Crise : Après l’échec à la présidentielle, le FN en quête d’une nouvelle identité

lundi 29 mai 2017.
 

Marine Le Pen a admis que des débats devraient être menés après les élections législatives sur les orientations stratégiques du parti d’extrême droite.

Une seule interview, mais trois fronts ouverts. En se rendant au journal de 20 heures de TF1, jeudi 18 mai, Marine Le Pen – que certains cadres du Front national (FN) décrivaient ces derniers jours comme « fatiguée » – a renoué avec un combat politique qu’elle avait mis entre parenthèses depuis sa défaite au second tour de l’élection présidentielle contre Emmanuel Macron ; elle n’avait pas accordé d’entretien depuis le 7 mai.

La présidente du parti frontiste y a annoncé sa candidature aux législatives des 11 et 18 juin dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, où se situe la ville d’Hénin-Beaumont conquise par le FN lors des municipales de 2014. Une nécessité dans une formation politique où le patron est jugé sur sa capacité à donner l’exemple.

Enfin, la députée européenne a également consenti à descendre dans l’arène interne du parti d’extrême droite, en admettant que des débats devraient être menés après les élections législatives sur les orientations stratégiques de sa formation.

Grande explication de texte

Ce dernier point lui permet, en théorie, de s’accorder un mois de répit dans la grande explication de texte qui s’est ouverte entre ses lieutenants au lendemain de la défaite.

Son bras droit, Florian Philippot, a ainsi menacé à plusieurs reprises de démissionner si le parti devait renoncer à proposer la sortie de la France de l’union monétaire. Le secrétaire général du FN, Nicolas Bay, a qualifié ces déclarations de « chantage » et il a estimé qu’il fallait revoir la copie de la formation frontiste sur cette question.

Enfin, la députée de Vaucluse, Marion Maréchal-Le Pen, s’est retirée de la vie politique pour éviter, entre autres, qu’on la pousse à s’opposer à sa tante lors du prochain congrès frontiste, qui doit avoir lieu fin 2017-début 2018. Elle souhaite aussi retrouver sa liberté de parole, une liberté qu’elle a utilisée dès jeudi, dans une interview à l’hebdomadaire Valeurs actuelles ; elle a estimé que le FN pouvait travailler avec le président (Les Républicains, LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, dessinant une union des droites à laquelle Mme Le Pen et M. Philippot n’ont jamais cru.

En somme, la présidente du FN consent à ce qu’un débat s’ouvre dans les mois à venir sur la ligne qu’elle porte à la tête du parti d’extrême droite depuis plus de six ans.

Libéralisme ou souverainisme ?

Le FN doit-il se rapprocher du populisme de droite développé dans certains pays d’Europe centrale ou du Nord, qui met la question identitaire au premier plan, se montre plus libéral d’un point de vue économique et n’hésite pas à s’allier avec la droite classique, tant au niveau local que national ?

Doit-il au contraire continuer à défendre le souverainisme intégral, l’intervention de l’Etat dans l’économie, et rester sur un strict positionnement « ni droite ni gauche », qui a certes permis au FN de battre des records électoraux, mais pas d’accéder au pouvoir ? La députée européenne veut se montrer ouverte.

« Le sujet de l’euro a inquiété considérablement les Français, il faut bien le dire, a-t-elle reconnu sur TF1. Nous allons devoir en tenir compte, discuter, réfléchir. Ce sera le chantier que nous ouvrirons après les législatives, ce sera le temps du congrès. »

Marine Le Pen a fait montre d’une même libéralité à propos d’une possible alliance avec une partie de la droite, à laquelle elle a répondu avec un « pourquoi pas ? ». « J’espère que nous serons rejoints par cette partie des Républicains qui refuse d’être dans la connivence avec Emmanuel Macron, qui refuse de soutenir une politique qui sera une politique immigrationniste, de soumission à l’Allemagne d’Angela Merkel, d’ultrafédéralisme européen », a-t-elle assuré. Un chemin d’union qui ne serait pas sans embûches.

Légitimité ébranlée

« Une fois réglée la question de l’euro, il reste celle de la préférence nationale : est-ce qu’on peut faire une alliance avec les droites sur un sujet comme ça ?, s’interroge l’historien Nicolas Lebourg, membre de l’Observatoire des radicalités politiques (ORAP). Abandonner ça, plus la sortie de l’euro, ça me paraît beaucoup. A moins d’opter pour une stratégie territorialisée, avec des alliances par le bas, au niveau local. »

Une stratégie que Marion Maréchal-Le Pen a commencé à mettre en place dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Et qui risque de manquer d’une figure pour être incarnée lors du congrès du FN, puisque la jeune femme s’est retirée du jeu.

« LR a du mal à penser que le FN veut participer à une grande force conservatrice. Ce ne sont pas les mêmes logiciels idéologiques, ajoute de son côté Jean-Yves Camus, le directeur de l’ORAP. Par ailleurs, la ligne Philippot porte ses fruits dans une partie du pays, dans le Nord et à l’Est. Il sera difficile de convaincre l’électorat populaire du bien-fondé du libéralisme économique. »

Marine Le Pen consent aussi à ce que tous ces débats soient posés sur la table parce que sa légitimité personnelle a été durement ébranlée.

Dans un rare mea culpa, la présidente du FN a reconnu que son débat d’entre-deux-tours était « raté », « très clairement ». « J’ai souhaité mettre en lumière les très grandes craintes que je nourrissais, et que je nourris toujours, à l’égard de la politique que va mener M. Macron, a-t-elle expliqué. Je l’ai fait avec fougue, avec passion, peut-être trop de fougue, peut-être trop de passion. Je sais que certains n’attendaient pas cela. » La promesse de réforme, politique et personnelle, est un moyen pour elle de garder la main.

Olivier Faye


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message