Les intrigantes manoeuvres de Hamon pour obtenir le retrait de Mélenchon

jeudi 2 mars 2017.
 

Fort du retrait de Yannick Jadot, et contre l’évidence, Benoît Hamon et ses stratèges ne désespèrent pas d’obtenir le retrait de Jean-Luc Mélenchon. Une stratégie de moins en moins probante, d’autant que la chute de Benoît Hamon dans les sondages s’amplifie.

Benoît Hamon vient de remporter une victoire éblouissante : il a obtenu le retrait d’un candidat qui ne pouvait pas se présenter. Car telle est la vérité. Yannick Jadot, champion des Verts, n’était pas en mesure de rassembler les 500 parrainages nécessaires afin de concourir à l’élection présidentielle. Sauf événement imprévu, donc improbable, il aurait été empêché de pouvoir s’aligner. Pas dupe, Jean-Christophe Cambadélis l’avait confié à des proches, avant même les vacances de février.

Benoît Hamon s’est ainsi fait promener par un candidat EELV qui était une illusion de menace. Comme d’habitude, cela se termine par un accord électoral disproportionné en faveur de Verts fantômes, effrayants à la mesure de l’importance qu’on leur accorde, accord qui ne sera pas sans effet empoisonné d’ici les législatives prochaines.

Un exemple entre bien d’autres. Il va bientôt falloir expliquer aux militants socialistes du 11e arrondissement de Paris, qui se pensaient enfin débarrassés de Cécile Duflot qu’il faudra tracter pour elle sur les marchés sous le joli soleil de juin… Bonne chance… Avant même l’annonce du retrait de Yannick Jadot, Cécile Duflot annoncait elle-même la tenue d’une réunion d’appartement dans l’arrondissement… Anne Hidalgo, déjà trahie par sa candidate Aubry sur le sujet Duflot appréciera sans aucun doute à sa juste valeur le cadeau que lui offre son candidat Hamon…

Trois semaines...

Pour en arriver là, soit à la conclusion d’un accord d’empêchement avec un candidat que tout le monde savait être empêché, Benoît Hamon a perdu trois semaines. Comme avec Jean-Luc Mélenchon.

Trois semaines à ne rien faire qui marque les esprits.

Trois semaines dilapidées en quête d’accords d’appareils à l’ancienne, avec convocation des forces de l’esprit de Guy Mollet et Edgar Faure.

Trois semaines à vanter les mérites d’une campagne en décalage tout en dissertant sur les vertus de la dynamique à l’œuvre… (cf le célèbre épisode de la page du 10 du JDD).

Trois semaines occupées à tenter de ligoter Jadot et Mélenchon au nom d’une union de la gauche supposée hisser d’un coup, par coup de baguette arithmétique, le candidat du Parti socialiste à 28% des voix. Mélenchon 12 + Hamon 14 + Jadot 2= 28%, donc accès au second tour de l’élection présidentielle, devant Fillon et Macron, et victoire contre Marine Le Pen. Imparable calcul. Sauf qu’il est faux de bout en bout…Comme quoi on peut avoir arithmétiquement raison et politiquement tort...

Mélenchon sous pression

De manière étrange autant qu’obstinée, le candidat Hamon s’évertue, ainsi que son entourage, à tenter de placer Jean-Luc Mélenchon sous pression. « Il va se retirer, il faut qu’il se retire, on va y arriver, on va le mettre en face de ses responsabilités, on va prendre son électorat à témoin », disent les responsables de la campagne du candidat socialiste.

Pour le moment, Jean-Luc Mélenchon demeure sourd à ces appels à l’unité. Il se trouve même toujours un bon prétexte pour ne pas y souscrire. Invité de l’Emission politique de France 2, une fois de plus sollicité sur le sujet, il a fini par délivrer une réponse de bon sens, de son point de vue : « Et pourquoi ce ne serait pas Benoît Hamon qui se retirerait en ma faveur ? ». Si l’on se fie aux sondages, le représentant de la France insoumise n’a pas tort. Dans la dernière livraison de l’IFOP, ce jeudi soir, Hamon continue son invisible descente aux enfers sondagiers… Le 3 février, au lendemain de sa victoire contre Manuel Valls, il était donné à 18%... Il est aujourd’hui évalué à 13.5%, et Mélenchon à 11%. En l’état, tout est possible… Dans un sens ou dans l’autre…

Jean-Luc Mélenchon n’a qu’un seul objectif, éliminer le Parti socialiste de la surface électorale française. Il n’est personne pour l’ignorer. Et dans cette perspective, son alliance objective avec Emmanuel Macron paraît patente. L’élection de ce dernier serait synonyme d’écrasement du PS aux législatives suivantes, pris en étau entre les candidats Macron, détenteurs de la légitimité présidentielle, et les candidats de l’autre pôle de gauche, regroupé autour de Mélenchon. C’est un scénario possible. Il vaut d’être médité.

A ce stade, on s’étonne. Pourquoi Benoît Hamon s’entête-t-il dans cette inquiétante et intrigante stratégie ? A quoi bon persévérer dans la quête de l’impossible retrait de Mélenchon ? Et surtout, pourquoi ne pas faire campagne, puisque toute l’énergie du candidat Hamon paraît dépensée dans ces petits jeux d’appareils d’un autre âge ?

Hamon pense déjà à l’après

Certains observateurs de la campagne Hamon, en « off » estiment qu’en vérité, conscient de ses limites, ce dernier répugne à s’engager. Ayant déjà intégré sa défaite probable, il ne songerait déjà qu’à l’après. L’après, c’est-à-dire, back to business in Socialy… Le congrès… Les alliances… Devenir Premier secrétaire… Empêcher le retour de Valls… Les éternels fondamentaux du PS de grand-papa…

La campagne présidentielle elle-même est comme un pensum qui n’intéresse pas Benoît Hamon, dont l’ambition suprême serait de devenir le Premier secrétaire du Parti socialiste de Jaurès, Blum et Mitterrand. Ce n’est pas déshonorant. Mais il est permis de s’interroger sur le choix d’en passer par une candidature d’impasse à la présidentielle pour y parvenir.

Cet état d’esprit particulier du candidat, qui se sait peu fait pour le job de président, expliquerait son obstination à courir après les ralliements de Jadot et Mélenchon. D’où la campagne invisible menée par le successeur de François Mitterrand. Ce jeudi soir, il a tenu meeting à Arras, mais personne ne s’en est aperçu, la vedette du jour étant Yannick Jadot.

C’est une chose étrange à la fin, que la communication politique de Benoît Hamon, qui a réussi l’exploit de ne pas savoir mettre en scène le ralliement de Yannick Jadot… Si Benoît Hamon veut faire campagne en souhaitant que personne ne le remarque, alors rendons-lui hommage : c’est parfaitement réussi.

Morale de l’histoire, en l’état du rapport de force, Mélenchon n’a aucune raison de se plier à la volonté de Hamon. C’est comme ça. Quand les types à 13% disent certaines choses, ceux qui sont à 11% ne les écoutent pas.

Bruno Roger-Petit


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