un « programme communiste » pour cette élection présidentielle, et critiquer le programme de Mélenchon à cette aune-là, n’est pas une approche juste : le « programme » pour une candidature à une élection présidentielle est nécessairement un « programme minimum » qui correspond aux besoins immédiats de la lutte des masses et qui peut mettre en mouvement ces masses, et non pas le « programme maximum » qui est le programme de la révolution et de la construction de la société socialiste étape vers le communisme. Lénine et les bolchéviks, en 1917, réclamaient la paix et la terre, mesures qui, en soi, n’étaient pas « communistes » : la distribution de la terre aux paysans était même une mesure démocratique bourgeoise, mais c’était la mesure qui correspondait aux besoins du moment des masses paysannes sans terre.

Il ne faut donc pas rejeter le programme de Mélenchon en le déclarant « non-communiste », ce qui n’a pas grand sens, mais le prendre pour ce qu’il est (un programme immédiat qui correspond aux besoins immédiats de la lutte de classe), un programme même assez avancé sur la question européenne par exemple, ce qui n’empêche qu’il peut être et doit être critiqué (dans un esprit constructif) et amélioré pour qu’il réponde au mieux aux besoins immédiats des masses. Mais mettre cela en avant, critiquer tel ou tel aspect du programme (alors que le programme du PCF par exemple est tout aussi critiquable) pour refuser de soutenir Mélenchon est tout simplement un prétexte pour ne pas répondre à la question décisive qui est le besoin objectif des masses de sanctionner dans les urnes le PS libéral, de se défendre et d’aller à la contre-offensive avec la candidature Mélenchon.

Sur la question de la « candidature communiste »

Il en est de même de la notion de « candidature communiste ». Nous comprenons la volonté de militants qui souffrent de la dérive réformiste et opportuniste de leur Parti de vouloir absolument retrouver une « identité communiste » menacée et de vouloir porter une « parole communiste » dans cette campagne. Mais il y a là une confusion : tout d’abord une candidature portée par le PCF ne sera pas, ipso facto, une « candidature communiste », mais simplement une « candidature PCF », sauf à vouloir attribuer au terme « communiste » simplement la signification usuelle de « membre du PCF ».

Ensuite, à supposer que le candidat choisi soit réellement communiste (et pas un simple social-démocrate travesti en communiste comme l’est Pierre Laurent), cette candidature n’en sera pas plus efficace dans la lutte de classe, au vu de l’objectif atteignable du moment qui est de contester et même battre la domination du PS. Car aujourd’hui l’enjeu est bien d’être en capacité d’exprimer la révolte populaire et de battre le PS, et Mélenchon – l’homme qui a déjà obtenu 4 millions de voix sur son nom en 2012 et qui a une très forte popularité au sein du peuple de gauche – est le seul aujourd’hui en capacité d’atteindre cet objectif, qu’on l’aime ou pas, qu’on le veuille ou non. Il nous faut le meilleur candidat capable de porter ce programme immédiat ; c’est l’objectif qui détermine le candidat. Tout comme, dans un syndicat, celui qu’on choisit comme dirigeant, est celui qui est le meneur, le plus à même de faire avancer la lutte et le camp des travailleurs. Alors oui, souvent, ce meneur peut être justement un militant communiste, et c’était souvent le cas quand le PCF était authentiquement communiste et composé principalement de militants ouvriers très engagés.

Mais c’est de moins en moins le cas, et cette élection présidentielle n’est au fond que le révélateur de 40 ans de dérive opportuniste et de liquidation du PCF : ce n’est pas Mélenchon qui liquide le PCF, c’est au contraire la liquidation du PCF qui amène Mélenchon (et, soit dit en passant, le « tout sauf Mélenchon » ne pourra par conséquent « traiter le mal »).

Il y a 35 ans, même avec ses défauts, le PCF était encore capable d’avoir un Georges Marchais tribun du peuple capable de fédérer au-delà des rangs du PCF. Aujourd’hui, c’est un Mélenchon, socialiste de gauche, qui joue ce rôle-là. Il faut le voir.

