Réactions aux propos de Nicolas Sarkozy sur Mai 1968

mercredi 2 mai 2007.
 

Gérard Aschieri

“Un discours idéologique”, commente Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU (éducation). “L’école de Jules Ferry était une école de tri social extrêmement forte. On se donne l’illusion qu’avant on formait bien tout le monde alors que c’est totalement faux”. Selon le leader syndical, “ce discours sur Mai 68, c’est de l’idéologie à l’état brut avec un côté âge d’or qui n’a jamais existé”.

“Une société totalement verrouillée”

Mai 68, c’était aussi “11 millions de grévistes qui ont obtenu les accords de Grenelle, le droit des femmes à accéder à la contraception, un vent de liberté contre une société totalement verrouillée”, a pour sa part commenté la candidate Ségolène Royal, qui souligne en outre la “grande violence” et la “grande brutalité” du discours de l’ancien ministre de l’Intérieur.

François Hollande

Régression

François Hollande n’est pas en reste. Le Premier secrétaire du Parti socialiste estime que Nicolas Sarkozy mène “une démarche de régression, pour ne pas dire de réaction”. “Ce n’est pas la société de demain que prépare Nicolas Sarkozy, (...) c’est la société d’hier ou d’avant hier”, estime-t-il. A ses yeux, Nicolas Sarkozy est le “candidat de la régression, du bilan, du statu quo, de l’injustice” mais aussi “de l’incantation”.

Daniel Cohn-Bendit

“Un moment important de la modernisation de la société française”

Enfin Daniel Cohn-Bendit, qui fut un des leaders de mai 68, considère que Mai 68 “a transformé la société française de fond en comble, a libéré l’autonomie des individus”. “68, c’est un moment important de la modernisation de la société française”, “c’était une soif de vie”, a-t-il jugé, tout en ajoutant que “la critique a été faite par des tas de gens, dont moi, depuis longtemps”.

Dominique Strauss-Kahn

Je n’aimerais pas une société qui soit le contraire des idéaux de Mai 68 DSK revient sur les propos de Nicolas Sarkozy :

“Je n’aimerais pas une société qui soit le contraire des idéaux de Mai 68. Il n’y a aucune raison que nous soyons honteux de 1968. Je ne renie pas ces valeurs, même si évidemment c’était souvent un peu loufoque“.

“Ces événements ont existé un peu partout dans le monde, aux Etats-Unis et partout en Europe, ça a été une sorte d’émergence de la jeunesse faisant valoir des valeurs nouvelles de liberté, d’affranchissement, de volonté, de solidarité, de joie et de projection dans l’avenir et de bonheur“.

Dominique Strauss-Kahn salue les réformes entreprises après ces événements notamment par des “personnes de droite comme Simone Veil, le remboursement de l’IVG, c’est le produit de 68“, ajoutant que “les vingt ans qui ont suivi ont été inspirés dans la musique, dans les arts, dans la réflexion politique par Mai 68“.

“La seule liberté que Sarkozy aime, c’est la liberté économique, la liberté du plus fort qui écrase le plus faible. La liberté qui s’exprime par la créativité, la liberté que traduit la jeunesse quand elle veut changer les choses, ça a toujours été une question pour Nicolas Sarkozy“.

Lors de son meeting dimanche à Bercy, le candidat UMP à l’élection présidentielle s’est livré à une attaque en règle contre les héritiers de Mai 68 dont fait partie selon lui la gauche, les accusant d’avoir détruit les valeurs et la hiérarchie et se demandant si cet héritage “doit être liquidé une bonne fois pour toute“.

La harangue anti Mai 68 de Sarkozy alarme des acteurs de l’Education

“Retour à l’autoritarisme”, “intervention haineuse”, “discours inquiétant” : des syndicats et acteurs de l’Education se sont montrés très inquiets lundi après l’attaque virulente de Nicolas Sarkozy contre l’héritage de Mai 68.

“C’est un discours que j’ai trouvé très revanchard et hargneux car Sarkozy soumet à la vindicte populaire les syndicalistes, les politiques, les fonctionnaires, cela rappelle des heures assez tristes de notre histoire et ça fait froid dans le dos”, a déclaré lundi Bruno Julliard, président du syndicat étudiant Unef.

Lors de son meeting dimanche à Bercy (Paris) le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle s’est livré à une attaque en règle contre les héritiers de Mai 68 dont fait partie selon lui la gauche, les accusant d’avoir détruit les valeurs et la hiérarchie et se demandant si cet héritage “doit être liquidé une bonne fois pour toute”.

Cette phrase a fait bondir l’ancien étudiant et leader de Mai 68 Daniel Cohn-Bendit qui a taxé Nicolas Sarkozy de “bolchévisme”.

“Parler de liquidation de 68, c’est du bolchevisme” a dit M. Cohn-Bendit, jugeant “incroyable ce terme stalinien, bolchevique, de “liquidation“.

