Mélenchon : « La force du peuple peut me porter au deuxième tour »

jeudi 20 avril 2017.
 

De passage à Toulouse, Jean-Luc Mélenchon a été interviewé par La Dépêche du Midi.

Après votre percée sondagière vous êtes la convergence de toutes les attaques. Êtes-vous devenu l’homme à abattre de cette fin de campagne de premier tour ?

Je n’abdique pas l’honneur d’être une cible, comme le dit Cyrano. Nos adversaires n’ont rien vu venir. Du coup, ils paniquent et n’ont que des caricatures en guise d’arguments. Je suis tranquille et déterminé. La force du peuple peut me porter au deuxième tour.

À quoi attribuez-vous cette progression ? À un changement d’image personnelle moins agressive grâce auquel les gens portent un regard différent sur vous ?

À mon programme. De nombreuses associations et collectifs saluent son contenu dans des domaines divers. Il projette l’aspiration au changement vers un horizon de progrès avec la VIe République, 100 % d’énergies renouvelables ou l’augmentation des petits salaires et des petites retraites. Quant à mon image, c’est je crois surtout celle d’un homme sincère et fidèle dans ses engagements.

Quel que soit le résultat de ce premier tour, n’avez-vous pas réussi à réaliser l’un de vos objectifs majeurs, à savoir supplanter le PS qui selon vous n’incarne pas la vraie gauche ?

Mon objectif est de gagner. Donc de supplanter tous mes concurrents. Le PS a eu sa chance depuis 2012. Il a échoué. Il est normal d’essayer un autre programme et d’autres personnes.

Depuis les primaires « le dégagisme » selon votre expression est à l’œuvre. Pourtant vous-même, vous n’êtes pas un nouveau venu en politique puisque vous avez été sénateur dès 1986 puis ministre. En quoi pouvez-vous incarner un renouveau ?

Mon parcours, c’est ma liberté. Je ne fais pas carrière. Et tout le monde voit ma constance. Je suis le seul à proposer une méthode concrète pour changer les règles politiques : élire une assemblée constituante pour réécrire entièrement la Constitution. Et quand je propose le droit de révoquer un élu en cours de mandat par référendum, je dis que cela s’appliquera à moi-même si je suis élu.

Votre programme avec ses 100 milliards d’investissement, sa création de 200 000 postes de fonctionnaires notamment, ne risque-t-il pas d’être un gouffre pour les finances du pays ?

Le gouffre c’est aujourd’hui avec 6 millions de chômeurs et 60 milliards d’euros de déficit de plus que ce que promettait François Hollande. Ce modèle commun de Fillon et Macron échoue depuis dix ans. Je propose la relance de l’activité par l’investissement et la consommation populaire. À la clé, c’est plus d’emplois, plus de paies et donc plus de recettes fiscales. Mon programme est chiffré : il rapporte plus qu’il ne coûte.

Sur l’Europe, si vous ne parvenez pas à renégocier les traités, vous prévoyez un référendum et éventuellement une sortie de l’Union européenne. Pensez-vous convaincre d’autres pays de mettre en œuvre également votre plan B ce qui vous donnerait plus de force pour réorienter l’Europe, sinon la France risque d’être bien isolée ?

La France ne sera jamais isolée. Rien n’est possible sans nous en Europe. Je propose donc à tout le monde d’être raisonnable et de sortir collectivement des traités par une négociation, c’est le Plan A. Nous aurons des alliés pour stopper la directive « travailleurs détachés » ou obliger la banque centrale à s’occuper de l’emploi. Si ça bloque, nous passerons au plan B. Mais ce sont les Français qui décideront, pas moi tout seul.

Vous dites qu’on caricature votre position de l’adhésion à l’Alliance bolivarienne, mais elle existe bel et bien dans votre programme. Cette proposition ne témoigne-t-elle pas de votre tropisme persistant envers des pays d’Amérique latine, envers l’Iran et la Russie peu soucieux de démocratie ?

Quelle question offensante ! Je propose que les outre-mer français se tournent vers les coopérations régionales autour d’eux. N’est-ce pas au moins aussi logique pour la Guyane ou les Antilles de coopérer avec les Caraïbes qu’avec la Lettonie ? La Russie, elle, n’a rien à voir avec l’ALBA et si j’étais russe, je ne voterais pas pour M. Poutine. Quant à l’Iran, j’ai toujours dénoncé les théocraties. C’est le gouvernement de MM. Hollande et Macron qui a signé l’accord sur le nucléaire iranien. Pas moi.

Mettez-vous François Fillon et Emmanuel Macron sur le même plan ?

Ils sont en compétition sur le même projet : le libéralisme, moins d’État, moins de services publics, moins de droits pour les salariés. Ils veulent tous les deux détruire le code du travail par ordonnances comme le demande le MEDEF. M. Macron propose une sorte de fillonisme souriant, mais ça ne change pas grand-chose.

Si vous n’êtes pas au deuxième tour de la présidentielle, donnerez-vous des consignes de vote à votre électorat quels que soient les candidats qualifiés ?

Si je n’y suis pas, les insoumis décideront. Mais j’ai bien l’intention d’y être et de gagner. Déjà deux candidats, Benoît Hamon et Philippe Poutou, appellent à voter pour moi au deuxième tour. Je les en remercie. Mais encore faut-il que j’y sois ! J’appelle chacun à m’aider dès le premier tour. Recueilli par Jean-Pierre Bédéï


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