Programme de Macron : une contre révolution néolibérale

mardi 25 avril 2017.
 

- 1 – Une révolution fiscale… en faveur des riches
- 2 – La radicalisation de la loi Travail
- 3 – Un renforcement du présidentialisme
- 4 – Un eurobéatisme offensif
- 5 – La guerre aux pauvres
- Le programme de Macron, du hollandisme radicalisé

Le programme d’Emmanuel Macron a tardé à être publié, suscitant les railleries de ses opposants. N’aurait-t-il rien d’autre à nous proposer que sa personnalité ? Le candidat d’En Marche et son entourage l’ont soutenu pendant plusieurs semaines, estimant que le temps des programmes était révolu et qu’il fallait simplement passer un « contrat avec la nation ».

Il ne s’agissait pas du résultat d’un manque d’idées : Macron et ses nombreux et puissants soutiens savent ce qu’ils veulent pour la France. Mais ils savaient aussi qu’ils n’avaient pas intérêt à le dévoiler trop tôt, pour éviter de doucher les espoirs de leurs futurs électeurs. Contraints par la pression de le faire, ils ont mis en ligne un document de 37 pages qui parvient à masquer l’ampleur de la guerre sociale que le candidat prépare. Voici quelques points essentiels pour lire entre les lignes de ce programme et en saisir la violence.

1 – Une révolution fiscale… en faveur des riches

Il serait faux d’affirmer qu’Emmanuel Macron et son équipe sont totalement insensibles à la question de la répartition des richesses. Ils sont pour une autre répartition… vers le haut, en poursuivant l’œuvre de réduction de l’imposition des riches amorcée par Sarkozy et poursuivi par Hollande. Deux mesures fortes illustrent cette volonté de réduire le « fardeau » fiscal porté par les riches en France :

D’abord, Macron veut mettre fin à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune. Cette taxe, la seule dont nous disposions pour prendre à bras le corps la question des énormes disparités de patrimoine en France, est actuellement calculée sur les revenus annuels d’un particulier et la valeur de ses biens immobiliers et de ses produits financiers. Or, Macron souhaite éliminer de son assiette tout ce qui n’est pas de nature immobilière. Autrement dit, pour nombre de citoyens aisés, la majeure partie de ceux sur quoi ils sont imposés, notamment toute leur épargne financière, disparaîtra du calcul de l’ISF. Il ne restera de cet impôt, déjà largement vidé de sa substance par les gouvernements sortants, rien de plus qu’un embêtement administratif pour les propriétaires de biens immobiliers.

Ensuite, Macron veut harmoniser l’imposition sur les revenus du capital, avec un taux fixe à 30%. Cela met fin au système actuel de taxation progressive : plus nos revenus du capital sont importants, plus on est imposé. Cela signifie donc que les gros portefeuilles, actuellement imposé à 45%, le seront nettement moins ! Une belle affaire pour tous les riches, tandis que les petits épargnants, eux, devront payer plus.

Si jamais il est élu, Macron deviendra indubitablement le nouveau « président des riches ».

2 – La radicalisation de la loi Travail

Macron fut un des principaux défenseurs de la loi Travail, pourtant très impopulaire. Dans son programme, il veut poursuivre sa logique en restreignant encore davantage l’influence du code du travail sur les entreprises, puisqu’il ne contiendra plus que les « principes fondamentaux » de la loi tandis que l’organisation du travail et les normes seront décidés « au plus près du terrain », dans les entreprises, par accord majoritaire ou référendum.

Pour compléter cette radicalisation de la loi de Madame Myriam El Khomri, il souhaite réintégrer un de ses points qui avait été écarté au printemps dernier : le plafonnement des indemnités prudhommales. Partant du principe, cher au MEDEF, que le fait de ne pas savoir à l’avance ce que l’on risque de payer fait « perdre en visibilité » les chefs d’entreprise, Macron veut faire en sorte qu’un maximum soit fixé par la loi. Ainsi, un plan social massif ou des licenciements abusifs seront plus faciles à chiffrer.

3 – Un renforcement du présidentialisme

Le « candidat antisystème » aime dire qu’il veut un « renouvellement » les institutions, et pourtant sa conception de la démocratie est on ne peut plus conforme à l’esprit de la Ve République : le président doit avoir les coudées franches. Pour cela, il compte réduire le nombre de députés et de sénateurs, mais aussi limiter le nombre de mois durant lequel le parlement légifère. L’idée est de faire en sorte de laisser du temps à l’exécutif et à l’évaluation des institutions, et de limiter le temps d’élaboration des lois. D’ailleurs, il compte faire de la procédure accélérée d’examen des textes, pratique courante mais mal vue des gouvernements successifs, la norme par défaut du travail parlementaire. La loi El Khomri avait fait l’objet d’une telle procédure, de façon à tuer dans l’œuf la contestation parlementaire et sociale. La prétendue contrepartie à cette limitation du pouvoir législatif sera la tenue annuelle d’une présentation de son bilan devant le congrès par le président. Autant dire qu’avec Macron au pouvoir, notre vieille Ve République a encore de beaux jours devant elle.

