Cazeneuve éteint la fronde au PS

lundi 19 décembre 2016.
 

Tous derrière Cazeneuve. Les soutiens de Macron, de Montebourg et de Hamon à l’Assemblée nationale se sont bousculés en rangs serrés à ses côtés ! J’avoue que je ne comprends pas.

C’est pourtant le résultat du vote de confiance ce mardi 13 décembre à l’Assemblée nationale. Le résultat est sans appel au sein du groupe PS : tous les députés ont voté pour la confiance. Sauf une abstention à remarquer, celle de Barbara Romagnan ! Sans doute a-t-elle eu à l’esprit la voix de Rémy Fraisse et d’Adama Traoré. Ou les cris des copains réprimés dans les manifestations contre la loi El Khomri. Comment comprendre que les frondeurs et les macronistes donnent leur confiance à quelqu’un qui annonce vouloir appliquer cinq mois de plus la politique définie par Valls alors même qu’ils font de sa critique l’axe de leur campagne interne des primaires. J’y vois un effet Peillon : le retour à un soutien au bilan du quinquennat saupoudré de critiques de bon aloi (personne n’est parfait n’est-ce pas ?). Les concurrents ont vu l’habile philosophe occuper un espace légitimiste dont ils pensaient qu’il n’existait plus. Mais il se trouve que Peillon a été très favorablement reçu par les légitimistes du PS. Ceux-là assument le bilan sans vouloir se donner à Valls qu’ils considèrent comme le responsable des plus gros dégâts du quinquennat. Ils n’ont pas fini de tergiverser. Car ils n’ont rien vu. La remontée dans les sondages du président culbuto, l’affectation suave du premier ministre à l’unanimité, vont bientôt faire merveille. Dans ces rangs génétiquement pusillanimes c’est évidemment autant de nouvelles sidérantes.

Soit, il n’y a plus de frondeurs. Et à l’autre bout du groupe PS ? Tous les députés qui soutiennent Emmanuel Macron ont soutenu de même le nouveau gouvernement. Richard Ferrand, Stéphane Travert, Corinne Erhel, Arnaud Leroy, Christophe Castaner…, tous sont donc « en marche » avec Hollande et Cazeneuve pour finir le quinquennat !

Pourtant au risque de gâcher l’ambiance, rappelons que Bernard Cazeneuve est un symbole de bien des renoncements majeur de ce quinquennat. Bien sûr, son devoir de ministre de l’Intérieur dans le contexte des attentats le protège de toute polémique même loyale. Il a pourtant été de tous les mauvais coups de Hollande depuis 2012 et même avant ! C’est même lui que Hollande a utilisé chaque fois qu’il y avait une basse besogne à faire. En 2011, c’est déjà lui qui sabotait l’accord PS-EELV à propos de la transition énergétique en défendant la poursuite du combustible nucléaire « Mox ». Les députés EELV n’ont pas eu l’air de s’en souvenir lors du vote de confiance puisqu’ils se sont abstenus.

Sitôt après la victoire de Hollande en 2012, c’est Bernard Cazeneuve qui est nommé ministre des Affaires européennes. Hollande avait promis de renégocier le traité signé par Sarkozy. Cazeneuve reçoit la consigne ne rien renégocier et de faire voter à l’Assemblée tel quel le traité Merkel Sarkozy. Après le départ contraint de Cahuzac, c’est Cazeneuve qui hérite du ministère du budget. Il va se charger de passer par-dessus bord une autre grande promesse de Hollande « mon ennemi c’est la finance ». Fume ! Cazeneuve fit le contraire à chaque occasion. Et notamment en refusant la taxation des transactions financières achat vente réalisées dans une même journée par le trading à haute fréquence, une pratique spéculative pure ! Arnaud Montebourg et Benoît Hamon font campagne en dénonçant les renoncements de François Hollande sur ces sujets mais ils votent la confiance à l’exécutant de ces renoncements ! Non je ne comprends pas. Un vote positif dans ce contexte : quel sens cela a-t-il ? Les élus communistes ont voté contre la confiance. Mais je ne dis pas que les frondeurs pouvaient franchir ce « Rubicon » et qu’ils auraient pu eux aussi voter contre. Quoique la façon avec laquelle Hollande a lâché le PS aurait pu les conduire à penser qu’eux-mêmes pouvaient bien le lâcher à leur tour aussi. Mais au moins s’abstenir pour marquer la limite de cette stupéfiante amnistie.

