François Ruffin : « Le Parti socialiste, ce n’est plus la gauche »

samedi 18 février 2017.
 

... Le créateur du journal militant Fakir se présente aux prochaines législatives dans la circonscription de la socialiste Pascale Boistard.

Patron du journal militant Fakir, réalisateur du film Merci patron ! et parmi les personnalités à l’origine du mouvement Nuit debout, François Ruffin se présentera aux élections législatives de 2017 dans la première circonscription de la Somme. Il concourt sous l’étendard « Picardie debout ! », qui a obtenu le soutien de toutes les formations d’extrême gauche, une information confirmée au Figaro par tous les partis concernées.

LE FIGARO.- L’hypothèse de votre candidature à Amiens-Nord était pressentie depuis plusieurs mois. Qu’est-ce qui vous a décidé de sauter le pas ?

François RUFFIN.- J’avais posé une condition, celle de l’unité de la gauche. J’ai le soutien du PCF, de « La France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon, des écologistes d’EELV et d’« Ensemble », le mouvement de Clémentine Autain. Toutes les composantes de la gauche sont rassemblées.

Toutes ? Il ne manque pas le Parti socialiste ?

Le Parti socialiste, pour nous, ce n’est plus la gauche. À Amiens, les socialistes sont représentés par Pascale Boistard. C’est une vallsiste assumée. Elle a voté toutes les lois qu’on a combattues : la loi travail, le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE), le traité Sarkozy-Merkel qui impose toujours plus de rigueur. Et cerise sur le gâteau, elle et son suppléant ont approuvé une fusion des régions qui a sacrifié la Picardie ! Sur quelles idées allez-vous faire campagne ?

Je suis pour un remboursement de la Sécurité sociale à 100%, qu’on en finisse avec la privatisation du système de santé. Je veux revaloriser le SMIC à 1500 euros, relever le niveau des petites retraites, réaliser des embauches massives à l’hôpital et dans l’éducation. Je suis contre la libre-circulation des capitaux et des marchandises qui ont provoqué toutes les délocalisations, c’est-à-dire que je suis opposé à tous les traités européens.

Comment réaliser un tel programme sans aggraver le déficit public ou alourdir la fiscalité ?

D’abord, en faisant des économies : 110 milliards d’euros sont, chaque année, distribués aux entreprises à l’aveuglette. Etant moi-même « entrepreneur », avec le journal Fakir, je ne suis pas hostile à des aides ciblées, sur les TPE-PME, sur les secteurs concurrentiels. Mais, là, on donne à tout va, et notamment aux multinationales déjà gorgées de profits. C’est une manne énorme, donc, dont on pourrait faire un autre usage. Et je compte bien « alourdir la fiscalité » : mais sur les dividendes, sur les gros patrimoines, sur les mouvements de capitaux. Tandis que je l’allégerai sur la consommation, ou sur les impôts locaux. Enfin, il s’agit d’enrichir le pays, de se reposer ces questions clés : que veut-on produire ? Où veut-on produire ? Comment veut-on produire ? Bref, de repenser une « politique industrielle », expression interdite par Bruxelles depuis les années 80, et qui suppose une « politique commerciale » : taxe aux frontières, barrières douanières, quotas d’importation…

Il faudrait que le pays bascule sérieusement à gauche pour mener de telles réformes... En attendant le « Grand Soir », quelles seraient vos premières mesures concrètes en arrivant à l’Assemblée ?

Vous avez raison : tout ça demeure assez fictif. Les gens peuvent douter que nous ayons une majorité, en juin, sur ce programme. Aussi, dès mon arrivée à l’Assemblée, je prendrai trois engagements simples. Premièrement, mon mandat sera révocable. Si 15% des électeurs pétitionnent, je présenterai ma démission. Deuxièmement, les réserves parlementaires seront attribuées par un jury populaire tiré au sort, pour mettre fin au clientélisme. Et enfin, je me mettrai au SMIC, car je ne fais pas de politique pour m’enrichir. Si les députés étaient payés au SMIC, ils auraient voté pour son relèvement depuis longtemps au lieu de le geler au nom de la « compétitivité ». Mais à 7100 euros par mois, ils en sont très loin. D’ailleurs, je trouve que les députés français sont particulièrement « peu compétitifs » ! Un député bangladais fait le même travail pour 164 euros par mois. Pour alléger les finances publiques, qui proposera la délocalisation de l’Assemblée nationale à Varsovie ? Ils y rejoindraient Whirlpool, qui a annoncé la délocalisation de sa production de sèche-linge en Pologne où ils ont trouvé des employés plus « compétitifs ». Car pour les ouvriers, nos « représentants » laissent faire cette logique depuis quarante ans. Que diraient-ils si on l’appliquait à eux-mêmes ?

Et pour finir, quelle serait votre première proposition de loi en tant que député de la Somme ?

Si je suis élu, je proposerai l’interdiction pure et simple de la vente des produits Whirlpool sur le territoire français. S’ils peuvent trouver des ouvriers compétitifs hors de France, qu’ils trouvent aussi leurs clients ailleurs !


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