D’aucuns s’illusionnent, estimant qu’il suffirait de la désignation d’un « candidat communiste » doté d’un « programme communiste » pour reprendre, de facto, une position dirigeante dans le mouvement ouvrier et populaire, contre la social-démocratie. Seulement, le fait pour les communistes d’être l’avant-garde des fronts anticapitalistes, antifascistes et anti-impérialistes n’a jamais été acquise « de droit », mais a toujours résulté d’un travail de terrain acharné. Chemin faisant, les communistes avaient acquis une place incontournable dans le mouvement ouvrier et populaire. Aujourd’hui, nous devons acter nos reculs pour préparer l’avenir, et non les nier en nous contentant de réaffirmer nos succès d’hier.

D’autres camarades, plus lucides face à la situation, mais arc-boutés sur la nécessité d’avoir un « candidat communiste », en viennent à définir d’autres objectifs pour cette campagne présidentielle, reproduisant sans s’en rendre compte les postures traditionnelles des organisations trotskistes : il s’agit alors d’avoir un « candidat communiste » coûte que coûte, simplement pour « porter la parole communiste », simplement pour témoigner finalement. Que le mouvement communiste en soit réduit à cela est une régression.

Certains cherchent à justifier cela par une perspective à long terme : « qu’importe si le score est faible, au moins on aura sauvegardé notre existence et notre indépendance et on pourra continuer à construire demain ». Mais cela signifie sacrifier la possibilité de victoire immédiate contre la social-démocratie libérale qui ouvrira une respiration et un espace au mouvement ouvrier et, ce faisant, aux forces révolutionnaires ; c’est diviser la résistance au PS incarnée par Mélenchon et, de facto, c’est favoriser le PS. C’est aussi ne pas prendre la mesure du danger fasciste et de la nécessité de faire émerger un pôle jouant à armes égales avec les partis traditionnels PS/ droite de la bourgeoisie, permettant d’attirer les déçus et autres travailleurs dégoûtés de l’alternance libérale eurocratique PS/droite.

Sur la question des législatives

Souvent hélas, il y a surtout des calculs d’appareil dans cette volonté d’avoir absolument un « candidat communiste », en liant cette campagne présidentielle, même avec un score faible, aux législatives à venir, enjeu décisif (au-delà de la question du groupe parlementaire) pour l’accès au financement public pendant 5 ans. Aux pragmatiques qui diront que l’argent est le nerf de la guerre et qu’il est politiquement essentiel de sauvegarder un groupe de députés à l’Assemblée, nous dirons que rien de tout cela n’est en réalité impossible avec la France Insoumise. Mais qu’à force de traîner, cela devient certes plus difficile. En fait, à force de rester arrimé au PS pour avoir des « députés communistes », on finit par tout perdre et, finalement, seul le FN, parti fasciste, en profite.

Si Mélenchon a annoncé que la France Insoumise désignerait 577 candidats aux législatives, il faut le lire en miroir du travail que fait actuellement le PCF pour désigner aussi 577 candidats. Donc là n’est pas la question. Et il ne faut pas en déduire que Mélenchon est prêt à faire battre des députés sortants du Front de Gauche, rien ne permet de l’affirmer. Ce n’est d’ailleurs pas son intérêt. La question clef qui permettra d’ouvrir une discussion/négociation, c’est bien entendu la question des présidentielles, qui est la bataille cruciale. Il est logique de concevoir que les élections législatives, qui auront lieu 5 semaines après la présidentielle, se fassent en lien avec elle.

Conclusion : sachons saisir une opportunité historique !

Chers camarades,

En 2012, face à la droite au pouvoir, le PS se présentait comme « force principale d’opposition de gauche ». Le « Front de Gauche », avec Mélenchon comme candidat, émergeait en montrant aux yeux de larges masses qu’il y avait une « autre gauche » plus combative, qui voulait s’en prendre réellement aux maux de cette société. 4 millions de voix (11%) se sont portées sur Jean-Luc Mélenchon, retrouvant un score inédit pour une candidature à la gauche du PS.

Aujourd’hui, après 5 années de destruction accélérée des conquis sociaux et démocratiques par un gouvernement PS clairement à la solde du MEDEF et de l’Union Européenne, nous avons la possibilité avec Mélenchon de passer une étape supérieure, celle de surpasser électoralement le PS, décrédibilisant nettement ce Parti et permettant ainsi d’ouvrir un nouveau chemin pour les forces progressistes.

