Quelles vont être les conséquences économiques et écologiques du retrait des Etats Unis de l’accord de Paris ?

samedi 3 juin 2017.
 

Donald Trump en avait fait une promesse de campagne, il l’a finalement mise à exécution. En direct de la roseraie de la Maison Blanche, le président américain a annoncé jeudi 1er juin le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Ils rejoignent ainsi les deux seuls autres pays à ne pas faire partie de l’accord : la Syrie, en pleine guerre civile, et le Nicaragua, qui considère, comme l’explique le Time, que l’accord ne va pas assez loin.

Les Etats-Unis avaient pourtant été l’un des principaux architectes de cet accord, et l’administration Obama l’avait ratifié en septembre 2016. Si cette rupture ne signifie pas la dissolution de l’accord de Paris et que le scénario privilégié par Donald Trump pour sortir n’est pas encore connu, franceinfo évalue les conséquences pour la protection et la géopolitique environnementale qu’aura cette décision. Les objectifs de l’accord plus difficilement atteignables

Les Etats-Unis sont le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre au monde, derrière la Chine. Dans le cadre de l’accord de Paris, les Etats-Unis avaient établi l’objectif de réduire de 28% à 26% leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025. Cette contribution volontaire servait l’objectif scellé par l’accord de Paris : "Maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale bien au-dessous de 2°C de réchauffement par rapport aux niveaux de la période préindustrielle".

"On peut dire adieu à l’objectif de 2°C", analyse François Gemenne, spécialiste de géopolitique environnementale. Le problème, c’est que la somme des contributions volontaires des Etats, parties à l’accord, ne permettent déjà pas, en l’état, d’assurer la réalisation de cet objectif. Si chaque pays respecte ses engagements initiaux, l’atmosphère se dirige vers un réchauffement de 3°C. Pour réaliser l’objectif de l’accord de Paris, il faut que les Etats revoient régulièrement leurs engagements à la hausse.

Or, avec la sortie des Etats-Unis, "cela sera, politiquement, beaucoup plus difficile à exiger, explique François Gemenne. Comment voulez-vous demander aux autres pays d’appuyer sur l’accélérateur si les Etats-Unis font marche arrière ?" Cela concerne particulièrement les pays en voie de développement, dont la croissance repose sur des secteurs d’activité qui émettent fortement des gaz à effet de serre. Un vide de financement

Les Etats-Unis ont compté parmi les principaux architectes de l’accord de Paris. Sans leur financement, la pérennité du projet est remise en question. "En général, les Etats-Unis représentent entre 18 et 20 % des financements internationaux. C’est un gros manque à gagner qu’on ne peut pas remplacer en tant que tel. Donc, il va falloir imaginer de nouveaux mécanismes financiers pour pallier à cette absence américaine", développe l’économiste Laurence Tubiana, ancienne ambassadrice française des négociations climatiques, qui était chargée de préparer et construire l’accord de Paris. Un manque de leadership

Les Etats-Unis ont aussi joué un rôle central dans l’inclusion de dispositions pour mettre en place un système transparent de contrôle des émissions, comme le rapporte le New York Times (lien en anglais). "Les Européens ont repris cette thématique il y a quelques semaines parce que les Américains ont été vraiment silencieux", assure Laurence Tubiana. Il faut dire, comme elle le souligne, que "c’est ce mécanisme de contrôle qui fait tenir l’accord".

Le retrait des Etats-Unis d’un accord non-contraignant qui vise à protéger l’environnement pourrait aussi décrédibiliser la puissance américaine sur la scène internationale. "En matière de politique étrangère, c’est une erreur colossale, une abdication du leadership américain", a commenté pour le New York Times (lien en anglais) Nicholas Burns, un ancien diplomate américain et professeur de relations internationales à Harvard. "Le succès de notre politique étrangère - pour le commerce, l’armée, et n’importe quel autre type de négociation - dépend de notre crédibilité, a-t-il ajouté. Je ne peux pas imaginer quelque chose de plus destructeur vis-à-vis de notre crédibilité." En se retirant de cet accord, les Etats-Unis perdent un levier dans leurs futures négociations internationales sur des sujets dépassant les questions environnementales. Un boulevard ouvert à la Chine et à l’Europe dans la transition énergétique

Le retrait des Etats-Unis sape aussi sa capacité à endosser un rôle de leader économique dans la transition énergétique mondiale, alors que les énergies renouvelables représentent déjà près de 10 millions d’emplois dans le monde, selon le rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena).

Un rôle que la Chine cherche à jouer à tout prix. En janvier 2017, l’Administration nationale de l’énergie en Chine a annoncé des investissements dans la production d’énergies renouvelables à hauteur d’environ 320 milliards d’euros d’ici à 2020, avec une prévision de 13 millions d’emplois créés dans le secteur.

La Chine a déjà réaffirmé jeudi son engagement à mettre en œuvre tous ses engagements dans le cadre de l’accord de Paris, mais elle s’est aussi tournée vers l’Europe. "C’est un vide rempli par la Chine, mais c’est un vide aussi rempli par un leadership plus distribué, une coalition de pays qui s’entend pour maintenir le momentum", explique Laurence Tubiana. A l’issue d’un sommet avec l’Union européenne à Bruxelles vendredi, la Chine et les 28 adopteront une déclaration conjointe pour "confirmer leurs engagements envers l’accord historique" de Paris et "accélérer leur coopération pour améliorer sa mise en œuvre".

Cette première déclaration commune entre la Chine et l’Union européenne semble signaler une redistribution des positions d’influence géopolitique dans le domaine de l’environnement, comme pour narguer les Etats-Unis dans leur nouvel isolement.


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