Et en tant que ministre de l’Intérieur aussi, le bilan de Bernard Cazeneuve est loin d’être aussi glorieux que le prétendent ses admirateurs transis ! C’est sous son autorité qu’est mort Rémi Fraisse à Sivens. Cela n’a aucune conséquence ? C’est sous autorité qu’est mort Adama Traoré lors d’une arrestation. Ça ne compte pas ? Et c’est Bernard Cazeneuve qui a été une nouvelle fois envoyé au charbon par Hollande pour faire réprimer si durement les manifestations contre la loi El Khomri au printemps dernier. C’est enfin lui qui a pesé de tout son poids pour que l’état d’urgence décrété le 13 novembre 2015 soit systématiquement prolongé depuis cette date. Quel symbole de voir que, sitôt nommé Premier ministre, Bernard Cazeneuve a la charge de faire adopter un projet de loi prolongeant l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet prochain, plus de 18 mois après les attentats ! Décidément, il y avait bien des raisons de ne pas voter la confiance au gouvernement Cazeneuve. Mais personne n’y a pensé parmi ceux qui auraient dû le faire. Finalement, peut-être que Cazeneuve devrait se présenter à la primaire pour rassembler tous ceux qui ont gouverné ensemble depuis 2012 ?

La primaire du PS ressemblait déjà à un congrès du PS comme je l’ai dit à TF1 ce jeudi 1er décembre. Si la formule est reprise dans plusieurs médias comme « France2 » et « Le Monde » c’est parce qu’elle fonctionne comme l’énoncé d’une évidence. Mais en fait, le rabougrissement est plus profond. L’affiche en atteste : tous les principaux candidats sont issus du même courant, l’ancien « Nouveau PS » : Hamon, Montebourg, Valls et désormais Peillon ! Ajoutez à cela les étranges manœuvres de Jean-Christophe Cambadélis et on obtient tout ce qui exaspère dans la caricature du PS en congrès ! Car c’était vraiment la touche finale d’exclure de la primaire des candidats qui voulaient y participer tout en faisant mine de supplier ceux qui ne veulent pas y participer de venir mettre leur nom sur l’affiche pour attirer le public !

Dans ces conditions il est évident pour moi que le débat de la présidentielle n’est plus là. Le débat, il est avec M. Fillon et Macron. Pour ou contre la Sécurité sociale ? Pour ou contre les services publics ? Pour ou contre les 35 heures et la durée légale du travail ? Pour ou contre l’uberisation du travail ? Les reniements et les renoncements de Hollande et son équipe ont ouvert la voie au projet de coup d’Etat social de François Fillon. Pour y faire face, il faut ouvrir un autre chemin et choisir un autre candidat que ceux qui ont fait le lit de Fillon et de Le Pen depuis 2012. La primaire PS fonctionne à cette étape comme une diversion.

Pourtant la pression sur moi des milieux socialistes ne se relâche pas. Je comprends la manœuvre destinée à me faire porter le poids de leur élimination au second tour. Mais je sais aussi qu’il y a bien des personnes honnêtes qui voudraient bien que j’y participe. Elles sont dans l’espoir d’une réconciliation générale, comme si tout cela était juste un mauvais rêve, un malentendu et non une divergence de ligne qui court depuis dorénavant depuis 2005 et le vote sur la constitution européenne. Et puis je veux insister sur le devoir de loyauté que contient la participation à toute élection : il faut se soumettre à son résultat. Participer à la primaire serait totalement déloyal de ma part. Comment pourrais-je participer à une primaire en n’étant prêt à accepter le résultat que s’il me convient ? A l’inverse, personne ne peut imaginer que Manuel Valls ou Vincent Peillon soutiendraient ma candidature si je participais à cette primaire et la remportait. Nous sommes en désaccord sur beaucoup trop de points essentiels.

