Présidentielles : Le droit de choisir

vendredi 20 avril 2007.
 

Lors des dernières présidentielles, le peuple français a été privé du droit de choisir l’orientation politique qu’il voulait mettre au poste de commande. Jamais le caractère anti-démocratique de la Cinquième République et de l’élection présidentielle n’avait été aussi aveuglant. Car cela fait maintenant cinq ans que l’UMP et l’UDF gouvernent la France sur une ligne politique à laquelle les Français n’ont jamais consenti. La Cinquième République ayant réduit la souveraineté populaire au choix entre des candidats à la présidentielle, il aura suffi de la qualification de Le Pen pour que la droite fasse élire sans peine son champion subclaquant, remporte dans la foulée les élections législatives et dispose de tous les pouvoirs pendant cinq ans.

Privé de son droit de choisir, le pays a continué de dévaler la pente de la crise politique. Les légitimités les mieux établies furent une à une ébranlées tandis que s’installait dans le pays ce climat d’exaspération et de défiance dont naissent les jacqueries ou les révolutions. Faute d’une force politique capable et désireuse de donner un débouché à la crise, cela fut les jacqueries. Partout une même idée a fait son chemin : la seule manière de se faire entendre c’est de désobéir, de tout bloquer, de tout casser. Et ceci, qu’on ne s’y trompe pas, dans tous les secteurs de la société. Les plus riches ont des moyens plus conformes à la bienséance établie pour vandaliser l’intérêt collectif et se moquer de la solidarité nationale.

L’élection présidentielle est le terreau de tous les bonapartismes. Mais il n’y aura pas de raccourci, pas plus d’homme providentiel que de grand ébranlement sans perspective. La seule issue à cet état d’urgence politique est que nos concitoyens puissent enfin se retrouver sur un projet commun, et que celui-ci soit mise en œuvre par ceux qui nous gouvernent. Que le peuple puisse dire quels principes doivent commander, et qu’ensuite ceux-ci commandent pour de vrai. Veut-on fonder l’ordre social sur la loi du profit maximum ? Oui ou non ? Le marché doit-il s’imposer à l’intérêt général ? Oui ou non ? La France est-elle fondée sur la République qui ne connaît que des citoyens égaux ? Oui ou non ? Aucune sortie de crise n’est possible sans que ces questions aient été posées, débattues et tranchées par le peuple.

C’est justement au moment où les Français peuvent régler cette controverse que surgissent les experts en confusion, champions de la nuance et des habiletés. A chaque confrontation de notre peuple avec la droite depuis 2002, nous ne les entendions guère. Ils se cachaient sous leur caillou, attendant des jours meilleurs. La campagne de Bayrou a remis ces vieilles lunes au goût du jour. Gauche, droite, pourquoi choisir, proclame le président de l’UDF. Il suffit de prendre les meilleurs ! Et c’est bien sûr M. Bayrou qui s’arroge le droit de les désigner. S’il y parvenait, ce serait un régime tyrannique : un chèque en blanc pour tout mandat, droite et gauche dans les mains d’un homme, tout débat réputé sans fondement dès lors que les « meilleurs » des deux camps se seraient accordés. Savez-vous qu’en Allemagne, les états-majors du SPD et de la CDU ont mené plus d’une année de tractations au lendemain de la mise en place de la grande coalition pour décider du degré de libéralisme qui serait infligé au peuple allemand ? La « démocratie moderne » que nous vante le président de l’UDF serait sans nul doute une machine à aggraver la crise... tout en rendant la gauche incapable d’y répondre si d’aventure une partie de celle-ci suivait Michel Rocard dans sa proposition d’alliance.

Pourquoi certains ont-ils choisi donner à Bayrou un mandat de vote utile contre Sarkozy alors qu’il existe tant de votes à gauche pour dire son refus de sa politique ? Quel besoin d’inviter les électeurs de gauche à voter à droite alors qu’ils peuvent faire le choix de l’efficacité électorale avec Royal, de l’authenticité avec Buffet, de telle ou telle palette de la gauche avec Bové, Besancenot, Laguillier ou Schivardi ? Quel est le sens de ce coup de main à quelques jours du vote ? C’est qu’à l’évidence l’élimination de la gauche du second tour offrirait aux confusionnistes le meilleur cas de figure pour évacuer tout débat sur le fond. Après le référendum anti-Le Pen de 2002, pourquoi pas un petit référendum anti-Sarko ? Bayrou - Sarkozy, une élection pour de rire, où les libéraux gagneraient à tous les coups... Et si la gauche est au deuxième tour, nous aurons préparé l’avenir disent-ils, avides de faire des électeurs de Bayrou la clé du second tour. Déjà les éditorialistes expliquent que l’élection « se jouera au centre ». Mais si l’on fait de ceux qui ne veulent pas choisir la cible principale du vote, comment notre peuple pourra-t-il fixer les options fondamentales ?

Ce que nous devons reconquérir dans cette élection, c’est le droit à une politique de gauche. Après bien sûr il faudra débattre de son contenu. La gauche sort éreintée de la campagne. Nous ne la reverrons plus jamais comme avant. La gauche est pour l’essentiel à réinventer. Mais encore faut-il qu’elle ne soit pas rayée du paysage par la variété qui s’avère la plus nombreuse de cette campagne : les champions du ni droite ni gauche


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