Vers la privatisation de l’espace ?

lundi 4 septembre 2017.
 

Cet été le Sénat a adopté une loi prévoyant l’exploitation des ressources spatiales par des compagnies privées. Cette première européenne s’inscrit dans la continuité du Space act américain de 2015.

Les deux textes remettent en cause le traité de l’espace de 1967. Adopté en pleine guerre froide, il régit encore aujourd’hui les droits des pays dans l’espace. Son article 2 prévoit que « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen ». L’espace est donc considéré comme une res nullium : il ne peut appartenir à personne.

Certes, ce traité ne concerne que l’appropriation étatique d’un territoire et non l’exploitation des ressources. Mais comment un état peut-il accorder des droits d’exploitation sur un territoire qui n’est pas le sien ? Cette initiative du Luxembourg menace directement les règles actuelles. Elle confirme le mépris de ce pays pour l’intérêt général, déjà prouvé par son rôle dans l’organisation de l’évasion fiscale des multinationales. Le silence de l’Union européenne sur un tel sujet est aussi très inquiétant pour l’avenir.

Aujourd’hui les seuls produits spatiaux vendus ont été les échantillons de sol lunaire rapportés en 1993 par la Russie alors que ce pays était en proie à une extrême corruption et l’autorité étatique quasi inexistante. Tous les autres objets sont une propriété collective de l’humanité et les scientifiques du monde entier peuvent travailler en commun sur leur étude.

Cette donne pourrait bien changer. Déjà, des sociétés prévoient de rapporter des roches lunaires afin de les vendre aux collectionneurs. Dans quelques années, ils souhaitent piller les astéroïdes remplis de métaux, terres rares et autres produits utiles pour l’industrie. Peut-être sera-t-il aussi question d’aller exploiter Titan, le satellite de Saturne. La menace est grande de voir l’accaparement par quelques-uns d’un bien commun et l’extension de la prédation productiviste et capitaliste à l’univers entier comme fuite en avant au lieu de la transition écologique sur Terre. L’exploration spatiale ne devrait au contraire avoir pour objectif que la connaissance et son partage. Le traité de l’espace de 1967 gagnerait à être enrichi pour tenir compte de ces nouveaux enjeux.

Voilà un bel objectif qu’aurait pu se fixer un gouvernement français soucieux de penser l’avenir en commun.

Bastien Lachaud


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