4 – Un eurobéatisme offensif

Emmanuel Macron a fait siennes les leçons de morale économique assénée par la Commission européenne et le ministère des finances allemand, Wolfgang Schaüble. Rompant avec les positions différencialistes affichée de la France en matière de politique économique de la zone euro (les socialistes français ayant pour habitude de se prétendre sceptique à l’austérité et favorable au retour des politiques d’investissement), Emmanuel Macron s’est rendu par deux fois à Berlin pour transmettre le mea culpa du peuple français. Il affirme que nous ne proposerons des changements en Europe qu’à partir du moment où nous aurons fait les transformations que l’on attend de nous : les fameuses « réformes structurelles » d’ouverture à la concurrence des services publiques, de réduction de la dette publique et surtout de flexibilisation du droit du travail.

Dans ses meetings, Macron exhorte ses militants à « aimer l’Union Européenne ». Oubliés les « Non » français et néerlandais au traité constitutionnel, les souffrances infligées au peuple grecque et la façon dont l’européisme dogmatique nourrit les partis nationalistes. Terminé le mythe de « l’Europe sociale ». Si Macron veut l’harmonisation fiscale et sociale, ce sera seulement au prix d’amendements drastiques de nos propres législations. À la suite d’Hollande qui abdique après avoir promis de négocier, nous avons un candidat cédant à la rigidité technocratique et ordolibérale de l’Union Européenne avant même d’être élu. Sur ce point, le programme de Macron a le mérite de jouer franc-jeu.

5 – La guerre aux pauvres

Enfin, Macron et toute l’équipe d’En Marche souhaitent pour les plus pauvres d’entre nous des jours sombres : en réduisant drastiquement les cotisations sociales et patronales, ils souhaitent un système de protection sociale moins coûteux. Mais comment est-ce possible ? Tout simplement en réduisant le nombre de ses bénéficiaires. On connaissait la propension de Pôle emploi a radier sans crier garde des centaines d’allocataires chaque mois pour des raisons techniques et administratives (absence à un rendez-vous, non-respect des complexes procédures…). Avec la mesure consistant à durcir encore davantage les conditions d’acceptation d’un emploi sous peine de perte des allocations, on peut supposer que les économies augmenteront, plongeant des ménages entiers dans la misère.

Les mutations de l’assurance-chômage qu’il prévoit sont inquiétantes : en intégrant dans le droit au chômage les chefs d’entreprises et tous les indépendants, Macron dessine un modèle d’allocation chômage qui n’est plus assurantiel. Cotiser pour son chômage n’aura plus de sens puisque des professions non-cotisantes y auront accès. Le fait qu’il accompagne cette évolution d’une étatisation de l’assurance-chômage (aujourd’hui gérée par les partenaires sociaux), laisse penser que le droit au chômage envisagé par Macron ressemble au « welfare » des systèmes anglo-saxons : une allocation distribuée par l’État pour les nécessiteux, indépendamment de leur situation antérieure et d’un montant très faible.

Le raisonnement qui sous-tend ce vieux rêve libéral est classiquement de droite : les chômeurs le sont parce qu’ils ne cherchent pas vraiment d’emploi, et leur couper les vivres sera un bon moyen de les motiver. Il faut bien être un cercle de grands bourgeois et de technocrates aux dents longues pour avoir l’indignité d’adhérer à de telles suppositions.

Le programme de Macron, du hollandisme radicalisé

Ce que nous venons de décrire a tous les aspects d’une contre-révolution néolibérale, tant attendue par les milieux patronaux et depuis longtemps mûris par les think tank qui soutiennent Macron. Pourtant, point par point, son programme n’est qu’une forme décomplexée et radicale de ce à quoi l’ancien ministre de l’économie a participé sous la présidence de François Hollande.

Mais Macron est désormais libre de ses mouvements, suffisamment anciennement socialiste pour n’avoir pas l’air du danger qu’il représente pour les partisans de notre modèle social, et suffisamment électron libre pour tous ceux qui rêvent de le détruire. Ni trop droite bling bling, comme Sarkozy, ni trop gauche d’appareil, comme Hollande, Macron a tous les atouts pour réaliser un programme dont notre classe supérieure rêve. Et tous les autres en pâtiront, des classes populaires aux classes moyennes. Il est plus que temps de sonner l’alarme sur les intentions régressives d’En Marche.

Nicolas Framont, co-rédacteur en chef de Frustration


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