Argentine : Maldonado assassiné, du fascisme de Videla au libéralisme de Macri

mardi 24 octobre 2017.
 

- C) C’est bien le cadavre de Santiago qui a été retrouvé. Colère contre le gouvernement argentin

- B) Santiago Maldonado, la disparition qui réveille les vieux démons

- A) Disparition en Argentine d’un jeune manifestant après une intervention policière

C) C’est bien le cadavre de Santiago qui a été retrouvé. Colère contre le gouvernement argentin

Cela faisait 81 jours que l’on était sans nouvelle de lui. Après une opération de gendarmerie de grande violence conduite contre une communauté mapuche, dans le Sud du pays, Santiago Maldonado, un jeune activiste de la cause autochtone, était porté disparu. Le gouvernement de droite de Mauricio Macri a soutenu les hypothèses les plus improbables pour couvrir la gendarmerie. Mardi, en revanche, son cadavre a été retrouvé sur les lieux mêmes où les flics sont intervenus, le 1er août. A la veille d’élections législatives de mi-mandat pour lesquelles la droite argentine partait favorite, ce sont l’ensemble des cartes qui pourraient être rebattues.

Quelques jours avant le scrutin décisif de dimanche, la justice a ordonné le ratissage, pour la quatrième fois depuis le mois d’août, de la portion du fleuve Chubut en direction de laquelle Santiago Maldonado avait fui avec l’ensemble de la communauté mapuche de Cushamen qui protestait contre l’accaparement de leurs terres ancestrales par Benetton le jour où les forces de gendarmerie sont intervenues. Mardi, donc, de façon complètement improbable, les plongeurs de la police ont retrouvé un corps, flottant à la surface et à 300 mètres en amont de l’endroit où avait été vu pour la dernière fois Santiago Maldonado et qui a été identifié comme celui du jeune activiste.

Ce qui, d’entrée de jeu, ressemblait à une « disparition politique forcée », à savoir l’assassinat d’un militant, suivi de la soustraction du corps, en acquiert aujourd’hui toutes les caractéristiques. Le meurtre de Santiago Maldonado rappelle les heures les plus sombres de l’’histoire contemporaine de l’Argentine, la période de la dictature militaire de 1976-1983 et son cortège de 30.000 disparu-e-s. Elu en 2015, le président de droite Mauricio Macri semblait n’accorder qu’une importance toute secondaire à cette période, prônant la « réconciliation nationale » et souhaitant refermer la parenthèse des procès intentés contre les responsable de crimes contre l’humanité et de génocide pour la période 1976-1983. Le meurtre de Santiago vient rappeler qu’il ne s’agissait pas d’un simple projet tourné en direction du passé. Ce crime politique indique la continuité existante entre le discours et les pratiques de la droite argentine et des forces de répression et le projet porté par la dictature de Videla.

Après plusieurs semaines de mobilisations pour que la lumière soit faite sur la disparition de Santiago, en Argentine comme à l’étranger, des manifestations monstre ont été organisées depuis jeudi soir, partout dans le pays, en dépit de la suspension de la campagne par les partis politique et l’interdiction de tenir des rassemblements à la veille du scrutin.

Pour l’avocate et candidate du PTS au sein du Front de Gauche et des Travailleurs (FIT), Myriam Bregman, « [en dépit de l’attente des résultats de l’autopsie] on peut d’ores et déjà parler d’un assassinat par la gendarmerie. ET je ne parle pas ici seulement d’un point de vue politique, mais tout simplement juridique. Santiago n’était pas en train de pécher ou de se promener [sur les bords du fleuve Chubut]. Il courrait pour échapper à une opération de répression sans pitié conduite directement par le ministère de l’Intérieur. C’est dans ce cadre-là que Santiago est mort. Nous verrons par la suite s’il a été assassiné et que l’on a placé le corps, par la suite, ou s’il a été assassiné et que le corps était là depuis le début. Nous allons attendre les résultats de l’autopsie pour nous exprimer sur la version complète des faits. Mais en aucun cas il n’est possible d’exclure la responsabilité de la gendarmerie. Les gendarmes qui étaient sur place savaient, eux, ce qu’il s’est passé (…). Un jour ou l’autre le gouvernement devra payer pour autant de cruauté et d’impunité ».

