Anne Méaux, du GUD à la com de Fillon

mardi 21 mars 2017.
 

« Cruella ». Ce féroce surnom donné par ses concurrents lui colle à la peau. Anne Méaux, patronne de l’agence Image 7, dispense depuis bientôt trente ans ses coûteux conseils aux barons de la droite comme à ceux du CAC 40. C’est elle qui règne sur la communication de François Fillon : la ligne dure et jusqu’au-boutiste choisie par le candidat de droite reflète bien les convictions de cette femme, libérale affichée et conservatrice assumée.

En politique, son premier fait d’armes remonte à 1968, avec la création d’un comité antigrève au lycée Jules-Ferry, à Paris. Elle a 14 ans et déjà la haine du communisme chevillée au corps. « J’ai été très marquée par ce qui se passait au Vietnam. C’est vrai que là, il y a eu un clivage : il y avait ceux qui protestaient contre les Américains qui mettaient des bombes, et il y avait ceux aussi qui étaient très anticommunistes et dont je faisais partie », revendique-t-elle (1). Des convictions qu’elle affermit à Valeurs actuelles, où elle décroche, étudiante, un job de documentaliste. L’hebdomadaire a été fondé quelques années plus tôt par Raymond Bourgine, partisan de l’Algérie française. Anne Méaux a trouvé sa famille politique.

Toujours la haine du rouge

Elle s’engage à l’extrême droite, avec les militants d’Occident et d’Ordre nouveau. Leurs slogans claquent comme des sentences de mort : « Tuez tous les communistes, où ils se trouvent ! » Méaux rejoint les nervis du Groupe union défense (GUD), s’enchaîne aux grilles de l’ambassade d’URSS, finit au Parti des forces nouvelles (PFN), où elle cultive de solides amitiés avec Gérard Longuet, Hervé Novelli, Alain Madelin. En 1974, tout ce petit monde se recycle dans le giscardisme. Elle se fait recruter au service de presse de l’Élysée, goûte à la com de crise avec l’affaire des diamants de Bokassa. Mais, après la défaite de 1981, elle s’ennuie auprès de Giscard à l’UDF. Alain Madelin devient son mentor et lorsque la droite revient aux affaires, en 1986, elle le suit au ministère de l’Industrie. Elle y tisse son réseau dans le monde des affaires, se lie à des banquiers, à des capitaines d’industrie, devient l’amie intime de François Pinault. En 1988, elle vote, à contrecœur, pour Chirac, qu’elle juge trop « étatiste ».

La même année, à 34 ans, elle fonde son agence de lobbying et de communication. Laurence Parisot, Anne Lauvergeon et Louis Gallois apprécient ses conseils. Plus d’une centaine de clients lui font confiance. Et si elle affecte de ne pas prospecter, elle soigne sa réputation de prêtresse de la com. Image 7 prospère, avec un chiffre d’affaires qui dépassait, en 2015, les 19 millions d’euros. Éric Woerth, Rachida Dati, Jean-Pierre Raffarin ou son vieil ami Hervé Novelli font appel à ses services.

À l’international, les contrats sont juteux. Avant la révolution de 2011, Méaux facturait 200 000 euros par an ses services à l’Agence tunisienne de communication extérieure, machine de propagande au service de la dictature de Ben Ali. Quoi de mieux qu’un séjour dans un hôtel de charme au bord de la Méditerranée pour présenter le tyran sous un jour favorable ? Journalistes et patrons de presse se sont laissé tenter. Mais pas tous. Une note interne d’Image 7, révélée en 2011 par le Canard enchaîné, désespère des « journalistes spécialisés dans la politique internationale, qui sont globalement droits-de-l’hommiste et de culture marxiste ». Toujours la haine du rouge.

(1) Aurore Gorius et Michaël Moreau, les Gourous de la com. Trente ans de manipulations politiques et économiques, La Découverte, 2012.

Rosa Moussaoui Journaliste à la rubrique Monde de L’Humanité


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