Certes j’ai bien noté le changement de ton à mon égard de nombre des candidats socialistes. Je le reçois positivement. Nul besoin de se taper dessus dans une mêlée confuse. Personne n’y gagne rien. Mais cela n’efface pas le fond du problème. Arnaud Montebourg et Benoît Hamon se disent en désaccord avec moi sur la question européenne. C’est une question essentielle pour les années qui viennent. Surtout quand on voit le sort réservé à la Grèce en 2015, le Brexit et les renoncements de Hollande sur le sujet. Je veux sortir des traités européens, aucun d’eux n’accepte de discuter de cette option. Montebourg et Hamon en font même le thème principal de divergence quand ils sont interrogés à mon sujet. Peut-être n’est-ce qu’une ruse de langage de leur part. Quand Montebourg dit qu’il refuse de sortir des traités européens mais propose d’en rédiger un nouveau, on se pince pour trouver la différence avec notre méthode « plan A et plan B ». Mais peut-être Montebourg veut-il dire que dans le cas ou lui serait refusé ce nouveau traité il ferait comme Tsipras : il cèderait.

Si je suis prêt ici à accorder le bénéfice du doute, ailleurs les différences sont plus nettes cependant. Aucun des candidats à la primaire n’est d’accord pour proposer une Assemblée constituante qui est le point numéro un de mon programme. Aucun n’est d’accord pour sortir du nucléaire. Aucun ne propose d’augmenter le SMIC. Aucun ne veut rétablir la retraite à 60 ans. Aucun ne propose de créer un droit de préemption pour les salariés en cas de vente de leur entreprise. Aucun ne propose de sortir de l’OTAN. À quoi rimerait alors de « se rassembler » après la primaire derrière le vainqueur quel qu’il soit ? Sur quel programme ? Pour faire quoi ? Ce serait juste une combine politicienne sans convictions. Cela dégouterait et découragerait tous ceux qui me font aujourd’hui confiance justement parce que j’ai tenu bon et que je ne marchande pas le droit de présenter notre programme au pays. Nous sommes en désaccord avec le Parti socialiste, son bilan et son projet.

Je comprends et j’approuve que l’on sache changer d’avis devant les faits plutôt que de se murer dans l’obstination. Mais comment font les candidats à la primaire pour ne pas penser qu’il faut accepter dans la vie des fois de passer son tour compte tenu du changement de pied à opérer. Car entre ce qu’ils ont fait il y a moins de quatre ans et ce qu’ils disent l’écart est immense. Comment peuvent-ils croire que tout le monde va l’oublier ? Ils espèrent que l’abdication de Hollande effacera leurs bilans personnels d’un coup d’ardoise magique ! C’est qu’entre 2012 et 2014 : Valls, Peillon, Hamon, Montebourg étaient tous ministres, et Macron dans la cabine de pilotage ! Tous ministres de Hollande pour ratifier le traité budgétaire européen. Tous ministres de Hollande pour accepter le bouclier anti-missile de l’OTAN en Europe. Tous ministres de Hollande pour décider le crédit d’impôt compétitivité (de 20 milliards d’euros) offert au MEDEF sans aucune contrepartie. Tous ministres de Hollande pour augmenter la TVA le 1er janvier 2014 pour financer ce cadeau au MEDEF. Ils étaient tous ministres de Hollande pour allonger la durée de cotisation pour la retraite de 41,5 à 43 ans. Tous ministres aussi pour faire voter l’ANI, accord national interprofessionnel autorisant les accords de compétitivité dans les entreprises, c’est-à-dire institutionnalisation le chantage à l’emploi. Je ne le dis pas pour autre chose que pour ceci : en conviennent-ils ? Ont-ils fait le bilan ? Regrettent-ils ? Sont-ils conscients de l’erreur terrible que ce fut cette politique ?

Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont beau jeu maintenant de critiquer la posture de Manuel Valls. Ce n’est pas ce qu’ils disaient en mars 2014. Ils ont fait des pieds et des mains pour éjecter Jean-Marc Ayrault de Matignon et faire nommer Manuel Valls à sa place ! Pourquoi ? Que pensaient-ils obtenir de cette révolution de palais ? Pas un changement de politique économique puisqu’à l’époque, ils ont tous les deux soutenu l’annonce et le principe du « pacte de responsabilité » et ses 21 milliards d’euros de cadeau supplémentaire au MEDEF. C’était contenu dans le discours d’investiture de Valls. L’ardoise totale des 41 milliards d’euros de cadeau annuel a été décidée quand Hamon et Montebourg étaient ministres. Et d’ailleurs Arnaud Montebourg s’en réclame encore régulièrement ! Enfin, faut-il rappeler que ni Benoît Hamon, ni Arnaud Montebourg n’ont appelé à voter la censure avec la droite contre la Loi El Khomri alors qu’ils pouvaient empêcher l’adoption de cette loi scélérate ? Benoît Hamon a signé pour une motion de censure de « gauche » mais n’a pas voté la seule motion de censure finalement déposée. Quelle confiance lui faire pour ne pas avoir la main qui tremble demain ?

Vont-ils répondre à ces questions dans le débat de la primaire ? C’est important qu’ils le fassent. Il y va des regroupements que leur génération devra faire dans un futur peut-être plus proche qu’ils le croient. Mes lignes ne sont donc pas faites pour dénoncer ou stigmatiser mais pour demander une clarification. Le pays a trop payé les « synthèses pourries » et les programmes sans lendemain. Il ne faut pas me proposer « un accord de gouvernement commun » comme le fait Montebourg aujourd’hui avant d’autres j’en suis certain, et croire que cela vaudra certificat de bonnes mœurs. Je le dis en me réjouissant de voir qu’il ait renoncé à dire et à faire dire par son porte-parole qu’on ne pouvait rien faire de moi compte tenu de ma « radicalité » et de mon « isolement ».

Mais il faut d’abord respecter la force immense qui s’est regroupée autour de ma candidature. Cette force est faite de femmes et d’hommes lucides, informés et très exigeants pour toutes ces raisons. Nous ne participerons pas à cette primaire qui est de bout en bout une erreur totale d’évaluation des besoins de ce moment politique. Nous tendons la main à tous ceux qui veulent participer au défi que nous lançons. Nous avons choisi le chemin le plus simple et donc le plus difficile : tenter de convaincre un électorat suffisant pour atteindre le niveau ouvrant le deuxième tour. C’est notre but : amener au deuxième tour de l’élection un programme de transformation profonde de la vie des gens d’ici et le mettre en œuvre appuyés sur une masse de gens conscients et mobilisés. Quant à l’issue d’une primaire de chiens, un grand nombre verra que le vote PS est devenu un vote inutile, il se demandera quel est alors le vote nécessaire. Je sais qu’une partie non négligeable fera le choix du centre, Macron ou Bayrou. Une autre se sentira obligée de partager le naufrage. Mais une bonne part fera le choix de la fidélité à ses principes. Ceux-là voudront être dans l’action et voudront eux aussi forcer le destin. Ils feront le choix du vote nécessaire. Ils sont les cinq ou six points de pourcentage qui peuvent faire la différence. Les socialistes de la base peuvent jouer un rôle décisif. En utilisant notre bulletin de vote.


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