L’impact des derniers rebondissements autour de l’assassinat de Santiago est encore compliqué à évaluer tant la polarisation s’est accrue au cours des dernières semaines, autant sur la droite qu’en direction de la coalition péroniste menée par l’ancienne présidente, Cristina Kirchner. Vendredi soir, les derniers sondages pour la province de Buenos Aires, une province absolument clef pour la politique argentine, continuaient à donner Esteban Bullrich, neveu de la ministre de l’Intérieur, au coude-à-coude avec Kirchner, avec 38,5% des intentions de vote. Le FIT, en première ligne des mobilisations au cours des dernières semaines aura à se battre pour arracher chaque voix contre la pression du « vote utile » en direction du centre-gauche et du kirchnérisme. L’enjeu sera de conserver, sur l’échiquier électoral, l’autorité politique que l’extrême gauche trotskyste argentine, menée par le jeune Nicolás Del Caño, a consolidé au cours des dernières années, et de sanctionner lourdement Macri sans pour autant conforter une Kircner qui souhaiterait se présenter pour un nouveau mandat en 2020.

En attendant l’ouverture des bureaux de vote, dimanche, un nouvel appel à manifester, centralisé, a été lancé pour aujourd’hui, 14h (heure locale), à Buenos Aires, pour exiger des comptes et la démission des responsables de l’assassinat de Santiago.

Source : http://www.revolutionpermanente.fr/...

B) Argentine : Santiago Maldonado, la disparition qui réveille les vieux démons (AFP et BFM)

La disparition inexpliquée d’un jeune manifestant argentin en Patagonie inquiète la société argentine qui craint un retour à certaines méthodes du temps de la dictature.

Santiago Maldonado, un jeune baba cool argentin, a mystérieusement disparu en Patagonie quand la gendarmerie a dispersé une manifestation. Depuis, les Argentins se mobilisent car ils y voient un modus operandi rappelant les sombres heures de la dictature.

Disparu depuis un mois

Vendredi, cela fait un mois que le jeune artisan de 28 ans, barbe et long cheveux noirs, n’a pas donné signe de vie. Pour l’occasion, ils seront des milliers à manifester pour exiger des comptes aux autorités, sur la Place de Mai, dans le centre de Buenos Aires.

"Où est Santiago Maldonado", "on le veut vivant" : ces slogans sont devenus viraux sur les réseaux sociaux.

L’anthropologue Alejandro Grimson fait remarquer que depuis la fin de la dictature militaire, en 1983, il existe en Argentine "un pacte selon lequel l’Etat ne peut pas exercer de violences menaçant la vie ou l’intégrité des personnes. Et chaque fois que ce pacte a été violé, cela a généré une grande commotion dans la société".

Le sort de la plupart des disparus de la dictature étant toujours inconnu, c’est un sujet sensible en Argentine, une plaie béante. Une explication du phénomène Maldonado est que depuis la fin de la dictature, c’est la première fois qu’une instance de l’Etat est soupçonnée d’avoir fait disparaître un opposant.

Bavure ?

Les Mères de la Place de Mai, mobilisées depuis 40 ans pour dénoncer la disparition de leurs enfants durant la dictature (1976-1983) se sont jointes au mouvement de protestation.

En pleine campagne électorale avant les législatives de mi-mandat, l’ex-présidente de gauche Cristina Kirchner a saisi l’aubaine pour s’associer à la mobilisation et critiquer le gouvernement.

L’affaire est encombrante pour le pouvoir, car une bavure a peut-être été commise. Le gouvernement nie une "disparition forcée", alors qu’une enquête a été ouverte par la justice. Mais cette enquête piétine, dans un pays où le taux de résolution des affaires criminelles est très faible.

La ministre de la Sécurité se dit convaincue que la gendarmerie n’a rien à voir avec sa disparition et a demandé à ses détracteurs de ne pas politiser cette affaire. Mercredi devant le Parlement, le chef du gouvernement a lancé : "nous sommes les premiers à souhaiter qu’il réapparaisse".

Pression internationale

Les Nations unies, Amnesty International et la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) de l’OEA se sont émues de l’affaire.

Sa mère le décrit comme "éloigné de toute militance politique. Son engagement est social. Il se fait facilement des amis et soutient les causes qui lui paraissent justes". "C’est simplement un défenseur de tout un tas de causes", confirme un de ses amis. Ensemble, ils ont fait un voyage au Chili en 2017.

Le 1er août, il participait à une manifestation de la communauté Mapuche de la province de Chubut qui bloquait une route pour revendiquer des terres détenues par l’entreprise Benetton, finalement dispersée par des escadrons de gendarmes dans le bourg de Pu Lof.

Le gouvernement a offert une prime de 25.000 euros pour toute information permettant d’élucider l’énigme Maldonado.

