Le 19e congrès du PCC et la nouvelle structuration du pouvoir en Chine

dimanche 5 novembre 2017.
 

Le statut décerné par le 19e congrès du Parti communiste chinois à Xi Jinping et la composition des organes dirigeants renforcent les changements en cours dans la gouvernance du pays.

Le PCC compte 89 millions d’adhérents, le congrès a réuni 2280 délégué.e.s, le comité central comprend 207 membres permanents, le bureau politique 25 et le comité permanent du CC, 7. C’est ce dernier qui représente le cœur du pouvoir. Les votes ont invariablement été unanimes.

La concentration du pouvoir aux mains de 7 hommes est donc extrême. Ils sont tous nés dans les années cinquante, ayant aujourd’hui entre 60 et 67 ans. Ils appartiennent à la cinquième génération de cadres et, contrairement à l’usage, aucun représentant de la génération suivante n’a été intégré ; la succession n’a pas été amorcée. C’est d’autant plus frappant que seuls trois membres de ce comité pourraient être reconduits au congrès de 2022 si les règles en vigueur sont respectées. La question de l’après-2022 reste donc entièrement ouverte, ce qui arrange bien Xi Jinping et ses soutiens.

Le congrès a érigé Xi en égal de Mao et de Deng, inscrivant sa « pensée » dans la charte du parti – un honneur qui n’avait été rendu à Deng Xiaoping qu’après sa mort. Voilà qui lui assure une prééminence idéologique sans précédent depuis les années 1980.

Le congrès a doté le parti d’un pouvoir sans partage sur la société, institutionnalisant des évolutions lourdes en cours. Sans même parler des services spéciaux, trois modes de gouvernance cohabitaient en Chine : celles du parti, du gouvernement et de l’armée (qui a un poids économique important), le tout assurant au régime une certaine flexibilité et élargissant sa capacité à accommoder des secteurs variés de la bureaucratie. Au cœur de l’Etat, le PCC bénéficiait d’un monopole sur le pouvoir politique, mais dans ce pays gigantesque l’ensemble restait complexe, la mise en œuvre des orientations pouvant varier significativement en fonction des rapports de forces régionaux et locaux au sein du parti.

La direction politique réaffirme aujourd’hui son contrôle du militaire. Quant au Premier ministre, il a perdu l’essentiel de son autorité.

Une telle concentration des pouvoirs entre les mains d’une équipe de direction politiquement repliée sur elle-même implique une dynamique répressive très agressive, préventive. Dans un pays où les régions ont des histoires différentiées, la contestation au sein du parti renaîtra toujours, il faudra l’étouffer dans l’œuf ; comme il faut prévenir toute organisation autonome durable d’une société en pleine évolution.

Xi Jinping doit composer avec des fractions encore puissantes dans le parti, mais il consolide sa légitimité en jouant à fond la carte du nationalisme de grande puissance. Il évoque le « rêve chinois » (par analogie au « rêve américain ») « de renaissance de la nation », il annonce une « ère » de 32 ans pour achever cette montée en force dans l’arène internationale, d’ici le centenaire de la fondation de la République populaire, le 1er octobre 2049.

La direction chinoise va cependant se trouver confrontée à une contradiction majeure. Elle ne peut qu’être inflexible. Elle a bâti sa prééminence en attaquant et en muselant tous azimuts les pôles potentiels d’autonomie politique ou sociale… Si elle lâche du lest, elle ouvrira une boite de pandore revancharde. Or, elle va se trouver confrontée à des ferments de crise qui exigent une gouvernance flexible dans le domaine économique (crise de la dette, de la surproduction) et donc social : elle n’est supportable par la population que si elle assure stabilité et croissance du niveau de vie ; mais aussi dans le domaine international. Pékin doit notamment trouver le moyen de reprendre l’initiative dans le Pacifique nord, où l’hégémonie US se consolide à l’occasion de la crise coréenne.

Le système de gouvernance imposé par Xi Jinping et ses soutiens va lui-même devenir un facteur de crise.

Pierre Rousset


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