Ciné : 120 battements subversifs par minute

mercredi 18 octobre 2017.
 

Émouvant, sincère, combatif, 120 battements par minute exalte au général comme au particulier l’énergie de la lutte et ses effets libérateurs.

Ce film est une romance entre deux homosexuels sur fond de lutte de l’association Act Up contre le sida dans les années 1980/90. Les scènes d’amour sans métaphore alternent avec les actions-coup de poing, les affres de la progression de la maladie avec les fêtes qui symbolisent la vie.

Robin Campillo, le réalisateur, connaît son sujet. Gay il a adhéré en 92 à l’association. Il n’a cependant pas voulu se livrer à une reconstitution. S’il a conservé actions et débats en les agençant selon une logique plus narrative qu’historique, ses personnages sont fictionnels. Son objectif et celui de son co-scénariste Philippe Mangeot, un des ex-présidents d’Act Up, était de « retrouver la musique des voix et l’intensité des débats ».

Quoi de moins « cinégénique » que des réunions ? Pourtant le retentissement du film - son prix à Cannes, le succès public, et sa possible sélection aux Oscars - montre l’intérêt porté au sens de la responsabilité de ces hommes et femmes. À leur combat à travers les dissensions, voire les engueulades qui émaillent chaque réunion hebdomadaire où se définissent les actions à venir. On est loin d’une saga héroïque mais plutôt au milieu d’un chantier, d’un bricolage où l’on hésite sur le choix des outils et de leur usage.

Les deux slogans majeurs du film - et leur mise en œuvre - « Silence = mort » et « Action = Vie » sont riches de sens. Après le déni des premières années qui a suivi l’apparition de l’épidémie, il fallait réveiller les consciences : la maladie n’était-elle pas présentée comme touchant des « marginaux », des homos, des prisonniers, des drogués, ou des hémophiles ? Il fallait tordre le bras aux institutions médico-pharmaceutiques et aux pouvoirs publics. Le combat de cette poignée d’activistes a eu un impact vital sur la santé publique.

Mais eux-mêmes se sont aussi sublimés à travers leur lutte collective, retrouvant un goût insatiable pour la vie alors que le désespoir voire la mort rodait. C’est en cela que ces 120 battements par minute sont infiniment subversifs. Ils mesurent les pulsations de l’excitation à lutter pour une juste cause, ses bénéfices en général comme en particulier, et font partager une énergie et une jubilation communicatives. « Le combat est le père de toutes choses », avançait le Grec ancien Héraclite. Ce rappel n’est pas sans pertinence en ces temps de consensus obligatoire.

Jean-Luc Bertet


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