Mélenchon futur Tsipras ou Mitterrand ?

D’aucuns ont l’exemple grec à la bouche pour indiquer que dépasser la social-démocratie, voire prendre le pouvoir, n’est pas en soi un gage de succès pour les travailleurs si à l’arrivée c’est une trahison à la Tsipras qui nous attend. La référence à Mitterrand est aussi faite.

A cela nous répondrons que les combats que l’on mène, on n’est pas sûr de les gagner, mais que les combats que l’on ne mène pas sont perdus d’avance.

Mais il faut avoir perdu le sens des réalités pour faire la fine bouche sur le besoin de devancer toute candidature du PS alors que le mouvement ouvrier est à ce point sur la défensive, qu’il subit des coups très durs (voir notamment la très forte répression antisyndicale), et que les travailleurs ont tout simplement besoin de souffler, de relever la tête. Toute avancée sur le front électoral de Mélenchon sera vécue par des millions de gens comme une bouffée d’oxygène, doublée d’une saine satisfaction si le PS est à terre, dépassé. Ce sera un puissant moteur permettant à la classe ouvrière de reprendre confiance en elle, voire de repartir à l’offensive.

Comparaison n’est pas raison. Chaque contexte politique est différent. Mitterrand voulait « plumer la volaille communiste » ; aujourd’hui voter Mélenchon, c’est « plumer la volaille socialiste » !

A quoi cela servira-t-il, demandent encore certains, si, au final, c’est pour terminer 3ème de la présidentielle derrière la droite et le FN ? A cela nous répondons que briser la domination du PS sur la « gauche » est en soi un objectif, puisqu’il permettra ensuite une reconstruction de cette gauche dans laquelle le mouvement communiste pourra jouer un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui, à condition bien sûr que nous sachions nous rassembler dans et hors du PCF contre l’opportunisme.

Mais un tel questionnement interroge. Est-ce à dire que pour certains il faille absolument trouver l’équation permettant à la « gauche » (mais quelle gauche ?!) de se trouver au second tour. Car, mis à part Mélenchon lui-même (que certains analystes, encore rares bien sûr, situent même à cette deuxième place), envisager un « candidat de gauche » au second tour de la présidentielle ne peut que vouloir dire soutenir un candidat issu du PS. Or c’est précisément cela que le peuple ne veut pas : faire croire qu’il y a une différence entre la social-démocratie libérale incarnée par le PS et la droite libérale.

Pour en finir avec la social-démocratie libérale, il faut choisir Mélenchon !

A moins que…. le secret espoir de certains (et notamment à la direction du PCF) soit que ce soit un « frondeur » qui gagne la « primaire du PS », un Montebourg par exemple (qui semble le mieux placé des frondeurs). Auquel cas cette direction du PCF jugerait « plus facile » de faire accepter le ralliement du PCF dès le premier tour à ce candidat du PS frondeur. Cela ne serait alors qu’une tentative inacceptable de sauver le PS dans le vain espoir d’avoir un retour d’ascenseur au moment des législatives.

Montebourg représente l’illusion d’une « critique de gauche » au sein du sérail. Le « Ministre liquidateur de Florange », qui a soutenu l’arrivée de Valls au poste de premier ministre, peut difficilement être présenté comme un opposant de gauche, radical, permettant d’ouvrir une alternative. Sa seule fonction est de capter des voix au détriment de Mélenchon pour tenter de sauver le PS ou tout au moins de limiter les dégâts. Non, il n’y a pas d’échappatoire possible, la seule alternative aujourd’hui, c’est Mélenchon.

Toute tentative de trouver un autre candidat, par la « gauche » (candidature « communiste ») ou par la « droite » (candidature PS « frondeur »), que ce soit dès aujourd’hui ou demain après avoir attendu les résultats de la « primaire du PS », ne peut qu’affaiblir le principal adversaire de gauche du PS qu’est Mélenchon et, ce faisant, ne peut que favoriser le PS et renforcer sa domination.

Nous appelons donc à soutenir la candidature et à voter Mélenchon. C’est travailler à se débarrasser de la plaie libérale anti-populaire de la gauche du capital qu’est le PS.


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