Le phénomène a même gagné les terrains de football. Les joueurs du club de San Lorenzo ont déroulé avant un match une banderole demandant "où est Santiago Maldonado".

C.Br. avec AFP

B) Disparition en Argentine d’un jeune manifestant après une intervention policière (Le Monde)

Santiago Maldonado a été vu pour la dernière fois le 1er août, alors que la gendarmerie dispersait un rassemblement de la communauté mapuche, en Patagonie.

Cela fait plus d’une semaine que personne, en Argentine, n’a de nouvelles de Santiago Maldonado. La famille du jeune homme et plusieurs organisations de défense des droits humains accusent la gendarmerie d’avoir « fait disparaître » le jeune homme à la suite d’une intervention musclée lors d’une manifestation de la communauté mapuche – Amérindiens vivant en Patagonie. Mercredi 9 août, Amnesty International a lancé une campagne pour exiger une réponse immédiate de l’Etat. Sa famille et les autorités se renvoient la balle, s’accusant mutuellement de nourrir des zones d’ombre dans l’enquête.

L’artisan de 28 ans, originaire de la province de Buenos Aires, participait à une manifestation de la communauté mapuche de Cushamen, dans le sud du pays, à 1 800 kilomètres de la capitale. Plusieurs témoins assurent l’avoir vu pour la dernière fois le 1er août, lorsque les forces de l’ordre ont chargé violemment les manifestants, interpellant le jeune homme et l’embarquant dans une camionnette. La ministre de la sécurité, Patricia Bullrich, et le juge chargé de l’enquête, Guido Otranto, assurent, eux, qu’« aucun indice ne prouve » que la gendarmerie soit en cause.

Les déclarations des témoins présents sur place coïncident pourtant « pleinement » avec les indices retrouvés sur le terrain, assure le défenseur des droits de la ville d’Esquel, Fernando Machado. Selon lui, les camionnettes des gendarmes ont été nettoyées après l’opération et des éléments personnels de M. Maldonado ont été retrouvés à l’endroit précis où, selon les membres de la communauté mapuche qui ont dénoncé la disparition, l’interpellation a eu lieu.

L’ONU réclame une « action urgente »

« Ni militant ni activiste », selon son frère, Sergio Maldonado, le jeune argentin « a très à cœur la cause des communautés originaires » du pays, raison pour laquelle il était allé expressément soutenir leur action, destinée à exiger la libération du leader mapuche Francisco Jones, incarcéré par le juge Otranto depuis le mois de juin. Les indigènes occupent depuis 2015 une portion de terres ancestrales appartenant officiellement à l’entreprise italienne Benetton et bloquent régulièrement des routes pour en revendiquer la propriété.

Amnesty International a dénoncé « les violations des droits humains » perpétrées par la gendarmerie lors de l’intervention musclée contre les manifestants mapuches, et exige également qu’une solution définitive soit trouvée aux réclamations territoriales du peuple indigène. Une récompense de 24 000 euros pour tout renseignement sur le sort de l’artisan

Mardi, le Comité des Nations unies contre les disparitions forcées avait déjà appelé le gouvernement argentin à entreprendre une « action urgente » afin de trouver M. Maldonado. L’Etat offre désormais une récompense de 500 000 pesos argentins (24 000 euros) pour tout renseignement sur le sort de l’artisan. Lundi soir, une manifestation massive a eu lieu devant le palais du Congrès à Buenos Aires, convoquée par la famille Maldonado.

Disparition en démocratie

« Ils enlèvent quelqu’un et prétendent ne pas savoir où il est ! », proteste Sergio Maldonado, faisant le parallèle avec une des périodes les plus sombres de l’histoire récente du pays sud-américain, où la dictature militaire a été responsable de la disparition forcée de plus de 30 000 personnes entre 1976 et 1983, qui ont en fait été torturées et assassinées.

Les associations de défense des droits humains des Mères et des Grands-mères de la place de Mai et le Centre d’études légales et sociales, qui avaient demandé l’intervention de l’ONU au sujet de la disparition de Santiago Maldonado pour faire pression sur l’Etat, soutiennent qu’il s’agit d’un cas de « disparition » dans le cadre d’une « violence institutionnelle commise par un Etat démocratique ». Quelques jours avant des primaires aux élections législatives d’octobre, où elle figure en tête des sondages, l’ex-présidente Cristina Fernandez de Kirchner a tweeté :

« Santiago doit être retrouvé maintenant, et doit être retrouvé en vie. »


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