Des dirigeants kurdes de Syrie et de Turquie proposent le confédéralisme démocratique comme solution à la crise au Moyen-Orient

mardi 24 janvier 2017.
 

Pendant que la guerre déchire la Syrie, l’Irak, et maintenant la Turquie, certains pensent à la paix et la préparent. C’était le cas, vendredi dernier, où on réfléchissait à l’avenir du Moyen-Orient, cent ans après les accords Sykes-Picot (1). Comment panser les blessures séculaires de ce découpage colonial qui ne tenait aucun compte de la volonté des peuples de la région et explique en grande partie la violence qui y règne  ?

Deux personnalités kurdes de premier plan ont donné leur vision. Le premier est Saleh Muslim, coprésident du DYP (Parti de l’union démocratique kurde de Syrie), qui a résisté à Daech et l’a chassé du Rojava (nord de la Syrie), qu’il administre désormais. Le second est Hatip Dicle, vice-président du Congrès démocratique des peuples et ancien député du parti pro-Kurdes de Turquie, dont des centaines de membres ont été arrêtés, lundi, et les locaux saccagés par la police.

Pour Saleh Muslim, « il est temps de remettre en question le principe des États-nations imposé au Moyen-Orient par les accord Sykes-Picot sans tenir compte des réalités d’une région qui ne fonctionne pas sur ce modèle » Dans certains pays, cela s’est traduit par des massacres, notamment contre le peuple kurde. « Les Occidentaux ont imaginé reconstruire des États-nations sur une base religieuse, mais cela ne marchera pas. Pour nous, il faut const ruire un nouveau système, basé sur la nation démocratique dans laquelle toutes les composantes présentes sur le terrain, qu’elles soient religieuses ou ethniques, ont exactement les mêmes droits. Nous voyons l’avenir de notre région comme un système confédéral de nations démocratiques et laïques », a-t-il ajouté.

« Si on ne l’arrête pas, il étouffera tout espoir de paix  »

Hatip Dicle, vice-président du Congrès démocratique des peuples, a beaucoup souffert de la répression : son élection comme député de Diyarbakir, en 2011, a été annulée par Erdogan et il a connu les geôles, qui débordent aujourd’hui de milliers de prisonniers politiques, écrivains, journalistes, intellectuels. Il rappelle les multiples efforts consentis depuis près de quinze ans par le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, dont le dirigeant, Öcalan, est en prison depuis 1999, pour trouver une solution politique au problème kurde : « J’ai moi-même participé aux négociations avec le gouvernement d’Erdogan pendant sept mois, après ma sortie de prison. Nous allions déboucher sur un document historique, qui prenait en compte les intérêts de toutes les minorités et pas seulement les Kurdes, quand Erdogan a renversé la table sans préavis, le 5 avril 2015, et repris la guerre contre les Kurdes. Aujourd’hui, il est clair qu’il veut instaurer une dictature. Si on ne l’arrête pas, il étouffera tout espoir de paix. La seule solution, c’est une démocratie locale décentralisée, dont l’autonomie locale est le moyen. »

La répression féroce du président Erdogan

Éric Coquerel, du Parti de gauche, y voit « un accord Sykes-Picot inversé, où les acteurs de la région s’accorderaient pour tracer de nouvelles lignes sous l’égide de l’ONU, ce à quoi la France devrait aider en convoquant une conférence internationale de la paix. On ne réglera rien au Moyen-Orient si deux peuples historiques n’y ont pas un toit : les Kurdes et les Palestiniens », dit-il.

Pour Lydia Samarbakhsh, du secteur international du PCF, « le confédéralisme démocratique, dont l’expérience est en cours, est un projet politique subversif pour le Moyen-Orient comme pour l’Europe, un projet que le président turc Erdogan ne supporte pas », d’où la violente répression engagée depuis des mois contre les Kurdes qui suscite une profonde inquiétude.

(1) Le colloque sur l’avenir du Moyen-Orient était organisé par le Conseil démocratique kurde en France sous le patronage de Michel Billout, sénateur PCF, avec France-Kurdistan, représenté par Michel Laurent, qui a lancé la campagne « Stop Erdogan ». Deux chercheurs kurdes, Ibrahim Seydo Aydogan, de l’Inalco, et Seevan Saeed, de l’université d’Exeter, y participaient.


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