“Il y a derrière tout cela, non pas un discours de compréhension du système éducatif, mais un discours de la nostalgie qui fait froid dans le dos” a enchéri Patrick Gonthier, secrétaire général de l’Unsa-Education car “ce n’est pas en stigmatisant qu’on comprend l’évolution de la société”.

Selon le secrétaire général de la fédération de l’Education Sgen-CFDT, Jean-Luc Villeneuve, le candidat UMP “s’inscrit dans le courant actuel des nostalgiques et pour Sarkozy depuis 68 c’est la chienlit !”.

“C’est une intervention haineuse, Mai 68 a mis en avant l’exercice du droit syndical, l’école de la mixité, le droit des femmes et a déclenché ce qu’on appelle la massification, ce n’est pas rien” a ajouté Jean-Luc Villeneuve.

Pas pour Nicolas Sarkozy qui estime que Mai 68 a “liquidé l’école de Jules Ferry qui était une école de l’excellence, une école du mérite, une école du respect”.

“L’école de Jules Ferry était une école de tri social extrêmement forte ! On se donne l’illusion qu’avant on formait bien tout le monde alors que c’est totalement faux”, a critiqué Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, principale fédération de l’Education.

Selon le leader syndical, “ce discours sur Mai 68, c’est de l’idéologie à l’état brut avec un côté âge d’or qui n’a jamais existé”.

Il a rappelé par exemple qu’une enquête Insee sur l’analphabétisme “montre qu’il y a moins d’analphabétisme chez les jeunes autour de 18 ans aujourd’hui que chez les 55 ans ou plus (scolarisés avant avant 68, NDLR)”.

Le pédagogue Philippe Meirieu (et l’un des fondateurs des Instituts universitaires de formation des maîtres, IUFM) a lui estimé que ces relevaient d’un retour à “l’autoritarisme” : “Ce que dit Sarkozy sur l’autorité ressemble au discours de Pétain, avec un retour à l’autoritarisme, à une forme d’obéissance arbitraire fondée sur la force”.

“M. Sarkozy s’est livré à une violente critique de Mai 68 au nom des valeurs républicaines, mais c’est la droite qui en 1968 a supprimé l’éducation civique et la distribution des prix au Concours général, et c’est moi comme ministre de l’Education nationale qui les ai rétablies en 1985″, s’est aussi insurgé Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du MRC.

Les Réactions Voici les principales réactions suite à la déclaration de Nicolas Sarkozy, qui a déclaré dimanche 29 avril qu’il voulait “liquider” l’héritage de mai 68, car cet événement a imposé selon lui “le relativisme intellectuel et moral”.

A GAUCHE

Jean-Christophe Cambadélis, député PS : “Sans être un admirateur de 68, on peut quand même dire que sans ces évènements il n’y aurait pas au 2e tour de la présidentielle un fils d’immigré et une femme”.

(Communiqué, lundi 30 avril) Ségolène Royal, candidate socialiste, dénonce la “grande violence” et la “grande brutalité” du discours de Nicolas Sarkozy. Elle rappelle que Mai 68, c’était aussi “11 millions de grévistes qui ont obtenu les accords de Grenelle, le droit des femmes à accéder à la contraception, un vent de liberté contre une société totalement verrouillée”. “Moi je veux prendre le meilleur de chaque époque pour inventer la France de demain”. (Déclaration, lundi 30 avril)

Daniel Cohn-Bendit, parmi les leaders de mai 68 : “Parler de liquidation de 68, c’est du bolchevisme”. “Si on veut un bolchevique au pouvoir en France, eh bien : Sarkozy !”, a-t-il lancé. Daniel Cohn-Bendit a toutefois assuré avoir trouvé “très drôle” le réquisitoire du candidat UMP contre “les héritiers de mai 68″. “C’est digne du plus grand spectacle de chansonniers”, a-t-il dit. “Il ne sait pas de quoi il parle”. (Déclaration, lundi 30 avril)

Jack Lang, conseiller spécial de Ségolène Royal : Alors que dans ses discours le candidat UMP fustige mai 68, selon lui, “c’est du côté de Ségolène Royal qu’est la vraie hiérarchie des valeurs”. (Déclaration, lundi 30 avril)

Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du MRC, a jugé que Nicolas Sarkozy “ferait mieux de balayer devant sa porte avant de donner des leçons de morale dont Mme Royal n’a rien à cirer”. “M. Sarkozy s’est livré à une violente critique de mai 68 au nom des valeurs républicaines, mais c’est la droite qui en 1968 a supprimé l’éducation civique et la distribution des prix au Concours général, et c’est moi comme ministre de l’Education nationale qui les ai rétablies en 1985″. Jugeant que le candidat UMP “ferait mieux de rendre compte du bilan de son action depuis 2002″, M. Chevènement s’est demandé si Nicolas Sarkozy, “en déclarant revenir au ministère de l’Intérieur pour mieux se protéger de ses amis, a donné l’exemple de ce que doit être l’autorité de l’Etat”. (Déclaration à la presse, lundi 30 avril)

