Pollution de l’air : un enjeu de l’anthropocène

mardi 26 septembre 2017.
 

La pollution de l’air, un enjeu présidentiel  ?

Entretien avec Guy Bergé, président du réseau de surveillance de la qualité de l’air.

Pourquoi interpeller les candidats à l’élection présidentielle  ? Quels sont les enjeux  ?

Guy Bergé Dans la continuité de l’interpellation réalisée en 2012, notre fédération, composée de 19 associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa), a invité les candidats à faire connaître les propositions qu’ils formuleront au cours du prochain quinquennat pour améliorer la qualité de l’air. Quelle est leur stratégie de lutte contre la pollution atmosphérique  ? Comment pérenniser le fonctionnement du réseau de surveillance afin de répondre aux besoins actuels et à venir  ? Comment mieux appliquer le principe pollueur-payeur, comme le recommande la Cour des comptes  ? Il y a de quoi être inquiet car, à ce jour, le thème de la qualité de l’air, qui est pourtant la première préoccupation environnementale des Français, est quasiment absent de cette campagne. C’est bien le problème. On ne parle médiatiquement de ce sujet qu’au moment des pics de pollution, alors que cette pollution est quotidienne. La pollution atmosphérique cause 48 000 décès prématurés par an

Ce qui a un coût… Pour autant, vos financements sont-ils à la hauteur des enjeux  ?

Guy Bergé Selon un rapport du Sénat, la pollution de l’air coûte 100 milliards d’euros par an  ! Il faudrait que les politiques prennent en compte l’enjeu et dégagent des financements, notamment pour le réseau de surveillance de la qualité de l’air. Les Aasqa, qui emploient aujourd’hui quelque 500 personnes, ont un budget de 60 millions d’euros annuels, financé aujourd’hui par l’État, les collectivités locales et la TGAP, taxe sur les activités polluantes imposée aux industriels. Chacun subventionnait pour un tiers, mais les ratios sont en train de changer, du fait du désengagement de certains départements, fragilisant nos ressources. En outre, la désindustrialisation et la mise aux normes des industries réduisent mathématiquement la TGAP et la part qui revient aux Aasqa. Sauf qu’aujourd’hui, les sources de pollution sont multiples. On se focalise sur le diesel, mais que fait-on sur le reste. Il faudrait intégrer les pollutions agricoles, les transports ou encore le chauffage, qui ne participent pas à ces contributions. C’est le principe du pollueur-payeur… On est donc confronté à des restrictions budgétaires, sauf que, dans le même temps, on doit faire face à de nouvelles missions.

En quoi les associations de surveillance de la qualité de l’air sont-elles de plus en plus sollicitées  ?

Guy Bergé En vingt ans, les Aasqa ont vu leurs missions évoluer d’un besoin de connaissance à une logique d’accompagnement des politiques. On nous demande d’élaborer les plans climat-air-énergie-territoire (PCAET), de mesurer et d’alerter sur les pics de pollution, mais aussi de surveiller les concentrations de pesticides dans l’air, d’être en mesure de dire d’où proviennent les particules… On est moins dans le constat que dans la précision. Le public a besoin et attend que l’indice de qualité de l’air soit le plus simple à comprendre et le plus complet. On a aujourd’hui des analyseurs capables de spécifier l’origine des particules  ; si on est sur des polluants d’origine chimique ou organique (comme les pollens), s’ils proviennent de l’usure des pneus ou des plaquettes de freins, de l’épandage ou du chauffage. Mais le travail de ces données nécessite d’avoir de grosses machines et des logiciels adaptés. Et cela représente un coût. Il n’y a pas de financement en regard. C’est pourquoi on demande une meilleure visibilité sur le financement, avec un budget adopté sur trois ans et non plus annuellement. En outre, cela permettrait de faire face à des coups durs. Il existe de grandes disparités régionales de financement, liées au niveau de la TGAP. Certaines associations ont du mal à assurer la surveillance réglementaire demandée par l’État. Quand un analyseur tombe en panne, on n’a pas toujours les moyens de le remplacer. C’est certes marginal, mais c’est un signe.

Alexandra Chaignon, L’Humanité


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