Maroc : Le roitelet, le violeur et la benne à ordures

dimanche 6 novembre 2016.
 

Au Maroc, depuis plusieurs jours, des manifestations de masse ont lieu dans plusieurs villes. Moins d’un mois après la mascarade électorale largement boycottée, le peuple reprend le chemin de la rue.

L’élément déclencheur aurait pu être un simple « fait divers » : un vendeur de poisson, Mouhsine Fikri, âgé d’une trentaine d’années, a vu ses biens confisqués par la police, le privant ainsi de son gagne-pain, en dehors de toute procédure légale. Cherchant à les récupérer dans la benne à ordures, il a été broyé sur l’ordre, semble-t-il, des mêmes agents d’autorité.

Comme pour Mohamed Bou’azizi en Tunisie en décembre 2010, cet événement, largement diffusé sur les réseaux sociaux, est apparu comme le symbole d’un système qui broie les pauvres à tous les niveaux, ainsi que du sentiment d’impunité qui règne dans les services répressifs et de l’arbitraire généralisé. Un fait, parmi des centaines d’autres, qui dévoile le vécu des classes populaires et d’une guerre sociale menée à leur encontre.

Les manifestations largement spontanées se répandent comme une tâche d’huile. Les initiatives du pouvoir : visite du ministre de l’Intérieur à la famille du défunt, commission d’enquête etc…ne calment pas la colère accumulée. La population d’al Hoceima où les événements se sont déroulés, garde la mémoire des jeunes assassinés lors de la mobilisation du Mouvement 20 Février dans la même ville, pour qui aucune justice n’a été rendue, cinq ans après.

Les mots d’ordres sont plus incisifs : dans de nombreuses villes, le makhzen (en référence au système administratif et politique sur lequel s’appuie la monarchie) et le pouvoir central sont ouvertement contestés.

Au même moment, le roi Mohamed VI offre son aide financière pour les frais de justice et conseille même des avocats au chanteur Saad Lamjarred, décoré par lui, et mis en examen pour « viol aggravé » à Paris vendredi 28 octobre. Le « Roi des pauvres » qui viole les droits du peuple et défend les violeurs présumés apparaît pour ce qu’il est : non pas au-dessus de la mêlée, mais le sommet d’un édifice policier, anti-populaire, institutionnalisant la « Hogra » (« l’arbitraire »), la violence sociale et les discriminations.

A une semaine de l’ouverture des travaux de la COP 22, la situation est potentiellement explosive. D’ores et déjà, l’image d’un régime stable, engagé dans la transition démocratique, garant de la paix sociale et des droits a volé en éclats...

Montreuil, le 2 novembre 2016


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