Henri Weber, député européen socialiste : “Nicolas Sarkozy a trouvé un nouveau bouc émissaire : après les immigrés, les fonctionnaires, c’est Mai 68 qui est désormais responsable de tous les malheurs de la France !” “Imputer à un événement vieux de 40 ans nos difficultés d’aujourd’hui est inepte. C’est comme si on attribuait à l’affaire Dreyfus la responsabilité de la défaite de 1940 !” Selon lui, “Mai 68 fut un grand mouvement démocratique et libertaire”, qui a été “à l’origine du mouvement de libération des femmes, des mouvements écologiques, régionalistes, homosexuels”. “Ce fut aussi la plus grande mobilisation ouvrière de l’histoire de France”, rappelle-t-il. La “campagne de la droite” contre Mai 68 a “deux objectifs”, explique-t-il : “En finir avec le modèle social français” et “revenir à l’ordre moral répressif et à l’exercice autoritaire du pouvoir qui prévalaient avant le soulèvement de mai”. (Communiqué, lundi 30 avril)

François Hollande, premier secrétaire du PS : Nicolas Sarkozy mène “une démarche de régression, pour ne pas dire de réaction”. Selon lui, “ce n’est pas la société de demain que prépare Nicolas Sarkozy, (...) c’est la société d’hier ou d’avant hier”. François Hollande a qualifié Nicolas Sarkozy de “candidat de la régression, du bilan, du statu quo, de l’injustice” mais aussi “de l’incantation”. Il l’a accusé de “promettre tout à tout le monde”, “aux travailleurs d’avoir des heures supplémentaires, à ceux qui n’ont pas d’emploi d’en avoir un, aux agriculteurs d’avoir de meilleurs revenus, aux commerçants d’avoir moins de charges, aux patrons de payer moins d’impôts, aux salariés d’avoir plus de salaire, aux chasseurs de pouvoir chasser, aux écologistes de pouvoir mieux respirer, aux vieux de devenir plus jeunes, aux jeunes de rester jeunes”. (Point presse, lundi 30 avril)

LES SYNDICATS

Bruno Julliard, président du syndicat étudiant Unef : “C’est un discours que j’ai trouvé très revanchard et hargneux car Sarkozy soumet à la vindicte populaire les syndicalistes, les politiques, les fonctionnaires, cela rappelle des heures assez tristes de notre histoire et ça fait froid dans le dos”. (Déclaration, lundi 30 avril)

Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU a qualifié les propos de Nicolas Sarkozy de “discours idéologique” qui sous-entend un “retour à un âge d’or qui n’a jamais existé”. “L’école de Jules Ferry était une école de tri social extrêmement forte. On se donne l’illusion qu’avant on formait bien tout le monde alors que c’est totalement faux”. Gérald Aschieri a par ailleurs rappelé qu’une enquête Insee sur l’analphabétisme “montre qu’il y a moins d’analphabétisme chez les jeunes autour de 18 ans aujourd’hui que chez les 55 ans ou plus (scolarisés avant avant 68, ndlr)”. “Il y a 30 ou 50 ans, ceux qui sortaient du système n’étaient pas mieux formés qu’aujourd’hui. A l’époque, on pouvait s’insérer dans le monde du travail en sachant à peine lire ou écrire, alors qu’aujourd’hui c’est une source irrémédiable de grande exclusion” (Déclaration, lundi 30 avril)

Patrick Gonthier, secrétaire général de l’Unsa-Education : “C’est toujours la même procédure, il y a derrière tout cela, non pas un discours de compréhension du système éducatif, mais un discours de la nostalgie qui fait froid dans le dos. Ce n’est pas en stigmatisant qu’on comprend l’évolution de la société” Selon Patrick Gonthier, Mai 68 “a apporté la mixité dans le système éducatif. On est passé d’un système élitiste à un système éducatif à plusieurs niveaux et un taux de scolarisation qui n’était plus le même avec le début de la massification”. (Déclaration à la presse, lundi 30 avril)

Autres

Philippe Meirieu, pédagogue, fondateur des IUFM (instituts de formation des maîtres) : “Ce que Nicolas Sarkozy dit sur l’autorité ressemble au discours de Pétain, avec un retour à l’autoritarisme, à une forme d’obéissance arbitraire fondée sur la force et non sur la compétence”. “C’est une vision infantilisante de l’école”, a-t-il déploré. “Liquider mai 68, c’est un recul inquiétant de la démocratie : c’est mettre en place un dispositif dans lequel l’autorité ne se discute pas, or l’autorité démocratique, par essence, se discute”, a-t-il estimé. “Il y a eu des excès libertaire en mai 1968, mais ils ont très vite été cadrés.” “Ce qui a fait l’enfant roi, ce n’est pas mai 1968, ce sont les médias et la publicité, qui exaltent les caprices de l’enfant consommateur”, a-t-il conclu. (Déclaration, lundi 30 avril)

Georges Moustaki : “Il s’en prend à une période de ma vie et de la vie de ma génération qui était très importante au niveau des libertés qui ont été conquises. Et de vouloir les occulter, de vouloir les combattre, c’est un crime de lèse-liberté”, fustige Georges Moustaki.


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